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Tombe de Badinter Profanée : Un Royaliste Condamné

Un étudiant d’une grande école tagué la tombe de Robert Badinter le jour même où il entrait au Panthéon. Condamné à un an de prison avec sursis, il se dit royaliste et séduit par Le Pen… Mais que cachent vraiment ses motivations ? L’affaire qui secoue la France.

Le 9 octobre dernier, alors que la France rendait un hommage solennel à Robert Badinter en le faisant entrer au Panthéon, un acte d’une rare violence symbolique se produisait dans l’ombre du cimetière de Bagneux. Un jeune homme de 23 ans, étudiant dans une grande école, profanait la tombe de l’ancien ministre de la Justice avec des inscriptions haineuses. Un an de prison avec sursis : telle est la peine prononcée ce mercredi par le tribunal de Nanterre.

Une profanation minutieusement préparée

L’acte n’avait rien d’impulsif. Les enquêteurs ont rapidement établi que le jeune homme s’était rendu plusieurs jours auparavant au cimetière du Montparnasse, puis à Bagneux, muni d’un plan des lieux où il avait soigneusement repéré et annoté l’emplacement exact de la sépulture de Robert Badinter. Dans la nuit du 9 octobre, les caméras de vidéosurveillance le filment entrant et sortant, visage dissimulé, une bombe de peinture à la main.

À la peinture bleue, il inscrit des mots d’une violence inouïe : « Éternelle est leur reconnaissance, les assassins, les pédos, les violeurs, la RÉPUBLIQUE le sanctifient ». Un message qui vise directement l’œuvre de Robert Badinter : l’abolition de la peine de mort en 1981, perçue par certains comme une protection accordée aux criminels les plus dangereux.

Qui est vraiment ce jeune royaliste ?

Devant les juges, le prévenu se présente comme un « royaliste loyaliste ». Âgé de seulement 23 ans, il étudie dans une école prestigieuse de la République, celle-là même qu’il semble mépriser. Interrogé longuement sur ses idées, il assume être « séduit » par l’idéologie royaliste et répond sans hésiter « oui » lorsqu’on lui demande s’il pense que la société française vit une forme de décadence.

Plus troublant encore : deux croix gammées ont été retrouvées dans ses cahiers. D’abord qualifiées d’« esprit d’école » en garde à vue, elles deviennent à l’audience une forme d’« humour noir ». Des explications qui peinent à convaincre le président du tribunal, Benjamin Deparis, qui s’interroge à voix haute :

« Comment les écoles de la République, qui sont censées former des élites, peuvent-elles attirer dans leurs rangs des gens qui ont un tel projet criminel ? »

Benjamin Deparis, président du tribunal de Nanterre

Le Pen comme inspiration morbide

Le jeune homme ne cache pas son intérêt récent pour Jean-Marie Le Pen. Il explique avoir été marqué par la dégradation de la tombe de l’ancien leader du Front National, en janvier dernier en Bretagne. Une sorte de « revanche » symbolique, selon ses propres mots : si la sépulture de Le Pen a été vandalisée, pourquoi celle de Badinter, artisan de l’abolition, entrerait-elle auréolée de gloire au Panthéon ?

Ce parallèle glaçant révèle une logique de haine croisée, où la mémoire des morts devient un champ de bataille idéologique. Le prévenu admet avoir agi « avec froideur », reconnaissant même la lâcheté de son geste. Devant la famille de Robert Badinter, il présente des excuses, le regard fuyant.

Une République qui répond à la haine

La réaction d’Emmanuel Macron ne s’est pas fait attendre. Sur les réseaux sociaux, le président de la République écrit : « Honte à ceux qui ont voulu souiller sa mémoire. La République est toujours plus forte que la haine. » Des mots qui résonnent comme un rappel : l’hommage à Robert Badinter, mort en février 2024 à 95 ans, dépasse les clivages partisans.

La tombe, nettoyée rapidement par les services de la Ville de Paris, n’a subi aucun dégât irréparable. Mais le symbole, lui, reste profondément entaché.

Un profil qui interroge l’élite française

Ce n’est pas un marginal, ni un déséquilibré connu des services de police. C’est un jeune homme issu des meilleures formations, inconnu de la justice jusqu’à ce jour. Son parcours soulève une question lancinante : comment des institutions censées former l’élite républicaine peuvent-elles abriter des individus porteurs d’une telle violence idéologique ?

Le président du tribunal ne mâche pas ses mots. Il pointe du doigt une dérive possible au sein même des grandes écoles, où l’on cultive parfois un entre-soi propice aux idées extrêmes. L’« esprit d’école » invoqué pour justifier les croix gammées prend alors une tout autre dimension.

Une peine clémente qui divise

Un an de prison avec sursis. C’est la sanction retenue par le tribunal. Une peine qui peut sembler légère au regard de la portée symbolique de l’acte. Pourtant, le jeune homme repart libre, avec une inscription à son casier judiciaire qui le suivra longtemps.

Certains y verront une clémence excessive. D’autres, une réponse proportionnée pour un individu sans antécédents, qui a reconnu les faits et présenté des excuses. Quoi qu’il en soit, cette affaire laisse un goût amer : celui d’une haine qui couve encore, quarante-trois ans après l’abolition de la peine de mort.

Badinter, une mémoire toujours vivante

Robert Badinter reste une figure clivante. Pour les uns, il est l’homme qui a mis fin à la barbarie de la guillotine. Pour les autres, il incarne une justice trop clémente, qui aurait sacrifié les victimes sur l’autel des droits des criminels. Cette profanation ravive ces débats jamais vraiment clos.

Mais au-delà des opinions, il y a un constat : attaquer une tombe, c’est attaquer la mémoire collective. C’est refuser le droit à la paix des morts. Et cela, aucune idéologie ne peut le justifier.

Au Panthéon, le nom de Robert Badinter brille désormais aux côtés des grands serviteurs de la République. À Bagneux, sa tombe a été souillée puis nettoyée. Le contraste est violent. Mais il dit aussi la force d’un pays qui, malgré les haines, continue d’honorer ceux qui ont fait avancer les droits humains.

Cette affaire n’est pas qu’un fait divers. Elle est le révélateur brutal de fractures qui traversent encore la société française. Entre ceux qui célèbrent l’abolition et ceux qui la vomissent. Entre une République qui se veut universelle et des courants qui rêvent de la renverser. Entre la lumière du Panthéon et l’obscurité d’un cimetière en banlieue parisienne.

Le jeune royaliste repart avec une condamnation. La France, elle, reste face à ses démons. Et la mémoire de Robert Badinter, malgré tout, continue de nous hanter. Pour le meilleur, espérons-le. Et non pour le pire.

Dans une société où les extrêmes se radicalisent, cet acte pose une question essentielle : jusqu’où la haine peut-elle aller quand elle s’attaque aux morts ? Et surtout, comment empêcher que de tels gestes ne se reproduisent ?

La réponse, peut-être, passe par l’éducation. Par le rappel incessant de ce que fut l’œuvre de Robert Badinter. Par le refus de laisser la mémoire des justes être salie par ceux qui rêvent d’un autre temps. Un temps où la guillotine tranchait encore.

Aujourd’hui, la tombe est propre. Le Panthéon brille. Mais quelque part, dans l’ombre d’une grande école, d’autres esprits peut-être continuent de ruminer la même colère froide.

À nous de faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

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