Et si le prochain grand bouleversement politique français ne venait pas seulement de l’intérieur, mais aussi… de l’autre côté de l’Atlantique ? Avec le retour deAlgérie de Donald Trump à la Maison Blanche, une question taraude les cercles du pouvoir à Paris : la mouvance MAGA est-elle en train de poser ses valises idéologiques en France à l’approche des échéances électorales décisives de 2026 et 2027 ?
Une préoccupation réelle mais encore invisible
À ce jour, aucun rapport officiel n’a prouvé l’existence d’une ingérence numérique coordonnée venue directement des réseaux trumpistes. Pourtant, dans les couloirs des services de renseignement, on ne cache pas une « vraie préoccupation ». Le service Viginum, chargé de détecter les manipulations étrangères sur internet, scrute avec attention chaque mouvement suspect.
Pourquoi tant d’inquiétude ? Parce que les signaux se multiplient. Des rencontres discrètes aux déclarations tonitruantes, tout indique que l’écosystème MAGA regarde l’Europe, et particulièrement la France, comme un terrain à conquérir idéologiquement.
Des contacts assumés comme jamais auparavant
L’époque où les républicains américains évitaient soigneusement l’extrême droite européenne est révolue. Aujourd’hui, les échanges sont publics, assumés, presque ostentatoires.
JD Vance, le vice-président américain, n’a pas hésité à fustiger les politiques migratoires européennes lors de la conférence de Munich. Quelques jours plus tard, il rencontrait Alice Weidel, coprésidente de l’AfD allemande, à une semaine d’élections cruciales outre-Rhin.
En France, les ponts se construisent aussi. Des figures françaises de la droite nationale entretiennent des liens réguliers avec des conseillers de campagne, des influenceurs et des think tanks qui irriguent la pensée trumpiste.
« Nous sommes confrontés à des enjeux très similaires »
Sarah Knafo, eurodéputée
Ces mots résument parfaitement la philosophie des échanges actuels : on se voit comme des alliés face à des combats communs – immigration, identité, critique du « wokisme ».
Reconquête, le parti le plus aligné sur certains discours MAGA
Parmi les formations françaises, c’est clairement Reconquête qui affiche la proximité la plus nette. Le parti fondé par Éric Zemmour assume voir outre-Atlantique un « laboratoire » de ce qui fonctionne ou non en matière de communication politique radicale.
Sarah Knafo n’hésite pas à le dire ouvertement : les contacts existent, les échanges sont réguliers. L’épisode de la minute de silence réclamée au Parlement européen pour Charlie Kirk, figure influente du mouvement conservateur américain assassiné en septembre 2025, en est l’illustration la plus récente.
Cette initiative, portée par le groupe Identité et Démocratie, a provoqué un tollé. Mais elle montre à quel point certains élus français n’hésitent plus à importer symboles et causes venues directement des États-Unis.
Le Rassemblement National dans une position plus nuancée
À l’inverse, le RN adopte une posture plus prudente. Louis Aliot, vice-président du parti, le répète : « Nous voulons rester une voix indépendante ». Des points communs existent – lutte contre l’immigration, critique des élites – mais des divergences majeures aussi, notamment sur la place de la religion dans le politique.
Pourtant, des cadres du parti étaient bien présents à l’investiture de Donald Trump. Et à l’hommage rendu à Charlie Kirk dans le Colorado. Des gestes qui en disent long, même si le discours officiel reste mesuré.
Une source diplomatique française le confirme sans détour : avec l’Allemagne ou le Royaume-Uni, les partis nationalistes sont perçus comme plus naturellement alignés sur l’agenda MAGA qu’en France.
Les passerelles discrètes mais efficaces
Derrière les déclarations publiques, tout un réseau d’associations et de fondations travaille à tisser des liens durables entre conservateurs américains et européens.
La Bourse Tocqueville, dirigée par un couple franco-américain, joue un rôle central. C’est elle qui a organisé la venue à Paris de Kevin Roberts, président de la Heritage Foundation – véritable boîte à idées du trumpisme. Son message était clair : il s’agit de « ressusciter l’esprit de la civilisation occidentale » ensemble.
Marion Maréchal, elle, a reçu Alex Bruesewitz, jeune conseiller médiatique de la campagne Trump. Elle parle sans détour de « soutien politique et médiatique » rendu possible par la liberté retrouvée sur les réseaux sociaux.
« La liberté sur les réseaux sociaux aide à établir cette passerelle et à nous renforcer mutuellement »
Marion Maréchal
Le rôle décisif des plateformes numériques
Car c’est bien là que tout se joue aujourd’hui : sur X, TikTok, YouTube. Les algorithmes peuvent propulser massivement des contenus nationalistes. En Allemagne, lors des dernières législatives, plus de la moitié des recommandations politiques sur X étaient favorables à l’AfD. Sur TikTok, le chiffre grimpait à 78 %.
En France, le patron de Viginum alerte : les grandes plateformes doivent être considérées comme des « acteurs de la menace informationnelle ». Leurs choix algorithmiques pèsent lourd sur le débat public.
Elon Musk, propriétaire de X et ancien soutien bruyant de Trump, concentre toutes les craintes. Sa plateforme est devenue le terrain de jeu privilégié des narratifs conservateurs radicaux.
Une réponse française encore timide
Face à cela, les autorités peinent à trouver la parade. Le compte « French response », lancé par le Quai d’Orsay pour contrer les fausses informations, végète à moins de 10 000 abonnés. Difficile de rivaliser avec la puissance de feu numérique des réseaux MAGA.
La crainte de représailles commerciales de l’administration Trump paralyse aussi une partie de la réponse européenne. On préfère la discrétion à l’affrontement direct.
Résultat : le terrain idéologique reste largement ouvert. Et les municipales de 2026 puis la présidentielle de 2027 pourraient bien se jouer, en partie, à coups de tweets, de vidéos virales et de narratifs venus d’outre-Atlantique.
Vers une droitisation transatlantique durable ?
Ce qui frappe, c’est la rapidité avec laquelle les barrières sont tombées. Ce qui était encore tabou il y a cinq ans – des élus français posant fièrement aux côtés de figures MAGA – devient presque banal.
Les thèmes porteurs voyagent vite : souveraineté, identité, critique des élites mondialisées, défense de la « civilisation occidentale ». Ils trouvent un écho croissant dans une partie de l’opinion publique française déboussolée par les crises successives.
Les années à venir diront si cette convergence reste épisodique ou si elle annonce une recomposition profonde et durable de la droite européenne sous influence américaine. Une chose est sûre : le retour de Trump n’a pas seulement bouleversé les États-Unis. Il a aussi ouvert une nouvelle ère dans les relations transatlantiques de la droite radicale.
Et la France, bon gré mal gré, se retrouve en première ligne.
À retenir : Aucune ingérence massive prouvée à ce jour, mais des contacts idéologiques de plus en plus assumés, un rôle croissant des réseaux sociaux, et une vigilance accrue des autorités françaises à l’approche des élections de 2026 et 2027.









