Imaginez-vous marcher tranquillement dans une rue de Lyon, et soudain devoir slalomer entre des groupes qui dealent ouvertement, des cris, des bagarres, et cette impression permanente que la loi a déserté les lieux. C’est le quotidien que vivaient les habitants de la Guillotière jusqu’à cette semaine. Lundi 24 novembreicide, la préfecture du Rhône a frappé fort : fermeture administrative de trois mois pour le « Café DZ » et le salon de coiffure attenant, tous deux situés au 12 rue Montebello. Un soulagement immense pour des riverains épuisés.
La Guillotière : quand un café devient le cœur battant de tous les trafics
Ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête. Depuis l’été 2025, les services de police ont accumulé les procès-verbaux, les vidéos, les témoignages. Le constat est accablant : l’établissement était devenu un véritable supermarché du crime à ciel ouvert.
Stupéfiants, recel de téléphones volés, cigarettes de contrebande, mais aussi refuge pour les auteurs de violences : tout se passait là, sous les yeux indifférents – ou complices – des gérants. La terrasse servait de point de deal permanent, et dès qu’une patrouille approchait, les individus se réfugiaient à l’intérieur sans que personne ne bouge le petit doigt.
« Les deux établissements constituent un point central de recel et de trafic en tous genres dans un quartier particulièrement criminogène »
Extrait de l’arrêté préfectoral du 24 novembre 2025
Des mois d’observations qui ont tout changé
Revenons quelques mois en arrière. Dès le mois de juillet, les effectifs de la police nationale et municipale ont multiplié les passages rue Montebello. Les faits sont précis, datés, filmés.
On y voit des transactions de drogue en pleine journée. Des sacs remplis de téléphones portables manifestement volés qui changent de mains. Des bagarres au couteau qui se terminent à l’intérieur du café. Et surtout, cette impunité totale : les gérants ne réagissent jamais, ne composent jamais le 17, ne ferment jamais la porte aux délinquants.
Pire, certains agents ont constaté que les individus les plus recherchés du quartier venaient s’y installer tranquillement, parfois pendant des heures, comme s’ils étaient chez eux.
Un quartier abandonné depuis trop longtemps
La Guillotière n’est pas n’importe quel quartier. Coincé entre la place Bellecour et la gare de la Part-Dieu, il concentre tous les problèmes que Lyon traîne depuis quinze ans : crack, trafic de migrants, violence gratuite, sentiment d’impunité.
Les habitants, eux, racontent la même histoire depuis des années. Impossible de rentrer chez soi après 20 heures sans se faire insulter ou bousculer. Les mamans qui évitent de passer devant certains bars avec leurs enfants. Les commerçants qui baissent le rideau à 18 heures parce qu’ils ont peur.
Et pendant ce temps, certains élus locaux minimisaient, parlaient de « sentiment » d’insécurité, promettaient des médiations qui ne venaient jamais. Résultat : les Lyonnais ont fini par ne plus croire en rien.
Une décision rare et courageuse
La fermeture administrative d’un commerce pour des faits de cette gravité reste exceptionnelle. Elle nécessite un dossier en béton, des preuves irréfutables, et surtout une volonté politique claire.
Cette fois, le préfet n’a pas hésité. L’arrêté est tombé net : trois mois de fermeture, renouvelables si nécessaire. Les scellés ont été posés dès le lendemain matin. Les rideaux métalliques sont baissés. La terrasse, vidée.
Et pour la première fois depuis longtemps, les riverains ont applaudi quand ils ont vu les camions de police arriver.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Trois mois, c’est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup pour les gérants qui perdent leur chiffre d’affaires. Peu si l’on considère que le problème risque de se déplacer de quelques mètres.
Car le vrai sujet n’est pas seulement ce café. C’est tout un écosystème de trafics qui s’est installé durablement dans le quartier. Les mêmes individus vont simplement se rabattre sur un autre bar, une autre épicerie, un autre hall d’immeuble.
Pour que cette fermeture ait un sens, il faudra qu’elle soit suivie d’effets : renforcement des patrouilles, expulsions des occupants illégaux des halls, verbalisations systématiques, et surtout une présence humaine constante.
Les habitants osent enfin espérer
Pourtant, quelque chose a changé cette semaine. Les groupes WhatsApp des riverains, d’habitude remplis de messages d’alerte et de vidéos choquantes, se sont remplis de messages de soulagement.
« Enfin ! », « On respire », « Merci à ceux qui ont agi » : les mots sont simples, mais ils disent tout. Pour la première fois depuis des années, les gens du quartier ont l’impression qu’on les a entendus.
Une dame de 72 ans qui habite juste au-dessus du café a même accroché un petit mot sur la porte scellée : « Merci. On va enfin pouvoir dormir ».
Vers une reconquête durable ?
La fermeture du Café DZ n’est qu’une étape. Mais c’est une étape symbolique forte. Elle montre que l’État peut encore agir quand il le décide vraiment.
Les mois qui viennent seront décisifs. Si la police maintient la pression, si d’autres établissements dans la même situation sont ciblés, si les trafiquants comprennent que le quartier n’est plus une zone de non-droit, alors oui, la Guillotière pourra peut-être redevenir le quartier vivant et agréable qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.
Sinon, dans trois mois, les rideaux remonteront, et tout recommencera.
Une chose est sûre : les Lyonnais, eux, ne lâcheront plus. Ils ont trop souffert, trop attendu. Cette fois, ils veulent des résultats durables. Et ils ont bien raison.
À lire aussi : La Guillotière n’est pas un cas isolé. Partout en France, des quartiers entiers échappent peu à peu au contrôle républicain. La fermeture du Café DZ est un signal. Reste à savoir si l’État aura le courage de le transformer en tournant décisif.
En attendant, ce soir, dans la rue Montebello, il y a un peu moins de bruit. Un peu moins de peur. Et beaucoup plus d’espoir.









