Alors que le mandat de Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel touche à sa fin, la bataille pour sa succession fait rage en coulisses. Parmi les prétendants, un nom revient avec insistance : celui d’Éric Dupond-Moretti. Mais le bouillonnant garde des Sceaux est loin d’être le seul sur les rangs. Tour d’horizon des forces en présence et des enjeux de cette nomination très convoitée.
Dupond-Moretti, le favori qui divise
Nommé avec fracas Place Vendôme en juillet 2020, Éric Dupond-Moretti ne cache pas ses ambitions pour le Conseil constitutionnel. Cette institution, chargée notamment de contrôler la conformité des lois à la Constitution, représenterait pour l’ancien ténor du barreau une consécration et une forme d’apaisement après un mandat houleux au ministère de la Justice.
Mais la perspective de voir l’impétueux Dupond-Moretti endosser les habits de sage de la rue de Montpensier en inquiète plus d’un, y compris dans la majorité. Ses coups de gueule à répétition et ses relations conflictuelles avec la magistrature ont laissé des traces. Ses détracteurs craignent un Conseil constitutionnel plus clivant et politisé que jamais.
Philippe et Ferrand, les outsiders de poids
Face à Dupond-Moretti, deux autres ténors de la Macronie fourbissent leurs armes en vue de la succession de Fabius : Édouard Philippe et Richard Ferrand. L’ancien Premier ministre, en retrait de la vie politique nationale depuis son départ de Matignon en 2020, verrait dans le Conseil un moyen de peser à nouveau dans le débat public, tout en se plaçant dans la perspective de 2027.
Quant au président de l’Assemblée nationale, très affaibli depuis la perte de la majorité absolue par les macronistes en juin 2022, il pourrait trouver rue de Montpensier une porte de sortie honorable. Mais l’hypothèse Ferrand se heurte à un obstacle de taille : sa mise en examen dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, qui entacherait l’image d’indépendance du Conseil.
Bayrou, la surprise centriste ?
Reste un dernier nom, inattendu : celui de François Bayrou. Allié-rival historique d’Emmanuel Macron, le patron du MoDem pourrait représenter une solution de compromis entre les différentes sensibilités de la majorité. Surtout, sa nomination enverrait un signal fort en direction des centristes, échaudés par le virage à droite du second quinquennat Macron.
Mais le maire de Pau, âgé de 71 ans, a-t-il encore la niaque pour un tel défi ? Lui qui a déjà été battu trois fois à la présidentielle pourrait préférer se consacrer à l’écriture de ses Mémoires plutôt que de plonger dans le tumulte politico-judiciaire du Conseil constitutionnel.
Les enjeux d’une nomination très politique
Au-delà des profils des prétendants, la bataille pour la succession de Fabius illustre surtout le caractère éminemment politique de la nomination du président du Conseil constitutionnel. Loin d’être un choix purement technique, c’est un marqueur fort envoyé par le chef de l’État à son camp comme à ses opposants.
En nommant Dupond-Moretti, Macron adouberait la ligne dure et souverainiste portée par son ministre de la Justice, quitte à se mettre à dos les juges et la vieille garde de LREM. Philippe incarnerait un retour aux sources du « et de droite, et de gauche », non sans arrière-pensées présidentielles pour 2027. Ferrand serait un choix de continuité, mais risqué. Bayrou, enfin, offrirait un gage au centre et à l’esprit du « nouveau monde » de 2017.
Mais tous ces calculs partisans ne font-ils pas perdre de vue l’essentiel : la nécessité de choisir une personnalité à la fois compétente et incontestable pour ce poste régalien, à l’heure où les institutions traversent une crise de confiance ? C’est tout l’enjeu des semaines à venir pour Emmanuel Macron, dont ce choix très attendu dira beaucoup de la suite qu’il entend donner à son second mandat.