Pourquoi une initiative mondiale, portée par les plus grandes banques, s’effondre-t-elle soudainement ? Lancée avec ambition en 2021, l’Alliance Bancaire Net-Zéro (NZBA) visait à transformer le secteur financier en fer de lance de la neutralité carbone. Pourtant, fin 2025, elle annonce la fin de ses activités, un choc pour les défenseurs de la transition écologique. Ce revirement soulève des questions sur l’avenir de la finance verte et la capacité des institutions à tenir leurs promesses face à des vents politiques contraires.
Une ambition climatique stoppée net
Créée sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP-FI), la NZBA avait pour mission de pousser les banques à réduire l’empreinte carbone de leurs portefeuilles de prêts et d’investissements. À son apogée, elle réunissait près de 150 institutions, dont des géants français comme BNP Paribas, Crédit Agricole ou Société Générale. L’objectif ? Aligner le secteur bancaire sur les ambitions de l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique. Mais ce rêve semble s’être brisé contre des réalités politiques et économiques.
Depuis août 2025, l’avenir de l’alliance était incertain. Une pause dans ses activités avait été décrétée, en attendant un vote crucial de ses membres. Le verdict est tombé : les banques ont opté pour un cadre moins contraignant, abandonnant le modèle d’adhésion stricte de la NZBA. Ce choix reflète un tournant dans la stratégie des institutions financières, désormais en quête de plus de flexibilité.
Un contexte politique défavorable
Le vent a tourné avec l’élection de dirigeants peu enclins à prioriser la lutte contre le changement climatique. Aux États-Unis, des promesses de relance massive de l’exploitation pétrolière ont marqué un retour en force des énergies fossiles. Cette nouvelle donne a poussé six grandes banques américaines, dont Goldman Sachs, Citi et JPMorgan Chase, à quitter l’alliance dès la fin de l’année précédente. Leur départ a créé un effet domino.
Il est extrêmement décevant de voir les plus grandes banques du monde voter pour se soustraire à leurs responsabilités climatiques.
Jeanne Martin, ShareAction
Ces défections en chaîne ont fragilisé la NZBA. Des établissements canadiens et japonais, comme RBC ou Mizuho, ont suivi le mouvement. Début août, la banque britannique Barclays a également claqué la porte, arguant que l’alliance n’avait plus assez de membres pour soutenir une transition efficace. Ce départ a sonné le glas d’une initiative autrefois perçue comme un pilier de la finance durable.
Un assouplissement progressif des ambitions
Dès le printemps 2025, les signes d’un relâchement étaient visibles. La NZBA avait revu ses objectifs à la baisse, troquant des « directives » contre des « orientations » et des « exigences » contre des « recommandations ». Cette dilution sémantique trahissait une volonté de donner plus de marge de manœuvre aux membres, face à des pressions externes croissantes. Mais cet assouplissement n’a pas suffi à sauver l’alliance.
Les banques restantes sont désormais invitées à utiliser les lignes directrices de la NZBA comme simple cadre de référence. Une consigne bien loin des engagements initiaux, qui visaient des actions concrètes et mesurables pour réduire l’impact environnemental du secteur financier.
Les raisons d’un échec
Plusieurs facteurs expliquent cette déroute. D’abord, le contexte géopolitique, marqué par un recul des priorités climatiques dans plusieurs pays. Ensuite, la pression des actionnaires, qui privilégient souvent la rentabilité à court terme sur les engagements à long terme. Enfin, l’absence d’un cadre réglementaire global contraignant a laissé les banques libres de revoir leurs ambitions à la baisse.
Les chiffres clés de la NZBA
- 2021 : Année de création de l’alliance.
- 150 : Nombre de membres à son apogée.
- 6 : Grandes banques américaines ayant quitté l’alliance.
- 2025 : Année de dissolution de la NZBA.
Ce retrait progressif traduit une tension croissante entre les impératifs économiques et les engagements environnementaux. Les banques, confrontées à des réalités financières, semblent hésiter à maintenir des objectifs climatiques ambitieux sans un soutien politique fort.
Quelles perspectives pour la finance verte ?
La dissolution de la NZBA ne signifie pas la fin des efforts climatiques dans le secteur bancaire. Certaines institutions pourraient continuer à intégrer des critères environnementaux dans leurs stratégies, mais de manière plus individuelle. Cependant, sans un cadre collectif comme la NZBA, la cohérence et l’impact global risquent d’être limités.
Des initiatives parallèles, comme les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Glasgow, pourraient prendre le relais. Mais leur succès dépendra de la capacité des acteurs financiers à résister aux pressions politiques et économiques. Pour l’instant, le signal envoyé par la fin de la NZBA est clair : la route vers une économie neutre en carbone est plus sinueuse que prévu.
Un appel au courage
Face à ce revers, les ONG environnementales ne baissent pas les bras. Elles appellent les dirigeants bancaires à faire preuve de leadership. Comme le souligne Jeanne Martin, le moment est critique pour agir contre le réchauffement climatique. Les banques, en tant qu’acteurs majeurs de l’économie mondiale, ont un rôle clé à jouer.
Pourtant, les défis restent nombreux. La volatilité des politiques nationales, les intérêts divergents des actionnaires et l’absence de normes internationales unifiées compliquent la tâche. La dissolution de la NZBA pourrait être vue comme un échec, mais aussi comme une opportunité de repenser les approches pour une finance plus durable.
Vers une nouvelle approche ?
La fin de la NZBA marque un tournant, mais pas nécessairement la fin de la transition énergétique. Les banques pourraient explorer des cadres régionaux ou sectoriels, plus adaptés aux réalités locales. Par exemple, certaines institutions européennes continuent d’investir dans des projets d’énergies renouvelables, malgré les incertitudes.
Les leçons tirées de cet échec pourraient aussi inspirer des initiatives plus robustes. Un cadre plus inclusif, impliquant gouvernements, entreprises et société civile, pourrait émerger pour redonner un élan à la finance verte. L’enjeu est de taille : réconcilier rentabilité et responsabilité environnementale dans un monde en pleine mutation.
Facteurs | Impact sur la NZBA |
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Contexte politique | Priorisation des énergies fossiles dans certains pays. |
Pression des actionnaires | Focus sur la rentabilité à court terme. |
Défaut de réglementation | Absence de cadre contraignant à l’échelle mondiale. |
En conclusion, la fin de la NZBA est un coup dur pour la finance verte, mais elle ouvre aussi la voie à une réflexion sur des approches plus pragmatiques. Les banques, sous pression, doivent naviguer entre leurs engagements climatiques et les réalités économiques. L’avenir dira si elles sauront relever ce défi.