Un cri déchire le silence d’un foyer paisible à Lukenya, à une quarantaine de kilomètres de Nairobi. Ce samedi, la police kényane a fait irruption au domicile de Boniface Mwangi, figure emblématique de la lutte pour les droits humains au Kenya. Accusé de terrorisme et d’incendie criminel, cet activiste respecté a été emmené sous les yeux de sa famille, ses appareils électroniques confisqués. Sur les réseaux sociaux, l’onde de choc est immédiate : le hashtag #FreeBonifaceMwangi devient viral, porté par une vague d’indignation. Que reproche-t-on réellement à cet homme qui, depuis des années, donne une voix aux sans-voix ?
Boniface Mwangi : Un Symbole de Résistance
Boniface Mwangi n’est pas un inconnu au Kenya. Ancien photojournaliste, il s’est fait un nom en capturant, à travers son objectif, les injustices qui gangrènent son pays. De la corruption endémique aux violences policières, il a toujours été en première ligne, dénonçant sans relâche les abus de pouvoir. Son engagement l’a transformé en une figure de proue de la société civile, admiré par les jeunes et les défenseurs de la justice sociale. Mais cet activisme a un prix : Mwangi a été arrêté à de multiples reprises, chaque détention renforçant sa détermination.
Son arrestation récente, survenue le 19 juillet 2025, n’est pas un incident isolé. Elle s’inscrit dans un contexte de répression croissante au Kenya, où le président William Ruto fait face à une contestation populaire sans précédent. Depuis juin 2024, des manifestations anti-gouvernementales ont secoué le pays, portées par une jeunesse exaspérée par la stagnation économique et les dérives autoritaires. Ces mouvements, souvent pacifiques au départ, ont parfois dégénéré en violences, marquées par des interventions brutales des forces de l’ordre.
Une Arrestation aux Accusations Floues
L’arrestation de Mwangi a été annoncée par sa femme, Njeri Mwangi, dans un message poignant publié sur les réseaux sociaux. Selon elle, des officiers de la Direction des enquêtes criminelles (DCI) ont fait irruption chez eux, évoquant des charges graves : terrorisme et incendie criminel. Ces accusations, lourdes de conséquences, ont immédiatement suscité le scepticisme. Hussein Khalid, directeur de l’ONG VOCAL Africa, a confirmé que Mwangi était détenu dans un poste de police de Nairobi, probablement jusqu’à une comparution prévue le lundi suivant.
« La police est venue chez nous et a emmené mon mari, parlant de terrorisme et d’incendie criminel ! Ils ont confisqué ses appareils et l’ont emmené au QG du DCI. Je ne peux plus respirer. »
Njeri Mwangi, sur les réseaux sociaux
Les détails entourant les accusations restent flous. Selon un mandat de perquisition partagé par des militants, la DCI reprocherait à Mwangi et à son organisation, Mageuzi Hub, d’avoir orchestré les troubles survenus le 25 juin 2025. Ce jour-là, des manifestations en hommage aux victimes de violences policières de 2024 ont dégénéré, faisant au moins 19 morts. Les autorités affirment que des fonds auraient été distribués pour recruter des « voyous » visant à semer le chaos. Pourtant, aucune preuve concrète n’a été rendue publique, alimentant les soupçons d’une tentative de museler un critique gênant.
Un Contexte de Répression Croissante
Depuis l’éclatement des manifestations en juin 2024, le Kenya traverse une période de tensions extrêmes. Les organisations de défense des droits humains rapportent plus de 100 décès liés à la répression des rassemblements anti-gouvernementaux. Les accusations de violences policières se multiplient, tout comme les récits d’enlèvements ciblant des activistes. Boniface Mwangi, avec son franc-parler et sa capacité à mobiliser les foules, est une cible évidente pour un pouvoir en quête de contrôle.
Le 19 juillet, alors que Mwangi était emmené, des activistes ont signalé un raid simultané dans les bureaux de son organisation à Nairobi. Ce double assaut – sur son domicile et son lieu de travail – semble indiquer une opération coordonnée. Sur les réseaux sociaux, des appels ont été lancés pour que les médias couvrent ces événements, tandis que des photos de Mwangi, affirmant être accusé à tort, circulaient largement.
« J’ai été enlevé à mon domicile de Lukenya, accusé d’incendie criminel et de terrorisme. Je ne suis pas un terroriste. »
– Message attribué à Boniface Mwangi, partagé par des militants
Un Passé d’Engagement et de Persécutions
Boniface Mwangi n’en est pas à sa première confrontation avec les autorités. En mai 2025, il avait été arrêté à Dar es Salaam, en Tanzanie, aux côtés de la militante ougandaise Agather Atuhaire. Leur crime ? Avoir voulu assister au procès de Tundu Lissu, leader de l’opposition tanzanienne, accusé de trahison. Cette arrestation s’était soldée par des allégations troublantes : Mwangi et Atuhaire ont dénoncé des actes de torture et d’agressions sexuelles durant leur détention. Leur témoignage, livré lors d’une conférence de presse à Nairobi, a choqué l’opinion publique et conduit à une plainte déposée devant la Cour de justice de l’Afrique de l’Est.
« Nous avons été traités pire que des chiens : enchaînés, les yeux bandés, soumis à des tortures atroces. »
Boniface Mwangi, lors d’une conférence de presse à Nairobi, juin 2025
Cette expérience traumatisante n’a pas brisé sa détermination. Au contraire, Mwangi a continué à dénoncer les abus, que ce soit en Tanzanie ou au Kenya. Son courage lui a valu une reconnaissance internationale, mais aussi une surveillance accrue de la part des autorités. Chaque arrestation semble viser à le réduire au silence, mais l’activiste persiste, porté par un réseau de soutiens qui s’étend bien au-delà des frontières kényanes.
Une Mobilisation Populaire et Numérique
L’annonce de l’arrestation de Mwangi a déclenché une mobilisation immédiate. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #FreeBonifaceMwangi s’est propagé comme une traînée de poudre. Des militants, des avocats et des citoyens ordinaires ont uni leurs voix pour exiger sa libération. Des figures politiques, comme Martha Karua, leader du People’s Liberation Party, ont dénoncé une campagne d’intimidation orchestrée par le gouvernement.
Pour mieux comprendre l’ampleur de cette mobilisation, voici les principaux éléments qui la caractérisent :
- Réaction rapide : Dès l’annonce de l’arrestation, des messages de soutien ont inondé les réseaux sociaux.
- Appel aux médias : Les activistes ont exhorté les journalistes à couvrir le raid sur les bureaux de Mwangi.
- Soutien juridique : Des avocats, dont James Wanjeri, se sont mobilisés pour suivre l’affaire.
- Condamnations politiques : Des leaders d’opposition ont dénoncé une tentative de répression.
Cette solidarité montre à quel point Mwangi est devenu un symbole. Pour beaucoup, il incarne la lutte contre l’oppression et la quête de justice dans un pays où la liberté d’expression est menacée.
Les Accusations : Une Stratégie de Silenciation ?
Les charges de terrorisme et d’incendie criminel portées contre Mwangi soulèvent des questions. Selon la DCI, l’activiste aurait financé des actions violentes lors des manifestations du 25 juin. Pourtant, ces accusations semblent fragiles. Aucun élément tangible n’a été présenté pour étayer ces allégations, et le timing de l’arrestation – un samedi, jour où les tribunaux sont fermés – suggère une volonté d’isoler Mwangi avant une éventuelle comparution.
Pour mieux comprendre le contexte, voici un tableau résumant les événements clés liés à cette affaire :
Date | Événement | Conséquences |
---|---|---|
19 mai 2025 | Arrestation de Mwangi en Tanzanie | Accusations de torture et plainte à la Cour de l’Afrique de l’Est |
25 juin 2025 | Manifestations violentes à Nairobi | 19 morts, accusations contre Mwangi |
19 juillet 2025 | Arrestation à Lukenya | Mobilisation massive, hashtag #FreeBonifaceMwangi |
Ce tableau met en lumière une constante : chaque fois que Mwangi s’élève contre l’injustice, il devient une cible. Les accusations de terrorisme, souvent utilisées pour discréditer les opposants, semblent ici servir un objectif politique.
Un Combat pour la Liberté d’Expression
Boniface Mwangi n’est pas seulement un activiste : il est le porte-voix d’une génération qui refuse de se taire. Son arrestation soulève une question cruciale : jusqu’où un gouvernement peut-il aller pour étouffer la dissidence ? Au Kenya, où la liberté d’expression est inscrite dans la Constitution, les actes d’intimidation contre les militants se multiplient. Enlèvements, détentions arbitraires, violences : le tableau est sombre.
Les organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International, ont dénoncé cette dérive. Elles appellent à une enquête transparente sur les accusations portées contre Mwangi et à la fin des pratiques répressives. Pour les militants, cette arrestation n’est qu’un épisode de plus dans une longue bataille pour la justice sociale.
Quel Avenir pour Boniface Mwangi ?
Alors que Mwangi attend sa comparution, ses soutiens restent mobilisés. Les avocats, les militants et les citoyens continuent de faire pression pour sa libération. Mais au-delà de son cas personnel, cette affaire met en lumière les défis auxquels sont confrontés les défenseurs des droits humains en Afrique de l’Est. Dans un climat politique tendu, où les élections approchent et les tensions s’exacerbent, chaque voix dissidente est menacée.
Pourtant, l’histoire de Mwangi montre que le silence n’est pas une option. Son parcours, marqué par la résilience et l’engagement, inspire des milliers de personnes. Comme il l’a lui-même déclaré lors d’une conférence de presse après sa détention en Tanzanie :
« Nos corps sont peut-être brisés, mais notre esprit est fort. »
Boniface Mwangi, juin 2025
Cette force d’esprit est au cœur de la lutte de Mwangi. Elle est aussi le moteur d’un mouvement plus large, qui refuse de plier face à l’oppression. Alors que le Kenya se trouve à un carrefour, entre aspiration démocratique et dérive autoritaire, l’avenir de Boniface Mwangi et de ses idéaux reste à écrire.
En attendant, une chose est certaine : le hashtag #FreeBonifaceMwangi continuera de résonner, symbole d’une résistance qui ne s’éteint pas.