La Nouvelle-Calédonie vit des heures sombres. Mardi, deux figures de proue du mouvement indépendantiste kanak ont été écrouées à Nouméa en lien avec les violentes émeutes qui secouent l’archipel depuis plus d’un mois. Un nouveau coup dur pour ce territoire d’outre-mer déjà profondément divisé sur son avenir, au bord de l’embrasement.
Nouméa : deux leaders indépendantistes sous les verrous
Parmi les personnalités incarcérées figure Joël Tjibaou, l’un des fils du leader historique kanak Jean-Marie Tjibaou assassiné en 1989, et Gilles Jorédie. Tous deux avaient été interpellés la semaine passée avec neuf autres militants, soupçonnés d’avoir commandité les violences qui embrasent la Calédonie depuis la mi-mai.
Sept des personnes arrêtées ont été transférées en métropole, suscitant l’indignation des indépendantistes qui dénoncent des “déportations” et des “pratiques coloniales”. Mais pour Joël Tjibaou et Gilles Jorédie, la justice a finalement ordonné un placement en détention provisoire au centre pénitentiaire de Nouméa, une décision perçue comme une volonté “d’apaisement”.
Une escalade de violences sans précédent
Les interpellations interviennent dans un contexte de tensions extrêmes en Nouvelle-Calédonie, théâtre des pires violences depuis les années 80. Tout a commencé mi-mai après le vote d’un projet de loi constitutionnelle visant à réformer le corps électoral pour le prochain scrutin provincial. Un texte jugé inacceptable par les indépendantistes kanaks.
Depuis, l’archipel vit au rythme des émeutes, incendies criminels et affrontements entre bandes rivales qui ont déjà fait neuf morts selon le dernier bilan. Des troubles qui se sont intensifiés depuis le transfert des militants en métropole, avec des scènes de guérilla urbaine et des tirs à balles réelles contre les forces de l’ordre.
Vers une nouvelle impasse politique ?
La réforme électorale contestée, qui devait restreindre le poids politique de la communauté kanak, a finalement été abandonnée par Emmanuel Macron. Mais le mal est fait et le dialogue semble plus que jamais rompu entre loyalistes et indépendantistes.
Ce gouvernement a cassé 36 ans de paix en trois jours […] Macron est en train de nous pousser à la guerre civile.
– Un leader indépendantiste
Localement, les appels au calme peinent à se faire entendre et chaque camp se renvoie la responsabilité des violences. Faute d’une reprise rapide du dialogue, c’est une nouvelle période d’instabilité et de blocage qui pourrait s’ouvrir, loin des espoirs de paix nés de l’accord de Nouméa en 1998.
L’avenir de la Calédonie en jeu
Car au-delà des violences actuelles, c’est bien la question de l’avenir institutionnel de l’archipel qui est posée. Après le rejet de l’indépendance à trois reprises lors des derniers référendums, les forces politiques locales devaient plancher sur un nouveau statut d’autonomie élargie.
Mais le processus est au point mort et les positions plus antagonistes que jamais. D’un côté les indépendantistes du FLNKS qui demandent un référendum de sortie rapide, de l’autre les partisans d’un ancrage renforcé dans la République. Entre les deux, une majorité silencieuse calédonienne qui aspire surtout à la paix et au développement.
Réconcilier ces visions opposées s’annonce comme un immense défi pour le gouvernement central et les acteurs politiques locaux. Car sans un nouveau consensus, c’est le risque d’un enlisement durable de la crise calédonienne et de ses conséquences dramatiques pour la population qui se profile. Un scénario catastrophe que personne ne peut souhaiter.