En l’espace de deux décennies, le rapport des jeunes générations françaises au Rassemblement National a connu un changement radical. Alors qu’en 2002, la jeunesse était horrifiée par l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, aujourd’hui, près d’un tiers des moins de 35 ans n’hésite plus à voter pour le parti d’extrême droite. Comment expliquer cette étonnante bascule des mentalités en si peu de temps ?
Du rejet à l’adhésion, un chemin de 20 ans
Au début des années 2000, la jeunesse se mobilisait massivement contre ce qu’elle percevait comme une menace pour la démocratie : la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle. Des manifestations monstres avaient alors réuni des centaines de milliers de jeunes dans les rues, au cri de “Le Pen, non merci !”.
Vingt ans plus tard, le tabou semble s’être évaporé. Lors des dernières élections européennes et législatives, un quart des moins de 25 ans et près d’un tiers des 25-34 ans ont glissé un bulletin RN dans l’urne. Un basculement générationnel spectaculaire qui en dit long sur l’évolution de la société française.
Les raisons d’un vote contestataire
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette nouvelle adhésion de la jeunesse au discours du RN :
- Un sentiment de déclassement et de précarité qui pousse à rejeter le “système” en place.
- Une stratégie de “dédiabolisation” du parti, menée par Marine Le Pen depuis 2011.
- Un discours sécuritaire et anti-immigration qui fait écho aux inquiétudes d’une partie de la jeunesse.
- L’effondrement des partis traditionnels, qui laisse un boulevard aux extrêmes.
Voter RN, c’est même devenu une fierté pour certains jeunes. Le parti a réussi à imposer l’idée qu’il était le seul à les comprendre et à porter leurs revendications.
explique un sociologue spécialiste de la jeunesse
Une tendance lourde qui inquiète
Si ce basculement d’une partie de la jeunesse vers le vote RN est encore minoritaire, il n’en constitue pas moins un signal préoccupant pour la démocratie française. Car derrière les discours policés, le programme du parti reste fondé sur le rejet de l’autre, la préférence nationale et le repli identitaire.
Certains, comme l’influenceur Tibo InShape, relativisent le phénomène en appelant les jeunes à “faire leurs propres choix”. Mais d’autres, à l’instar du footballeur Kylian Mbappé, les exhortent à ne pas céder aux sirènes des extrêmes. Un débat qui promet d’animer les prochaines échéances électorales.