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Zimbabwe : Rejet du Recours sur le Massacre de Gukurahundi

Un tribunal zimbabwéen rejette un recours contre les audiences sur le massacre de Gukurahundi. Ce drame des années 1980 refait surface, mais les tensions persistent. Quel avenir pour la justice ? Lisez pour en savoir plus...

Imaginez un pays où les cicatrices du passé refusent de s’effacer, où les souvenirs d’un massacre continuent de hanter une région entière. Au Zimbabwe, le drame de Gukurahundi, survenu dans les années 1980, reste une plaie ouverte. Ce mardi, un tribunal a rejeté un recours visant à bloquer des audiences très attendues, destinées à faire la lumière sur cette tragédie. Pourquoi ce processus divise-t-il autant ? Plongeons dans cette histoire complexe, où justice, mémoire et politique s’entremêlent.

Un passé douloureux refait surface

Dans les années 1980, le Zimbabwe, fraîchement indépendant, traverse une période de tensions ethniques et politiques. Le massacre de Gukurahundi, qui a eu lieu principalement en 1983, est un chapitre sombre de cette histoire. Une unité d’élite de l’armée, déployée dans le Matabeleland, bastion de l’ethnie minoritaire Ndébélé, a semé la terreur. Selon des organisations comme Amnesty International, environ 20 000 personnes ont perdu la vie, victimes de violences ciblées. Ce drame, orchestré sous le régime de Robert Mugabe, visait les partisans de son rival politique, Joshua Nkomo.

Le Matabeleland, région du sud-ouest du pays, reste marqué par ce traumatisme. Les survivants et leurs descendants vivent avec le poids de cette tragédie, amplifié par un sentiment de marginalisation face à la majorité Shona, qui domine le pouvoir à Harare. Ces tensions historiques continuent de façonner les dynamiques sociales et politiques du Zimbabwe.

Des audiences pour apaiser les tensions

En 2024, le président Emmerson Mnangagwa, qui était ministre de la Sécurité à l’époque des faits, a annoncé l’organisation d’audiences publiques dans les villages touchés. L’objectif ? Permettre aux survivants de témoigner, dans l’espoir d’apaiser les blessures et de promouvoir une forme de réconciliation. Ces audiences, menées par des chefs traditionnels, devaient débuter fin juin 2025, mais ont été reportées, suscitant des débats et des controverses.

Ce processus vise à établir un rapport final, qui pourrait inclure des recommandations pour des réparations financières ou d’autres formes de justice. Mais pour beaucoup, il soulève une question cruciale : peut-on vraiment guérir les plaies du passé sans un dialogue plus large et inclusif ?

« Nous voulons justice pour les personnes tuées… les femmes violées. »

Sibangilizwe Nkomo, dirigeant du parti ZAPU

Un recours judiciaire rejeté

Le parti d’opposition ZAPU, dirigé par Sibangilizwe Nkomo, fils de Joshua Nkomo, a tenté de bloquer ces audiences. Leur argument ? Le processus, dirigé par des chefs traditionnels, manque de légitimité et d’impartialité. ZAPU milite pour un dialogue direct avec le parti au pouvoir, la ZANU-PF, afin de garantir une approche plus transparente et inclusive.

Malgré ces objections, le tribunal de Bulawayo a rejeté le recours, jugeant qu’il n’était pas urgent et aurait pu être déposé plus tôt. Cette décision a ravivé les tensions, certains accusant le système judiciaire de partialité. Pour ZAPU, cette rebuffade ne marque pas la fin de la lutte : le parti promet de continuer à chercher des solutions pacifiques.

Le rejet du recours soulève une question essentielle : comment organiser une justice transitionnelle dans un contexte où la confiance envers les institutions reste fragile ?

Les défis d’une justice transitionnelle

Le processus de Gukurahundi illustre les difficultés d’aborder des crimes historiques dans des contextes politiquement sensibles. Le Zimbabwe n’est pas un cas isolé : de nombreux pays ayant connu des conflits internes ou des violences d’État peinent à trouver un équilibre entre vérité, justice et réconciliation. Les audiences proposées pourraient-elles vraiment répondre aux attentes des victimes ?

Voici quelques enjeux clés liés à ce processus :

  • Neutralité : Les chefs traditionnels, souvent perçus comme proches du pouvoir, peuvent-ils garantir un processus impartial ?
  • Inclusivité : Les voix des survivants et des familles des victimes seront-elles réellement entendues ?
  • Réparations : Des compensations financières suffiront-elles à apaiser des décennies de traumatismes ?
  • Dialogue politique : Sans un échange direct entre les parties concernées, le processus risque-t-il de manquer de légitimité ?

Ces questions reflètent les complexités d’un processus qui, bien qu’ambitieux, divise profondément. Les survivants du Matabeleland attendent non seulement des réponses, mais aussi une reconnaissance officielle des injustices subies.

Un héritage politique controversé

Le massacre de Gukurahundi reste un sujet tabou au Zimbabwe. L’ancien président Robert Mugabe, décédé en 2019, n’a jamais assumé sa responsabilité, qualifiant les rapports d’organisations internationales de « tas de mensonges ». Emmerson Mnangagwa, impliqué à l’époque en tant que ministre, se retrouve aujourd’hui dans une position délicate : promouvoir la réconciliation tout en étant associé à ce passé.

Pour beaucoup, ces audiences sont perçues comme une tentative du gouvernement de contrôler le récit historique, plutôt que de permettre une véritable justice. Cette méfiance est exacerbée par le sentiment de marginalisation des Ndébélés, qui se sentent exclus des sphères de pouvoir dominées par la majorité Shona.

Période Événement Impact
1983 Massacre de Gukurahundi Environ 20 000 morts, tensions ethniques aggravées
2024 Annonce des audiences Espoir de réconciliation, mais controverse
2025 Rejet du recours de ZAPU Tensions ravivées, débat sur la légitimité

Vers un dialogue ou un conflit prolongé ?

Le rejet du recours par le tribunal de Bulawayo marque un tournant, mais pas une fin. ZAPU insiste sur la nécessité d’un dialogue direct avec le parti au pouvoir pour garantir une approche inclusive. Comme l’a souligné Sibangilizwe Nkomo, le parti souhaite une résolution pacifique, mais les obstacles restent nombreux.

Les survivants, eux, attendent des réponses concrètes. Les violences de Gukurahundi ne se limitent pas aux pertes humaines : elles incluent des viols, des déplacements forcés et une fracture sociale durable. Sans un processus perçu comme juste, le risque est de voir les tensions s’aggraver dans une région déjà marginalisée.

« Nous voulons arrêter ce processus car il ne peut pas être dirigé par les chefs. »

Sibangilizwe Nkomo

La question centrale reste : comment construire une justice qui satisfasse toutes les parties ? Un dialogue inclusif, impliquant les victimes, les autorités et les opposants, semble être une condition sine qua non pour avancer.

Un avenir incertain pour la réconciliation

Le processus autour de Gukurahundi est une tentative ambitieuse, mais fragile, de panser les plaies du passé. Les audiences, si elles ont lieu, pourraient marquer un pas vers la reconnaissance des souffrances des victimes. Mais sans une approche véritablement inclusive, elles risquent de n’être qu’un geste symbolique, incapable de répondre aux attentes profondes des communautés touchées.

Le Zimbabwe se trouve à un carrefour. Entre la quête de justice, les tensions ethniques et les défis politiques, le chemin vers la réconciliation est semé d’embûches. Ce qui se joue dans le Matabeleland dépasse la simple question des réparations : c’est une réflexion sur la manière dont une nation peut affronter son passé pour construire un avenir plus uni.

Le Zimbabwe peut-il tourner la page de Gukurahundi ? La réponse dépendra de la volonté de toutes les parties à s’engager dans un dialogue sincère.

En attendant, les regards restent tournés vers le Matabeleland, où les survivants continuent de porter le poids d’une histoire inachevée. Les mois à venir seront déterminants pour savoir si ces audiences ouvriront la voie à une véritable justice, ou si elles ne feront que raviver les blessures du passé.

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