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Zimbabwe : Prostituées Face aux Coupes d’Aide Américaine

Les prostituées du Zimbabwe luttent pour survivre sans préservatifs ni traitements VIH après les coupes d'aide américaine. Comment font-elles face à cette crise ?

Imaginez un instant devoir choisir entre nourrir vos enfants et vous protéger d’une maladie mortelle. Au Zimbabwe, des milliers de travailleuses du sexe font face à ce dilemme chaque jour, depuis que les financements américains pour les programmes de santé, notamment contre le VIH, ont été drastiquement réduits. Dans les faubourgs poussiéreux de Harare, des femmes comme Sharon et Cecilia racontent leur lutte pour survivre dans un système de santé fragilisé, où même les préservatifs deviennent un luxe. Cet article explore l’impact dévastateur de ces coupes budgétaires, un sujet qui touche non seulement les travailleuses du sexe, mais aussi l’ensemble d’une population vulnérable.

Une Crise Sanitaire Amplifiée par les Coupes Américaines

Depuis plusieurs décennies, le Zimbabwe dépendait fortement de l’aide internationale pour maintenir un système de santé précaire. Parmi les programmes les plus vitaux, le PEPFAR, une initiative mondiale contre le VIH, a longtemps été un pilier pour des millions de personnes. Cependant, la décision de l’administration américaine de réduire ces financements a provoqué un séisme dans l’écosystème sanitaire du pays. Les dispensaires, autrefois approvisionnés en préservatifs et en traitements antirétroviraux, se retrouvent aujourd’hui à court de ressources, laissant des milliers de personnes sans protection.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au premier semestre 2025, Harare a enregistré 5 932 décès liés au sida, une augmentation par rapport aux 5 712 recensés l’année précédente pour la même période. Cette hausse, bien que multifactorielle, reflète l’impact immédiat des coupes budgétaires. Les travailleuses du sexe, déjà marginalisées, sont parmi les premières victimes de cette crise.

La Réalité des Travailleuses du Sexe

Dans les quartiers populaires comme Epworth ou Mbare, les travailleuses du sexe décrivent un quotidien où la survie prime sur la sécurité. Sharon Mukakanhanga, 43 ans, illustre cette réalité avec une anecdote poignante. Faute de préservatifs, elle a dû improviser avec une chaussette de bébé, une solution dérisoire face aux risques d’infections. « C’était tout ce que j’avais », confie-t-elle, la voix empreinte de résignation.

« Ces petites chaussettes m’ont servi de préservatif quand je me suis retrouvée complètement démunie. »

Sharon Mukakanhanga, travailleuse du sexe à Harare

Sharon n’est pas un cas isolé. Cecilia Ruzvidzo, 47 ans, séropositive et mère de quatre enfants, partage une expérience similaire. Lors de sa dernière visite dans un dispensaire, elle n’a obtenu que dix jours de traitement antirétroviral, loin de ce dont elle a besoin pour gérer sa condition. « Je devenais folle », raconte-t-elle, évoquant les mois où les préservatifs, essentiels à son métier, étaient introuvables.

Un Système de Santé Sous Pression

Les coupes dans l’aide américaine, estimées à environ 522 millions de dollars (dont 90 millions dédiés à la lutte contre le VIH), ont créé un vide que le système de santé zimbabwéen, déjà fragile, ne peut combler. Les dispensaires restants, comme ceux gérés par Médecins Sans Frontières (MSF), sont submergés. « Les gens ne savent plus où aller », explique Charlotte Pignon, responsable de projet pour MSF. Les cliniques de la périphérie de Harare, comme celles d’Epworth et Mbare, peinent à répondre à la demande croissante.

Statistique Valeur
Décès liés au sida (1er semestre 2025) 5 932
Décès liés au sida (1er semestre 2024) 5 712
Aide américaine réduite 522 millions de dollars

La situation est d’autant plus critique que la crise économique au Zimbabwe pousse de plus en plus de femmes vers la prostitution. Selon le Centre pour les analyses humanitaires (CHA), environ 40 500 femmes exercent cette activité dans le pays. Cette augmentation de l’offre exacerbe la concurrence, réduisant le pouvoir de négociation des travailleuses du sexe.

Les Conséquences d’une Concurrence Accrue

Avec la crise économique, certaines travailleuses du sexe, comme Cleopatra Katsande, 20 ans, rapportent accepter des rapports non protégés pour des sommes dérisoires, parfois l’équivalent de 50 centimes d’euro. Ce tarif, bien inférieur au coût des préservatifs, illustre l’ampleur du désespoir. « On savait que ce n’était pas sûr », confie Cecilia, en référence à l’utilisation de chaussettes comme substitut. « Mais je devais nourrir mes enfants. »

« Quand vient ce moment, les hommes n’ont pas les idées claires. »

Cecilia Ruzvidzo, travailleuse du sexe

Les clients, souvent peu préoccupés par les risques, aggravent la situation. Cette dynamique met non seulement les travailleuses du sexe en danger, mais expose également leurs clients à des infections, créant un cercle vicieux de propagation du VIH et d’autres maladies.

Les Efforts des ONG pour Combler le Vide

Face à la fermeture de nombreux dispensaires, des organisations comme MSF tentent de pallier les manques. Cependant, leurs ressources sont limitées, et les files d’attente s’allongent devant leurs cliniques. « Il est difficile de dire que les coupes n’ont pas eu d’impact », note Charlotte Pignon, soulignant l’incertitude autour des causes exactes de la hausse des décès.

Pour Wonder Mufunda, directeur du CHA, l’ampleur des conséquences reste à évaluer, mais le retrait de 90 millions de dollars dédiés à la lutte contre le VIH a provoqué des « perturbations sérieuses ». Il alerte sur une possible augmentation des décès si la situation ne s’améliore pas rapidement.

Vers un Avenir Incertain

La crise actuelle au Zimbabwe met en lumière une réalité brutale : les coupes dans l’aide internationale ont des répercussions directes sur les populations les plus vulnérables. Pour les travailleuses du sexe, l’accès aux soins et à la protection est devenu un luxe, les obligeant à prendre des risques inimaginables pour survivre.

Les solutions à long terme nécessiteraient une mobilisation internationale et une meilleure gestion des ressources locales. En attendant, des femmes comme Sharon et Cecilia continuent de lutter, armées de leur résilience face à un système qui semble les avoir abandonnées.

  • Pénurie de préservatifs : Les travailleuses du sexe improvisent avec des solutions dangereuses, comme des chaussettes de bébé.
  • Augmentation des décès : Les statistiques montrent une hausse des morts liées au sida en 2025.
  • Crise économique : La pauvreté pousse davantage de femmes vers la prostitution, réduisant leur pouvoir de négociation.
  • Efforts des ONG : MSF et d’autres organisations tentent de combler le vide, mais leurs ressources sont limitées.

Le Zimbabwe, à la croisée des chemins, doit trouver des moyens de renforcer son système de santé tout en soutenant ses populations les plus marginalisées. Sans une intervention rapide, la crise risque de s’aggraver, avec des conséquences dramatiques pour des milliers de personnes.

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