Imaginez une capitale vidée de ses habitants, des rues silencieuses où résonnent pourtant les échos de la colère. Ce lundi, à Harare, quelques courageux ont osé braver les interdits pour crier leur ras-le-bol. Face à une police omniprésente, ces petits groupes de manifestants ont défié le pouvoir en place, réclamant la fin du règne d’un président dont le surnom, « le crocodile », résonne comme une menace dans l’esprit de tous.
Une Contestation Historique au Zimbabwe
Depuis son arrivée au pouvoir il y a huit ans, le chef de l’État zimbabwéen fait face à une grogne sans précédent. À 82 ans, celui que beaucoup décrivent comme un stratège implacable voit son autorité remise en question. Pourquoi maintenant ? La réponse tient en deux mots : crise économique. Avec une population épuisée par la corruption et une gestion jugée désastreuse, le mécontentement atteint des sommets.
L’élément déclencheur ? Une rumeur persistante : le président envisagerait de prolonger son mandat au-delà de 2028, peut-être jusqu’en 2030. Une hypothèse qui fait frémir dans un pays où le souvenir d’un coup d’État en 2017 reste gravé dans les mémoires. À l’époque, il avait pris les rênes en renversant un autre géant politique, un certain prédécesseur dont le nom plane encore sur la place centrale de la capitale.
Des Rues Sous Tension
Lundi, Harare et Bulawayo, les deux poumons urbains du pays, semblaient figées. Les magasins fermés, les transports à l’arrêt, les écoles désertes : une atmosphère pesante s’est installée. Dans la capitale, un groupe a tenté de se rassembler sur une place symbolique, vite dispersé par des forces de l’ordre lourdement équipées. Des vidéos circulant en ligne montrent des nuages de gaz lacrymogène envahissant l’air, tandis que des cris percent le silence.
« On nous avait promis une marche pacifique, mais la police frappe déjà. »
– Une manifestante interrogée par une source locale
Pourtant, la détermination reste intacte. « Je reste ici, quitte à mourir pour mes enfants », a lancé une voix anonyme, captée par un média numérique. Plus tard, des jeunes ont bloqué une artère majeure, jetant des pierres et scandant leur refus d’un avenir sous le même joug. « Pas de 2030 ! » ont-ils hurlé, avant que les uniformes ne les repoussent.
Un Vétéran à la Tête de la Révolte
Derrière ce soulèvement, une figure émerge : un ancien combattant de la guerre d’indépendance, exclu récemment du parti au pouvoir. Vivant désormais dans l’ombre, cet homme en treillis a lancé un appel vibrant sur les réseaux sociaux, exhortant la population à descendre dans la rue. Son message ? Le président doit partir, et vite.
Sa prise de position n’est pas isolée. Avec d’autres vétérans, il milite pour un remplacement au sommet, plaidant pour un général à la retraite connu pour son rôle dans le coup de 2017. Ce dernier, aujourd’hui vice-président, incarne pour certains une alternative crédible. Mais cette lutte interne au pouvoir révèle aussi des fractures profondes, jusque dans les rangs de l’armée.
La Peur d’une Mutinerie
La semaine dernière, un mouvement inattendu a secoué l’échiquier politique : le chef de l’armée a été écarté de son poste pour être relégué à un ministère bien moins influent. Une décision interprétée comme une tentative de neutraliser toute menace interne. Car dans ce pays d’Afrique australe, l’histoire a montré que le pouvoir peut vaciller sous la pression des militaires.
Pour beaucoup, cette manœuvre trahit une inquiétude croissante au sommet. Les rumeurs de mutinerie circulent, alimentées par la défiance des vétérans et la colère populaire. « Les gens ont peur », confie un habitant anonyme. « On parle beaucoup, mais personne ne sait ce qui va arriver. »
Une Économie au Bord du Gouffre
Au cœur de cette tempête, un mal plus profond ronge le Zimbabwe : une crise économique suffocante. Inflation galopante, chômage endémique, corruption généralisée : le quotidien des habitants est un combat. Les accusations fusent contre un gouvernement jugé incapable de redresser la barre, et la patience s’effrite.
- Inflation : Les prix s’envolent, rendant les produits de base inaccessibles.
- Chômage : Les jeunes, principaux acteurs des manifestations, peinent à trouver un avenir.
- Corruption : Les richesses du pays semblent profiter à une élite restreinte.
Dans ce contexte, l’idée d’un président s’accrochant au pouvoir pendant encore une décennie est perçue comme une provocation. Les pancartes abandonnées dans les rues de Harare en témoignent : le peuple veut du changement, et il le veut maintenant.
Répression et Silence
Face à cette montée de la contestation, la réponse des autorités est claire : tolérance zéro. La police a promis de traquer quiconque « incite à la violence », et les arrestations se multiplient. Un journaliste, ayant osé interviewer le leader des dissidents, croupit encore en prison, accusé de semer le trouble.
Cette répression musclée n’est pas nouvelle dans un pays où les manifestations sont rares et étroitement surveillées. Mais elle pourrait, paradoxalement, attiser les flammes. Car à chaque coup de matraque, à chaque nuage de gaz, la détermination des contestataires semble se renforcer.
Que Peut-on Attendre ?
Le Zimbabwe se trouve à un carrefour. D’un côté, un président vieillissant, prêt à tout pour conserver son fauteuil. De l’autre, une population et des factions internes qui grondent, portées par un désir de renouveau. Entre les deux, une armée dont les intentions restent floues.
Scénario 1 : Le pouvoir durcit encore sa répression, étouffant la révolte dans l’œuf.
Scénario 2 : La pression populaire et militaire force un changement au sommet.
Pour l’instant, les rues restent sous haute surveillance, et le silence règne. Mais sous cette apparente accalmie, une question brûle toutes les lèvres : jusqu’où ira ce bras de fer ? Les prochains jours pourraient bien redessiner l’avenir d’un pays au bord du précipice.