Dans un verdict qui soulève des questions sur l’état des libertés au Zimbabwe, un tribunal a jugé coupable d'”attroupement illicite” le chef de l’opposition Jameson Timba et 34 de ses partisans. Arrêtés il y a plus de 5 mois lors d’une réunion privée, les prévenus attendent désormais de connaître leur peine. Un coup dur pour l’opposition dans ce pays d’Afrique australe.
Arrestation controversée du leader de l’opposition
Jameson Timba, qui dirige la Coalition des Citoyens pour le Changement (CCC) depuis janvier, a été interpellé le 16 juin dernier à son domicile d’Harare. Il s’y trouvait avec plusieurs dizaines de sympathisants pour une réunion que la police a qualifié de tentative d’incitation à troubler l’ordre public. Au total, ce sont quelque 160 membres de la société civile et de l’opposition qui ont été arrêtés peu avant un sommet régional prévu en juillet dans la capitale zimbabwéenne.
Si M. Timba et 65 autres prévenus ont été acquittés en septembre du chef de “trouble à l’ordre public”, le tribunal a finalement retenu vendredi l’accusation d'”attroupement illicite” à son encontre, ainsi que pour 34 de ses partisans. Selon le juge, ce rassemblement “aurait pu créer des troubles”, justifiant l’intervention des forces de l’ordre “pour maintenir l’ordre”.
Des arrestations dénoncées comme politiques
Pour de nombreuses organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, ces arrestations massives sont avant tout politiques. Elles s’inscrivent dans un contexte de répression accrue de l’opposition et de la société civile sous la présidence d’Emmerson Mnangagwa.
Le gouvernement du Zimbabwe doit cesser de criminaliser le travail des défenseurs des droits humains, des militants politiques et des journalistes.
– Muleya Mwananyanda, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique australe
Le Zimbabwe est régulièrement épinglé pour ses atteintes aux libertés fondamentales. Le pays se classe au 137e rang sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
L’espoir déçu d’une ouverture démocratique
Lorsqu’il a succédé en 2017 à Robert Mugabe, écarté par l’armée après 37 ans d’un pouvoir autoritaire sans partage, Emmerson Mnangagwa avait suscité l’espoir d’un renouveau démocratique au Zimbabwe. Mais cet ancien fidèle de Mugabe, issu comme lui du parti au pouvoir ZANU-PF, s’est révélé encore plus répressif que son prédécesseur selon de nombreux observateurs.
Malgré les pressions internationales, dont celles de l’Union européenne qui a maintenu ses sanctions contre le régime, le pouvoir zimbabwéen semble déterminé à museler toute voix dissidente. Le sort réservé à Jameson Timba et ses partisans en est la dernière illustration.
L’opposition déterminée malgré la répression
Au sein des forces d’opposition, on affiche cependant sa détermination à poursuivre le combat politique malgré les obstacles. La CCC, fondée en janvier dernier, entend bien contester le pouvoir de la ZANU-PF lors des élections générales prévues en 2023.
Nous ne nous laisserons pas intimider par ces arrestations arbitraires. Notre lutte pour le changement démocratique continuera.
– Un porte-parole de la CCC
Reste à voir si ce jeune parti, déjà éprouvé par la répression, sera en mesure de mobiliser largement dans un contexte politique et économique particulièrement difficile. Le Zimbabwe, plongé dans une profonde crise, fait face à une pauvreté endémique et un chômage de masse.
La communauté internationale appelée à réagir
Face à la dégradation continue de la situation des droits humains au Zimbabwe, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une réaction plus ferme de la communauté internationale. L’Union africaine et les pays voisins sont particulièrement pointés du doigt pour leur manque de pression sur le régime de Mnangagwa.
Il est temps que la région cesse de fermer les yeux sur les dérives autoritaires du pouvoir zimbabwéen. Le silence est complice.
– Dewa Mavhinga, directeur de Human Rights Watch pour l’Afrique australe
Certains appellent même à conditionner la poursuite de l’aide et des investissements internationaux à des progrès concrets en matière d’État de droit et de respect des libertés fondamentales. Une mise sous pression extérieure qui pourrait s’avérer déterminante pour l’avenir du Zimbabwe.