Et si la prochaine conversation entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump décidait du sort de l’Ukraine pour des décennies ? Lundi, à Paris, le président ukrainien a clairement tendu la main au futur locataire de la Maison-Blanche. Il souhaite un échange direct sur les « questions clés » du plan américain censé mettre fin à la guerre. Des questions qu’il qualifie lui-même d’« assez difficiles ».
Un plan américain déjà sur la table
Il y a deux semaines, Washington a présenté un projet de sortie de crise. Depuis, des discussions discrètes ont lieu entre équipes ukrainiennes et américaines. Le négociateur ukrainien Roustem Oumerov, de retour de Floride, parle de « progrès ». Mais il admet aussi que certains points demandent encore des « ajustements ».
Ce plan doit prochainement être soumis à la Russie. Moscou n’a pas encore réagi publiquement. Pourtant, chacun sait que l’acceptation ou le rejet russe dépendra largement de ce que Kiev sera prêt à concéder… ou pas.
Le nœud gordien : les territoires occupés
Pour Volodymyr Zelensky, le dossier le plus explosif reste celui des territoires. Près de 19 % du pays sont actuellement sous contrôle russe. Quatre régions de l’est et du sud ont même été annexées par Moscou, même si cette annexion n’est reconnue par presque aucun pays.
La Russie pose une condition claire : que les troupes ukrainiennes se retirent complètement de ces zones pour cesser les hostilités. Kiev, de son côté, refuse toute reconnaissance officielle de ces annexions. Le président ukrainien l’a répété : accepter un tel scénario reviendrait à récompenser l’agression.
« Pour préparer une véritable sécurité, nous devons veiller à ce que la Russie ne perçoive rien qu’elle pourrait considérer comme une récompense pour cette guerre »
Volodymyr Zelensky, conférence de presse à Paris
Cette phrase résume toute la difficulté. Comment trouver un compromis sans que l’un des deux camps ne perde la face ? Certains observateurs évoquent des solutions créatives : gel temporaire du conflit sur les lignes actuelles, administration internationale, référendum sous contrôle ONU… Rien n’est acté.
Les garanties de sécurité, priorité absolue de Kiev
L’autre grand chapitre concerne la sécurité future de l’Ukraine. Même en cas de cessez-le-feu, comment empêcher Moscou de relancer les hostilités dans cinq ou dix ans ? Kiev exige des garanties « concrètes » et « solides ».
Volodymyr Zelensky les réclame à la fois des États-Unis et de l’Europe. Des traités bilatéraux ? Un mécanisme de réponse automatique en cas d’agression ? L’entrée dans l’OTAN reste le souhait numéro un de Kiev, mais Washington et plusieurs capitales européennes freinent encore.
Sans ces garanties, aucun accord durable n’est imaginable côté ukrainien. C’est la ligne rouge répétée depuis des mois.
L’Ukraine veut l’Europe à la table de la reconstruction
Autre sujet qui agace Kiev : la reconstruction du pays. Le plan américain envisage ce volet, mais semble vouloir mener les discussions sans les Européens. Or, ce sont eux qui financent l’essentiel de l’aide depuis 2022.
« L’argent se trouve en Europe », a lancé Zelensky avec une pointe d’ironie. Il juge « injuste » que les partenaires européens soient tenus à l’écart des négociations sur l’après-guerre. Des dizaines de milliards d’euros ont déjà été promis ou déboursés par Bruxelles et les capitales du continent.
Exclure ceux qui paient la majeure partie de la facture serait un mauvais signal politique. Et risquerait de compliquer la mobilisation future de fonds colossaux nécessaires pour relever le pays.
Une pression russe qui ne faiblit pas
Pendant ce temps, sur le terrain, la situation reste dramatique. Le président ukrainien a dénoncé une « augmentation des frappes de missiles et de drones » russes. Objectif affiché de Moscou : briser le moral de la population.
Ces attaques visent infrastructures énergétiques, hôpitaux, immeubles d’habitation. L’hiver approche et des millions d’Ukrainiens risquent de se retrouver sans chauffage ni électricité. Une pression à la fois physique et psychologique qui pèse lourd dans les calculs stratégiques.
Kiev sait que le temps joue contre elle sur le plan militaire. Mais politiquement, céder sous les bombes serait perçu comme une capitulation.
Pourquoi ce tête-à-tête Zelensky-Trump est décisif
Donald Trump a promis, pendant sa campagne, de régler le conflit « en 24 heures ». S’il a depuis nuancé ses propos, il reste persuadé qu’un accord est possible rapidement. Son administration prépare déjà les dossiers.
Pour Kiev, parler directement au président américain permet de peser sur les termes du futur accord. Et d’éviter que Washington ne conclue un arrangement par-dessus sa tête avec Moscou.
Car le risque existe : que les États-Unis, lassés par l’ampleur de l’aide, privilégient une sortie rapide au détriment des intérêts ukrainiens. D’où l’urgence, pour Zelensky, de verrouiller certaines lignes rouges dès maintenant.
La conversation à venir pourrait donc déterminer si l’Ukraine obtient un accord honorable… ou si elle se retrouve contrainte d’accepter des concessions douloureuses. L’Europe, elle, observe avec inquiétude : son rôle futur dans la sécurité et la reconstruction du continent en dépend aussi.
Une chose est sûre : les prochaines semaines seront cruciales. Le sort de millions de personnes se joue peut-être autour d’une table, loin des champs de bataille.
Résumé des points clés du plan américain en discussion :
- Cessation des hostilités et retrait des troupes sur les lignes actuelles ou antérieures
- Règlement (provisoire ou définitif) du statut des territoires occupés
- Garanties de sécurité pour l’Ukraine (bilatérales, multilatérales, OTAN ?)
- Modalités de la reconstruction et sources de financement
- Calendrier de levée des sanctions contre la Russie
Tous ces sujets sont interconnectés. Un compromis sur l’un peut débloquer les autres… ou au contraire tout faire capoter. C’est tout l’art de la diplomatie de guerre.
En attendant, les Ukrainiens continuent de vivre sous les sirènes et les explosions. Et Volodymyr Zelensky de multiplier les déplacements pour maintenir la pression internationale. Paris, Washington, Bruxelles… Le président sait que chaque minute compte.
La guerre entame bientôt sa troisième année. Jamais le besoin de paix n’a été aussi fort. Jamais les obstacles n’ont paru aussi nombreux. La conversation Zelensky-Trump pourrait être le début de la fin… ou le prélude à une nouvelle phase du conflit. L’histoire est en train de s’écrire.









