La justice tunisienne a prononcé une nouvelle peine de prison à l’encontre d’Ayachi Zammel, ancien candidat à la présidentielle du 6 octobre. Cette condamnation supplémentaire de 32 mois porte le total des peines prononcées contre lui à 35 ans d’emprisonnement, selon son avocat.
Une accumulation de condamnations pour fausses signatures
Le tribunal de la Manouba, près de Tunis, a décidé d’alourdir les peines pesant sur M. Zammel de deux ans et huit mois supplémentaires. Il est accusé d’avoir fourni de fausses signatures lors du dépôt de sa candidature à la présidentielle.
D’après Me Abdessattar Messaoudi, l’avocat de M. Zammel, le total des condamnations prononcées par différents tribunaux à l’encontre de son client s’élève désormais à 35 années de détention. Chaque signature suspecte donne lieu à l’ouverture d’un dossier distinct, avec pour l’heure 37 enquêtes en cours sur tout le territoire tunisien.
Un candidat emprisonné dès la confirmation de sa candidature
Ayachi Zammel, entrepreneur de 47 ans totalement inconnu du grand public, n’a pas pu faire campagne pour la présidentielle. Cet ancien chef du petit parti libéral Azimoun est incarcéré depuis le 2 septembre, date à laquelle sa candidature a été confirmée, en raison de soupçons de violation des règles de collecte des signatures.
Lors du scrutin remporté largement par le président sortant Kais Saied, avec 90,7% des voix dans un contexte d’abstention record, M. Zammel n’a recueilli que 7,35% des suffrages. Zouhair Maghzaoui, autre candidat autorisé à concourir et ex-député de la gauche panarabiste, a dû se contenter de 1,97% des voix.
Des conditions de parrainage particulièrement difficiles
Selon des experts, les conditions pour réunir les parrainages nécessaires à une candidature à la présidentielle étaient cette fois-ci particulièrement ardues. L’Union Européenne a d’ailleurs déploré une “limitation continue de l’espace démocratique en Tunisie”, réagissant à l’arrestation de M. Zammel et à l’exclusion par l’autorité électorale (Isie) de trois autres concurrents jugés dangereux pour le président Saied.
Une dérive autoritaire dénoncée par les ONG
De nombreuses ONG tunisiennes et étrangères s’inquiètent depuis trois ans d’une dérive autoritaire en Tunisie. Elles dénoncent l’arrestation de plus d’une vingtaine d’opposants politiques, ainsi que de syndicalistes, militants de la société civile et journalistes, depuis le coup de force du président Kaïs Saied le 25 juillet 2021.
En limogeant le Premier ministre et en gelant le Parlement, avant de réviser la Constitution pour s’arroger les pleins pouvoirs, M. Saied a réinstauré de facto un régime ultra-présidentiel.
– Une source proche du dossier
L’acharnement judiciaire contre M. Zammel, avec l’ouverture de dizaines de procédures pour de mêmes faits, semble illustrer une volonté d’étouffer toute voix dissidente. La lourdeur de la peine cumulée interroge sur une possible instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Cette nouvelle condamnation risque de renforcer les craintes des défenseurs des droits humains sur l’état de la démocratie et des libertés dans la Tunisie post-révolution. Le pluralisme politique paraît gravement menacé et les espoirs nés du Printemps arabe semblent s’éloigner un peu plus sous la présidence de Kaïs Saied.