Pourquoi une famille choisirait-elle d’enterrer un ancien chef d’État loin de son pays natal ? Cette question plane sur la récente décision de la famille de l’ex-président zambien Edgar Lungu, décédé le 5 juin 2025, de procéder à ses funérailles en Afrique du Sud plutôt qu’en Zambie. Un différend avec le gouvernement zambien, marqué par des tensions politiques et des accusations de vendetta, a conduit à cette situation inédite. Cet article explore les raisons de ce choix, les implications politiques et les réactions qu’il suscite.
Un Conflit Funéraire aux Enjeux Politiques
La mort d’Edgar Lungu, qui a dirigé la Zambie de 2015 à 2021, a ravivé les tensions entre ses proches et l’administration actuelle, menée par le président Hakainde Hichilema. Alors que le gouvernement zambien avait prévu des funérailles nationales pour honorer l’ancien dirigeant, la famille Lungu a catégoriquement refusé que la dépouille soit rapatriée depuis l’Afrique du Sud, où il est décédé dans une clinique de Pretoria. Ce refus a conduit à une décision radicale : l’enterrement aura lieu en Afrique du Sud, dans une cérémonie privée, loin des projecteurs de Lusaka.
Ce choix n’est pas anodin. Il reflète des années de rivalités politiques entre Lungu et Hichilema, exacerbées par des accusations de corruption visant la famille de l’ancien président. Mais quelles sont les racines de ce conflit ? Et pourquoi cette décision suscite-t-elle autant de débats ?
Une Décision Familiale Chargée de Symboles
La famille Lungu a justifié sa décision par le souhait d’organiser une cérémonie privée, loin des tensions politiques qui auraient entouré des funérailles nationales en Zambie. Selon Makebi Zulu, porte-parole de la famille, cette volonté vise à préserver la paix et l’unité dans un contexte où les relations avec le gouvernement sont tendues. La famille a également exprimé sa gratitude envers l’Afrique du Sud pour son respect de leurs choix, soulignant une non-ingérence contrastant avec la situation en Zambie.
La famille Lungu continue de rechercher la paix et l’unité entre les Zambiens durant cette période.
Makebi Zulu, porte-parole de la famille Lungu
Ce choix d’une cérémonie en Afrique du Sud peut être perçu comme une réponse directe aux pressions exercées par le gouvernement zambien. En effet, la famille semble vouloir éviter toute récupération politique de l’événement par Hichilema, qui avait prévu d’accueillir la dépouille à Lusaka.
Un Deuil National Écourté
En réaction à la décision de la famille, le président Hichilema a abruptement mis fin à la période de deuil national, initialement prolongée jusqu’au 23 juin 2025. Cette période, qui devait inclure des hommages officiels et des funérailles d’État, a été écourtée dès le jeudi suivant l’annonce de la famille. Ce geste a été interprété comme une réponse directe au refus de rapatrier le corps, révélant les tensions persistantes entre les deux camps.
Pour mieux comprendre cette décision, il est utile de rappeler le contexte politique zambien. Lungu, membre du Front patriotique, avait perdu l’élection présidentielle de 2021 face à Hichilema, marquant la fin de son mandat. Depuis, les relations entre les deux hommes et leurs partisans sont restées tendues, marquées par des accusations mutuelles et des poursuites judiciaires.
Accusations de Corruption : Une Vendetta Politique ?
Depuis la perte du pouvoir par Lungu, sa famille a été au centre de plusieurs affaires judiciaires. Sa femme et ses enfants, notamment sa fille Tasila Lungu, ont été inculpés pour des chefs d’accusation allant de la fraude au blanchiment d’argent. En 2024, Tasila, sa mère et sa sœur ont été emprisonnées pour fraude, tandis que son frère Dalitso a également fait face à des accusations de corruption. Ces poursuites sont perçues par les partisans de Lungu comme une vendetta politique orchestrée par Hichilema pour discréditer l’ancien président et son entourage.
Les affaires judiciaires touchant la famille Lungu :
- Tasila Lungu : Arrêtée en 2024 pour blanchiment d’argent et fraude.
- Esther Lungu : Inculpée pour fraude aux côtés de sa fille.
- Dalitso Lungu : Accusé de corruption.
Ces accusations ont alimenté les tensions entre la famille Lungu et le gouvernement, rendant la perspective de funérailles nationales sous l’égide de Hichilema inacceptable pour les proches de l’ancien président. Ce contexte explique en partie leur décision d’opter pour une cérémonie en Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud : Un Choix Stratégique ?
Le choix de l’Afrique du Sud comme lieu d’enterrement n’est pas seulement symbolique. Edgar Lungu recevait un traitement médical spécialisé à Pretoria au moment de son décès, ce qui a facilité la décision logistique de maintenir la dépouille sur place. De plus, l’Afrique du Sud, en tant que puissance régionale, offre un cadre neutre, loin des tensions politiques zambiennes. La famille a salué l’attitude du gouvernement sud-africain, qui a respecté leur volonté sans intervenir dans la controverse.
Cette décision soulève toutefois des questions sur les relations internationales entre la Zambie et l’Afrique du Sud. En choisissant de contourner les plans du gouvernement zambien, la famille Lungu envoie un message clair : elle refuse de se plier à ce qu’elle perçoit comme une instrumentalisation politique de la mémoire de l’ancien président.
Les Réactions en Zambie et au-delà
La décision de la famille a suscité des réactions mitigées en Zambie. Pour certains, elle reflète une volonté légitime de préserver la dignité d’Edgar Lungu face à un gouvernement perçu comme hostile. Pour d’autres, elle prive le pays d’une occasion de rendre hommage à un ancien dirigeant, malgré les controverses entourant son mandat. Sur les réseaux sociaux, les discussions se multiplient, oscillant entre soutien à la famille et critiques de leur choix.
Point de vue | Arguments principaux |
---|---|
Soutien à la famille | Respect du souhait de Lungu, protection contre une récupération politique. |
Critiques | Privation d’un hommage national, division accrue en Zambie. |
À l’international, cette affaire met en lumière les complexités des transitions politiques en Afrique australe, où les rivalités entre anciens et nouveaux dirigeants peuvent perdurer bien après les élections.
Un Héritage Controversé
Edgar Lungu, décédé à 68 ans, laisse derrière lui un héritage politique complexe. Son mandat, marqué par des avancées économiques mais aussi par des accusations de corruption et d’autoritarisme, continue de diviser les Zambiens. Sa mort, loin de clore ces débats, semble les raviver, comme en témoigne ce conflit autour de ses funérailles.
La décision de sa famille de l’enterrer en Afrique du Sud pourrait également avoir des répercussions à long terme sur les relations entre les partisans de Lungu et le gouvernement actuel. Elle pose une question plus large : comment honorer la mémoire d’un dirigeant dans un contexte de polarisation politique ?
Vers une Réconciliation ou une Fracture Accrue ?
Alors que la Zambie traverse cette période de deuil avortée, l’avenir des relations entre la famille Lungu, ses partisans et le gouvernement reste incertain. La décision d’organiser les funérailles en Afrique du Sud pourrait apaiser les tensions à court terme, en évitant une confrontation directe à Lusaka. Cependant, elle risque également d’alimenter le sentiment d’injustice parmi les partisans de Lungu, qui y voient une nouvelle preuve de l’hostilité du pouvoir en place.
En attendant, la Zambie, avec ses 19 millions d’habitants, observe cette saga funéraire avec une attention particulière. Les prochains jours révéleront si ce choix marque un tournant vers la réconciliation ou s’il approfondit les fractures politiques dans ce pays d’Afrique australe.
Points clés à retenir :
- La famille Lungu choisit l’Afrique du Sud pour les funérailles d’Edgar Lungu.
- Le conflit avec le gouvernement zambien reflète des tensions politiques profondes.
- Les accusations de corruption contre la famille Lungu alimentent la controverse.
- La fin prématurée du deuil national marque une rupture entre les deux camps.
En définitive, cette affaire dépasse le simple cadre des funérailles pour devenir le miroir des divisions politiques en Zambie. Elle nous rappelle que, même dans la mort, les luttes de pouvoir continuent de façonner les récits nationaux.