Élu en 2022 avec la réputation d’un justicier anticorruption forgée pendant sa carrière de procureur, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol traverse une période des plus tumultueuses. Après une cuisante défaite de son parti aux élections législatives d’avril dernier, qui a donné la majorité à l’opposition, Yoon a provoqué la stupeur mardi en proclamant brièvement la loi martiale, avant de faire marche arrière.
Un bras de fer avec le Parlement
La déroute électorale du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la formation de Yoon Suk Yeol, place ce président conservateur dans une posture difficile pour appliquer son programme durant les trois années restantes de son mandat. En proclamant la loi martiale mardi, il avait accusé l’opposition, avec laquelle il bataille notamment sur un projet de budget, d’être « une force anti-Etat » paralysant le gouvernement.
Un procureur devenu président
Né à Séoul en 1960, Yoon Suk Yeol a étudié le droit avant de jouer un rôle-clé, en tant que procureur de la capitale, dans la destitution en 2016 puis l’incarcération de l’ex-présidente Park Geun-hye pour abus de pouvoir. Nommé procureur général du pays en 2019, il s’est encore fait remarquer en inculpant un proche collaborateur de son prédécesseur Moon Jae-in pour fraude et corruption.
C’est ainsi qu’il a attiré l’attention du PPP. Malgré son inexpérience politique, il a remporté les primaires du parti puis l’élection présidentielle avec la marge la plus étroite de l’histoire face à son rival Lee Jae-myung du Parti démocrate.
Une série de scandales
Mais une fois au pouvoir, la réputation du nouveau président a rapidement été ternie par une série de scandales, à commencer par la tragique bousculade d’Halloween à Séoul en octobre 2022 qui a fait plus de 150 morts, imputée à une cascade de négligences des autorités. Ses détracteurs ont aussi blâmé son gouvernement pour l’inflation des prix alimentaires, une économie en berne et des restrictions croissantes de la liberté d’expression.
D’après des sources proches de la présidence, l’année dernière, la réputation de Yoon Suk Yeol a pris un nouveau coup lorsque sa femme Kim Keon-hee a été filmée à son insu en train d’accepter un sac à main de luxe d’une valeur de 2.000 dollars en cadeau. Quant à sa belle-mère, Choi Eun-soon, elle purge actuellement une peine d’un an de prison pour avoir falsifié des documents financiers dans le cadre d’une transaction immobilière.
Une politique étrangère controversée
Sur le plan international, le président Yoon a mené une politique de fermeté à l’égard de la Corée du Nord et renforcé l’alliance avec les Etats-Unis. Il s’est aussi rapproché du Japon, s’attirant le mécontentement d’une partie de la population dans un pays où le ressentiment envers l’ancienne puissance coloniale reste vif.
Mais sa ligne dure vis-à-vis du régime nord-coréen pourrait être remise en question si le président américain nouvellement élu, Donald Trump, venait à renouer le dialogue avec Pyongyang comme il l’avait fait lors de son premier mandat.
Un président sur la défensive
Face à cette accumulation de difficultés, Yoon Suk Yeol apparaît aujourd’hui sur la défensive, contraint de composer avec une assemblée dominée par ses opposants. Son coup d’éclat de mardi, même s’il a fait rapidement machine arrière, révèle la fragilité de sa position.
Pour tenter de reprendre la main, le président sud-coréen devra faire preuve d’habileté politique pour nouer des compromis avec une opposition renforcée, tout en restaurant la confiance de l’opinion publique ébranlée par les controverses à répétition. Un défi de taille pour cet ex-procureur confronté à la réalité du pouvoir suprême et de ses limites.