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Yoon Suk Yeol, Président Sud-Coréen Face à une Deuxième Motion de Destitution

Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol est au bord de la destitution suite à sa tentative avortée d'instaurer la loi martiale. Alors que des milliers de manifestants réclament son départ, le sort du dirigeant impopulaire se joue ce samedi lors d'un vote crucial des députés...

C’est un samedi décisif qui s’annonce en Corée du Sud. Pour la deuxième fois en l’espace de 10 jours, le président Yoon Suk Yeol fait face à une motion de destitution déposée par l’opposition devant l’Assemblée nationale. En cause : sa tentative avortée d’imposer la loi martiale et de museler le Parlement avec l’armée le 3 décembre dernier. Un épisode qui a profondément choqué l’opinion publique et précipité la chute de cet impopulaire chef de l’État conservateur.

Des milliers de manifestants attendus à Séoul

Pendant que les 300 députés s’apprêtent à se prononcer sur son sort politique lors d’un vote prévu à 16h heure locale (7h GMT), Yoon Suk Yeol, 63 ans, devra aussi composer avec la pression de la rue. Des milliers de manifestants sont en effet attendus aux abords de l’Assemblée nationale à Séoul pour réclamer son départ immédiat. Certains n’ont pas hésité à braver les températures glaciales et à installer leur campement dès la veille pour être aux premières loges.

Pour remotiver les troupes et réchauffer les cœurs, les organisateurs ont promis de distribuer des repas chauds. La chanteuse de K-pop Yuri, membre du groupe Girl’s Generation, a même annoncé sur les réseaux sociaux avoir payé à l’avance de la nourriture pour les participants. Sa chanson « Into the New World » est d’ailleurs devenue un hymne des rassemblements anti-Yoon.

Un vote sur le fil du rasoir

Pour être adoptée, la motion de destitution doit recueillir au moins 200 voix sur 300 à l’Assemblée. Si l’opposition menée par le Parti démocrate compte 192 sièges, elle doit donc convaincre au moins 8 députés de la majorité présidentielle, le Parti du Pouvoir au Peuple (PPP), de la rejoindre. Un défi de taille mais pas impossible au vu du contexte.

Le 7 décembre dernier, une première motion avait échoué de peu, la plupart des élus du PPP ayant quitté l’hémicycle juste avant le scrutin pour faire tomber le quorum. Mais cette fois-ci, l’issue du vote s’annonce beaucoup plus incertaine. Vendredi, pas moins de 7 députés de la majorité avaient publiquement annoncé qu’ils voteraient en faveur de la destitution, promettant un résultat serré.

« Ce que les législateurs doivent protéger, ce n’est ni Yoon ni le parti au pouvoir, mais la vie de tous les gens qui protestent dans les rues glaciales. L’histoire se souviendra de votre choix »

Lee Jae-myung, chef du Parti démocrate

Que se passera-t-il en cas de destitution ?

Si la motion est adoptée, Yoon Suk Yeol sera immédiatement suspendu de ses fonctions, dans l’attente d’une validation de sa destitution par la Cour constitutionnelle. Cette dernière aura alors 180 jours pour statuer. Une décision qui s’annonce là aussi compliquée puisque seuls 6 de ses 9 juges sont actuellement en fonction, les 3 autres ayant pris leur retraite en octobre sans être remplacés en raison du blocage politique.

En attendant, l’intérim serait assuré par le Premier ministre Han Duck-soo. Si la Cour confirme la destitution, Yoon Suk Yeol deviendrait le deuxième président sud-coréen de l’histoire à subir un tel sort après Park Geun-hye en 2017. Mais un scénario inverse est aussi possible, comme en 2004 lorsque le Parlement avait voté la destitution de Roh Moo-hyun avant que la Cour ne l’invalide deux mois plus tard.

Un président sous pression judiciaire

Parallèlement au front politique, Yoon Suk Yeol doit aussi faire face à la pression judiciaire. Visé par une enquête pour « rébellion » et interdit de quitter le territoire, il a vu vendredi le filet policier se resserrer autour de lui et de ses proches collaborateurs. Plusieurs hauts-responsables ont été arrêtés, dont le chef du commandement militaire de Séoul et les patrons des polices nationale et de la capitale.

L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme l’instigateur du projet de loi martiale, avait lui été interpellé dès le 8 décembre avant de tenter de se suicider deux jours plus tard en détention. Des développements qui illustrent la tourmente dans laquelle se trouve la présidence sud-coréenne depuis le coup de force avorté de la nuit du 3 au 4 décembre.

Retour sur une nuit de chaos

Cette nuit-là, Yoon Suk Yeol avait brutalement instauré la loi martiale, une première en plus de 40 ans dans le pays. Dans la foulée, il avait envoyé les forces spéciales de l’armée encercler le Parlement pour empêcher physiquement les députés de siéger et voter. Une attaque sans précédent contre la démocratie qui avait sidéré tout le pays.

Mais c’était sans compter sur la détermination des 190 élus de l’opposition, qui étaient parvenus à entrer coûte que coûte dans l’Assemblée, parfois en escaladant les grilles. Réunis dans l’hémicycle, ils avaient adopté à l’unanimité une motion exigeant la levée immédiate de la loi martiale, pendant que leurs assistants repoussaient les soldats en barricadant les portes avec du mobilier. Devant ce rapport de force, Yoon avait fini par céder et abroger son décret six heures plus tard, avant de renvoyer l’armée dans ses casernes.

Une impopularité record

Ces événements n’ont fait qu’aggraver l’impopularité déjà abyssale de Yoon Suk Yeol. Selon un sondage Gallup publié vendredi, sa cote de confiance a chuté à 11%, un plus bas historique, tandis que 75% des Sud-Coréens souhaitent désormais son départ. Arrivé au pouvoir en mai 2022 avec un programme économique libéral et une ligne dure envers la Corée du Nord, le président avait déjà vu sa popularité s’éroder en raison de plusieurs polémiques et couacs diplomatiques.

Cette crise sans précédent aura donc été celle de trop pour un dirigeant qui semble avoir perdu tout crédit aux yeux de son opinion. Reste à savoir si les députés iront au bout de la procédure de destitution ou si Yoon Suk Yeol parviendra à sauver in extremis son mandat. Réponse dans quelques heures lors d’un vote à haut risque qui pourrait bouleverser durablement le paysage politique sud-coréen.

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