Dans un rebondissement sans précédent, Yoon Suk Yeol, autrefois procureur vedette adulé pour sa lutte anticorruption, est devenu le premier président sud-coréen en exercice visé par un mandat d’arrêt. Une chute vertigineuse pour celui qui avait été propulsé à la tête du pays il y a seulement quelques années.
L’ascension fulgurante d’un procureur ambitieux
Né à Séoul en 1960 dans une famille d’universitaires, Yoon Suk Yeol a bâti sa réputation en tant que procureur intègre et implacable. Son heure de gloire arrive en 2017 lorsqu’il joue un rôle clé dans la destitution et l’incarcération de l’ex-présidente Park Geun-hye pour abus de pouvoir et corruption.
Fort de ce succès retentissant, il est nommé procureur en chef de Séoul puis procureur général du pays en 2019. Sous sa houlette, le parquet s’attaque à des dizaines de hauts responsables, dont l’ancien président Lee Myung-bak. Sa popularité est au zénith.
Une entrée fracassante en politique
Surfant sur cette notoriété, Yoon Suk Yeol démissionne en 2021 pour se lancer dans la course à la présidentielle. Malgré des positions controversées, comme son antiféminisme assumé et sa promesse de supprimer le ministère de l’Égalité des sexes, il l’emporte d’une courte tête en 2022.
Une fois au pouvoir, cet admirateur de Churchill durcit le ton face à la Corée du Nord et resserre les liens avec les États-Unis et le Japon, suscitant des réactions mitigées dans un pays où le ressentiment anti-japonais reste vif.
Tempête politique et chute brutale
Mais très vite, les scandales s’accumulent. On lui reproche sa gestion calamiteuse de la bousculade meurtrière d’Halloween à Séoul en 2022, ses abus de droit de veto et les affaires louches impliquant son épouse. Sa cote de popularité dégringole, son parti subit une cuisante défaite aux législatives d’avril 2024.
Début décembre, Yoon Suk Yeol franchit le Rubicon en tentant d’imposer la loi martiale et d’envoyer l’armée museler le Parlement. Un coup de force justifié, selon lui, par la menace des « forces communistes nord-coréennes ». Malgré l’encerclement de l’hémicycle par les forces spéciales, les députés votent sa destitution à une large majorité.
Un mandat d’arrêt historique
Suspendu de ses fonctions, Yoon Suk Yeol fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt pour « rébellion », une première pour un chef de l’État en exercice en Corée du Sud. Ses avocats dénoncent des mesures « illégales » et tentent de faire obstruction. La date de son arrestation reste incertaine.
Si la Constitution lui laisse un mince espoir, via l’examen de sa destitution par la Cour constitutionnelle, l’ex-procureur superstar semble bel et bien pris au piège de sa funeste tentative de coup de force. Un dénouement d’une ironie cinglante pour celui qui avait bâti sa légende en pourfendant les dérives du pouvoir.
Malgré le chaos politique dans lequel le pays est plongé, les institutions démocratiques sud-coréennes ont fait preuve d’une résilience remarquable face à cette crise sans précédent.
Un observateur de la vie politique sud-coréenne
La saga Yoon Suk Yeol restera sans nul doute comme l’une des plus extraordinaires et improbables de l’histoire politique sud-coréenne. Illustration tragique de l’hybris d’un homme qui, parvenu au sommet, a cru pouvoir bafouer les règles qui l’y avaient porté.