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Yémen : Attaque de Drone Tue Trois Séparatistes du Sud

Trois combattants séparatistes viennent d’être tués par un drone suicide dans le sud du Yémen. Leur commandant accuse directement les islamistes évincés la semaine dernière. Alors que le STC contrôle désormais tout Hadramout, cette attaque annonce-t-elle l’explosion de la fragile coalition gouvernementale ?

Imaginez un checkpoint perdu dans l’immensité désertique du Hadramout. Le soleil décline, la poussière danse dans l’air brûlant. Soudain, un bourdonnement discret fend le ciel, puis l’explosion. En quelques secondes, trois hommes gisent au sol, fauchés par un drone suicide. Ce n’est pas une attaque houthie. Non. Cette fois, le coup viendrait de l’intérieur même de la coalition qui prétend défendre le gouvernement légitime du Yémen.

Une frappe qui change la donne dans le sud du Yémen

Vendredi dernier, au camp d’Arin, une position récemment conquise par le Conseil de transition du Sud (STC), un drone a ciblé avec précision un poste de contrôle. Le bilan est lourd : trois combattants tués sur le coup, sept autres blessés. Le général de brigade Wajdi Baoum, commandant local du STC, n’a pas hésité une seconde à désigner les responsables.

Pour lui, cette opération porte la signature des forces islamistes liées au parti Al-Islah, souvent associées aux Frères musulmans au Yémen. Ces mêmes troupes viennent pourtant d’être chassées, une semaine plus tôt, de vastes territoires du Hadramout et de Shabwa par l’offensive éclair du STC.

« Le drone est venu de la direction de Marib, où ils se sont repliés après avoir perdu le contrôle de la région », a déclaré le général Baoum, promettant déjà une riposte « sévère ».

Le STC : une montée en puissance fulgurante

En à peine quelques jours, le Conseil de transition du Sud a réalisé ce que beaucoup pensaient impossible : prendre le contrôle total de la riche province pétrolière de Hadramout et étendre son influence jusqu’à la frontière omanaise, dans le gouvernorat de Mahra.

Cette avancée territoriale n’est pas anodine. Hadramout représente une manne financière colossale grâce à ses champs pétroliers. Mahra, elle, est devenue ces dernières années une voie de contrebande majeure pour les armes et le matériel destiné aux rebelles houthis, malgré la présence théorique de forces gouvernementales.

Le STC, soutenu sans ambiguïté par les Émirats arabes unis, accuse ouvertement les factions islamistes du gouvernement d’avoir fermé les yeux – quand elles n’ont pas directement profité – de ce trafic. Un reproche qui empoisonne depuis des années les relations au sein de la coalition anti-Houthis.

Un contexte explosif au sein même du camp gouvernemental

Sur le papier, le STC et les forces liées à Al-Islah font partie du même gouvernement internationalement reconnu, celui qui siège provisoirement à Aden. Dans les faits, les deux camps se regardent en chiens de faïence depuis des années.

Le Sud-Yémen rêve de retrouver son indépendance perdue en 1990. Le STC porte ce projet politique avec une détermination farouche. À l’opposé, les islamistes d’Al-Islah, historiquement proches de l’Arabie saoudite, défendent farouchement l’unité du Yémen et voient d’un très mauvais œil cette poussée séparatiste.

Cette attaque au drone marque une escalade inquiétante. Pour la première fois depuis longtemps, des combats ouverts opposent deux composantes majeures de la coalition qui, en théorie, devrait se concentrer uniquement sur les Houthis.

Marib, le prochain théâtre des affrontements ?

Le général Baoum a été très précis : le drone provenait de la province de Marib. Cette région, dernier bastion important du gouvernement au nord, est devenue le refuge des unités islamistes chassées du sud.

Marib concentre aujourd’hui des dizaines de milliers de combattants, des champs pétroliers et gaziers stratégiques, et une population déplacée massive. Si le STC décidait de riposter en lançant une offensive vers le nord, les conséquences seraient dramatiques pour l’ensemble du pays.

Une guerre dans la guerre risquerait alors de détourner des forces entières du front houthi, offrant un répit inespéré aux rebelles qui contrôlent toujours Sanaa et une large partie du nord.

La question de la contrebande : nerf de la guerre

Au cœur des accusations du STC : la complaisance, voire la complicité, de certaines factions gouvernementales avec les réseaux de contrebande profitant aux Houthis.

Le gouvernorat de Mahra, désormais sous contrôle sudiste, était devenu ces dernières années une autoroute pour les armes iraniennes à destination des rebelles. Des convois entiers traversaient la frontière omanaise sous le regard parfois bienveillant de responsables locaux.

En prenant le contrôle de cette zone, le STC affirme vouloir couper cette artère vitale. Mais cette décision met directement en cause des officiers et des politiciens influents du camp islamiste, créant un ressentiment profond.

Vers une sécession inéluctable du Sud ?

Le Sud-Yémen a été un État indépendant de 1967 à 1990. La guerre civile de 1994, remportée par le Nord, a laissé des cicatrices profondes. Aujourd’hui, une majorité de la population sudiste soutient l’idée d’indépendance.

Avec le contrôle de Hadramout, de Shabwa, de Mahra et d’Aden, le STC dispose désormais de presque toutes les cartes pour proclamer, le jour venu, la renaissance de l’État du Sud.

Mais cette perspective terrifie à la fois l’Arabie saoudite, qui craint un effet domino, et les grandes puissances qui soutiennent encore officiellement l’unité du Yémen.

Une riposte annoncée : que va faire le STC ?

Le ton est martial du côté sudiste. Mohammed Al Naqeeb, porte-parole du STC, a confirmé l’attaque tout en évoquant des « heurts » après l’impact du drone.

Les déclarations laissent peu de place au doute : une réponse militaire est en préparation. Reste à savoir si elle se limitera à des frappes ciblées ou si elle prendra la forme d’une offensive d’ampleur vers Marib.

Dans un pays où chaque camp dispose de drones, de missiles et d’alliés régionaux puissants, l’équilibre est plus précaire que jamais.

Les grandes puissances dans l’embarras

Les Émirats arabes unis, principaux soutiens du STC, observent avec satisfaction la consolidation du pouvoir sudiste. L’Arabie saoudite, elle, se retrouve dans une position délicate : elle ne peut publiquement désavouer Al-Islah sans fragiliser toute la coalition.

Quant aux États-Unis et au Royaume-Uni, ils continuent d’appeler à l’unité face aux Houthis tout en fermant les yeux sur les divisions internes. Une posture de plus en plus intenable.

Dans ce chaos, une seule certitude : l’attaque au drone du camp d’Arin n’est probablement que le début d’une nouvelle phase de la guerre yéménite, une phase où les ennemis d’hier deviennent les cibles d’aujourd’hui.

Le Yémen, déjà meurtri par plus de dix ans de conflit, continue de s’enfoncer dans un cycle de violence dont personne ne semble pouvoir – ou vouloir – sortir.

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