Imaginez-vous énervé à la maison, en train de pester contre une facture trop salée ou une fuite d’eau mal placée, et votre moitié qui vous lance, avec un sourire en coin : « Calme-toi, aristocaille ! » C’est exactement ce qui arrive régulièrement à Xavier de Moulins. Oui, le présentateur du 19.45 sur M6, cet homme posé et élégant que l’on voit tous les soirs, porte chez lui un surnom aussi improbable qu’hilarant : contraction d’aristocrate et de racaille.
« Aristocaille » : quand l’humour d’Anaïs désamorce les colères nobles
Ce petit mot-valise, inventé par son épouse Anaïs Bouton, résume à lui seul la dualité fascinante de Xavier de Moulins. D’un côté, un héritage aristocratique impressionnant, avec des noms à particule qui s’étirent sur plusieurs générations. De l’autre, un tempérament de feu, une spontanéité parfois brute qui contraste avec l’image policée qu’il renvoie à l’antenne. Anaïs, elle, a trouvé la formule parfaite pour le taquiner et le ramener sur terre en une seule syllabe.
Car oui, quand Xavier s’emporte – et il paraît que ça arrive –, le « aristocaille » fuse. Un mélange savoureux entre l’élégance innée de ses origines et cette énergie parfois un peu « rue » que l’on sent poindre sous le costume impeccable. Un surnom qui fait mouche, qui fait rire la galerie, et qui surtout montre à quel point le couple fonctionne dans la complicité et la dérision.
Un héritage qui pèse… plusieurs siècles
Pour comprendre d’où vient le côté « aristo » du surnom, il faut remonter loin. Très loin. Côté maternel, on trouve les Chombart de Lauwe et les Cernowitz. Côté paternel, les Moulins d’Amieu de Beaufort. Des noms qui claquent comme des titres de noblesse, des lignées qui ont traversé les révolutions, les guerres et les ventes successives de domaines trop coûteux à entretenir.
Xavier de Moulins lui-même avoue avec humour : « Je ne connais même pas tous mes cousins. » La famille est si vaste, si ramifiée, que les réunions ressemblent parfois à un congrès de particules. Et pourtant, il n’a jamais renié cet héritage. Au contraire. Il en a fait la matière première de son dernier roman, La Fin d’un monde, publié début 2024.
« Le plus haut que tu sois assis, tu ne seras jamais assis que sur ton cul. »
Son père, mantra anti-pretention
Le manoir de la Chevalerie, décor de l’enfance et du roman
Dans le livre, le héros, Luigi, se bat pour empêcher la vente du château familial. Un scénario qui n’a rien d’imaginaire pour Xavier. Le manoir de la Chevalerie, situé dans la Sarthe, a réellement existé dans sa vie. C’est là que sa grand-mère vivait, là que sa mère passait ses vacances, là qu’il a lui-même passé tous ses week-ends et ses étés d’enfant.
Une immense bâtisse du XVe siècle, posée sur la colline comme un vaisseau échoué, avec ses fuites d’eau qu’on cachait sous les tapis, ses infiltrations masquées derrière des portraits d’ancêtres en perruque, ses pièces immenses et glacées l’hiver. Un endroit magique pour un enfant, un gouffre financier pour les adultes. Le genre de demeure que l’on finit par vendre aux enchères, morceau par morceau, tableau par tableau.
« Les pique-cierges en bronze argenté montés en lampe, les tableaux des ancêtres… » : ces détails du livre sont directement puisés dans ses souvenirs. Le roman n’est pas une autobiographie, mais il est nourri de cette nostalgie douce-amère qui accompagne la fin d’un monde, celui de l’aristocratie terrienne confrontée à la réalité du XXIe siècle.
Entre tradition et modernité : la vie d’un « aristo » d’aujourd’hui
Chez M6, où il travaille depuis des années, Xavier de Moulins côtoie d’autres enfants de bonnes familles. Le milieu de la télévision française, surtout à ce niveau, reste un entre-soi discret. Pourtant, il refuse catégoriquement l’étiquette. Pas de chichi, pas de manières. Il arrive en jean, parle cash, tutoie tout le monde. L’aristocratie, pour lui, c’est avant tout une éducation, des codes, une forme de distance polie – pas un passe-droit.
Ses vacances d’enfant ? Pas de stations balnéaires à la mode ou de sports d’hiver. Non. Des semaines entières dans la Sarthe, à courir dans les couloirs interminables du manoir, à grimper dans les arbres centenaires, à écouter les histoires de sa grand-mère sur les bals d’autrefois. Un monde disparu, mais qui continue de vivre en lui.
Et c’est peut-être ça, le vrai luxe aujourd’hui : garder les pieds sur terre quand on pourrait facilement se laisser porter par le nom, les relations, l’histoire familiale. Le mantra paternel résonne encore : peu importe la hauteur du siège, on reste assis sur la même chose.
Anaïs Bouton, la femme qui le connaît par cœur
Derrière chaque grand homme… il y a une femme qui le remet à sa place avec humour. Anaïs Bouton, journaliste elle aussi, partage la vie de Xavier depuis de nombreuses années. Ensemble, ils forment un couple solide, complice, capable de rire de tout – même des colères « aristocaille » du monsieur.
Elle sait exactement comment le désamorcer. Un mot, un regard, et la tension retombe. Parce qu’au fond, Xavier de Moulins n’est pas du genre à se prendre au sérieux. Il assume ses origines, mais il les porte avec légèreté. L’humour est sa soupape, et Anaïs en est la meilleure complice.
Ce surnom, « aristocaille », est finalement une déclaration d’amour déguisée. Une manière de dire : je t’aime avec tes contradictions, tes éclats de voix, ton sang bleu et ton caractère de pitbull quand quelque chose t’agace. Une preuve que dans leur couple, rien n’est sacré – surtout pas les quartiers de noblesse.
Un onzième roman qui touche au cœur
La Fin d’un monde n’est pas seulement un livre sur la perte d’un patrimoine. C’est un roman sur la transmission, sur ce qu’on laisse derrière soi, sur la difficulté de grandir quand on porte le poids de plusieurs siècles sur les épaules. Luigi, le héros, pourrait être Xavier trente ans plus tôt. Ou Xavier demain. Ou n’importe lequel d’entre nous, confronté à la disparition d’un lieu qui a façonné l’enfance.
Les critiques ont salué la finesse du trait, la justesse des émotions. On sent que l’auteur a vécu chaque pièce décrite, chaque odeur de bois ciré, chaque craquement de parquet. C’est un livre intime, presque pudique, qui parle d’argent (ou plutôt de son absence), de famille, de deuil symbolique.
Et en filigrane, une question : qu’est-ce qui reste quand les murs s’effritent et que les domaines se vendent ? La réponse de Xavier semble être : les souvenirs. Et l’humour. Toujours l’humour.
L’aristocratie française en 2025 : entre ruines et renaissance
Le destin du manoir de la Chevalerie n’est pas isolé. Partout en France, des familles issues de la vieille noblesse se séparent de leurs biens. Entretien exorbitant, droits de succession écrasants, absence d’héritiers motivés… Les châteaux se transforment en hôtels de luxe, en lieux de réception, ou tout simplement en ruines magnifiques.
Mais il y a aussi une forme de renaissance. Certains, comme Xavier de Moulins, transforment la douleur de la perte en création. Le roman devient alors le nouveau château : un espace immatériel où l’on peut encore se promener parmi les fantômes des ancêtres, où l’on peut encore entendre le rire des enfants dans les couloirs.
Et puis il y a l’humour, encore et toujours. Parce que finalement, être « aristocaille », c’est peut-être la plus belle manière de rester vivant dans un monde qui change. Ni tout à fait aristo, ni tout à fait racaille. Juste humain. Profondément humain.
Au final, derrière le surnom rigolo se cache une belle leçon de vie : on peut porter des siècles d’histoire sur les épaules et rester capable de rire de soi. Xavier de Moulins et Anaïs Bouton en sont la preuve vivante. Et quelque part, on les envie un peu.









