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Vucic discute avec Poutine malgré les tensions avec l’UE

Malgré sa candidature à l'UE, la Serbie maintient sa position de ne pas sanctionner la Russie. Le président Vucic s'est entretenu avec Poutine pour la première fois depuis l'invasion de l'Ukraine, soulignant les liens privilégiés entre Belgrade et Moscou. Mais cette posture sera-t-elle tenable sur le long terme ?

Alors que la Serbie maintient le cap sur son intégration européenne, son président Aleksandar Vucic a renoué le dialogue avec son homologue russe Vladimir Poutine lors d’un entretien téléphonique qui n’avait plus eu lieu depuis deux ans et demi. Cette conversation survient dans un contexte tendu, Belgrade refusant toujours d’imposer des sanctions à Moscou malgré la pression de Bruxelles.

La Serbie réaffirme ses liens avec la Russie

Lors de cet échange, Aleksandar Vucic a particulièrement remercié Vladimir Poutine pour la fourniture de quantités suffisantes de gaz à la Serbie pour l’hiver prochain. Un approvisionnement crucial pour ce pays des Balkans qui dépendait jusqu’à récemment quasi-exclusivement du gaz russe.

Le président serbe en a profité pour réaffirmer que son pays, bien que candidat à l’UE, ne changerait pas sa position de ne pas imposer de sanctions à la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine. Une posture délicate à tenir pour Belgrade, pris en étau entre ses aspirations européennes et ses liens historiques avec Moscou.

Une relation privilégiée mais complexe

Depuis le début du conflit en Ukraine, la Serbie a certes condamné la violation de l’intégrité territoriale ukrainienne, mais les contacts de haut niveau avec la Russie se sont faits rares. Cet appel téléphonique, le premier depuis mai 2022 entre les deux dirigeants, marque-t-il un réchauffement des relations ?

Le Kremlin s’est en tout cas félicité dans un communiqué du niveau des relations bilatérales, fondées sur des “points communs spirituels, culturels et historiques”. Un héritage commun régulièrement mis en avant par Moscou pour justifier sa proximité avec Belgrade.

L’épineuse question du sommet des Brics

Mais cette conversation intervient surtout alors que la Russie attend une réponse officielle quant à la participation d’Aleksandar Vucic au prochain sommet des Brics à Kazan du 22 au 24 octobre, sur invitation de Vladimir Poutine. Un choix cornélien pour le président serbe, comme il l’a confié en début de semaine :

Si je dis que je vais à Kazan, cela marquera la fin de la voie européenne de la Serbie. Si je dis autre chose, ils prétendront que j’ai trahi les Russes.

Une décision qui s’annonce cruciale pour l’avenir géopolitique de la Serbie et qui devrait être annoncée d’ici lundi selon le président Vucic. D’ici là, Belgrade devra naviguer habilement entre ses engagements européens et ses liens traditionnels avec Moscou, un équilibre de plus en plus précaire à mesure que le conflit en Ukraine s’enlise.

La Serbie à la croisée des chemins

Officiellement candidate à l’UE depuis 2012, la Serbie est régulièrement pointée du doigt par Bruxelles pour son manque d’alignement sur la politique étrangère européenne, notamment en ce qui concerne les sanctions contre la Russie. Un dossier épineux qui illustre toute la complexité de la position serbe, écartelée entre Est et Ouest.

Si Belgrade a entamé un processus de diversification de ses sources d’approvisionnement énergétique à l’instar de nombreux pays européens, sa dépendance au gaz russe reste un facteur clé pour comprendre sa réticence à sanctionner Moscou. Un levier d’influence que le Kremlin n’hésite pas à actionner, comme en témoigne la promesse de livraisons suffisantes pour l’hiver.

Mais au-delà des considérations énergétiques, ce sont les liens historiques et culturels qui cimentent la relation russo-serbe. Une proximité cultivée de longue date, que ce soit à travers le prisme de la slavité ou de l’orthodoxie, et qui confère à cette alliance une dimension presque mystique aux yeux d’une partie de l’opinion serbe.

Pourtant, l’ancrage européen de la Serbie semble difficilement compatible avec un rapprochement trop marqué avec Moscou, alors que la guerre en Ukraine a drastiquement remodelé le paysage géopolitique du continent. La décision que prendra Aleksandar Vucic concernant sa participation au sommet des Brics sera donc scrutée avec attention, tant elle pourrait donner une indication sur le cap que compte suivre Belgrade dans les années à venir.

Entre pragmatisme économique, héritage historique et aspirations européennes, la Serbie se retrouve plus que jamais à la croisée des chemins. Un positionnement inconfortable qui nécessitera toute l’habileté diplomatique de ses dirigeants pour éviter de se retrouver isolée sur la scène internationale. Car si Belgrade peut encore jouer sur les deux tableaux pour l’instant, l’escalade des tensions entre Moscou et l’Occident risque de rendre cette posture de plus en plus intenable à moyen terme.

L’avenir nous dira si la Serbie parviendra à préserver cet équilibre fragile ou si elle sera contrainte de choisir son camp. Un dilemme qui résonne comme une mise en garde pour tous ces pays qui tentent de naviguer entre les eaux troubles de la géopolitique mondiale, au risque de perdre leur cap.

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