Imaginez un marché des cryptomonnaies où les écrans autrefois frénétiques affichent soudain des chiffres anémiques. Les courbes qui grimpaient en flèche ne sont plus que de timides ondulations. Fin décembre 2025, une réalité frappante s’impose : les principaux altcoins ont vu leurs volumes d’échange s’effondrer à des niveaux jamais observés depuis le début de l’année. XRP, BNB, Solana et Cardano sont particulièrement touchés. Que se passe-t-il vraiment dans l’ombre des exchanges ?
Quand le silence devient plus bruyant que les chiffres
Le mois de décembre 2025 restera dans les mémoires comme celui où le bruit du marché s’est éteint. Les traders, habituellement si réactifs, ont choisi de se taire. Pas de panique généralisée, pas de ventes massives visibles. Juste un retrait progressif, presque discret. Comme si la majorité des participants avaient décidé, d’un commun accord tacite, de poser leur manette le temps de comprendre ce qui allait suivre.
Les chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Les données sont sans appel. Le volume spot réel de XRP sur les principales plateformes a atteint environ 32 milliards de dollars sur tout le mois de décembre. Il s’agit du plus faible niveau enregistré en 2025. Sur cette somme, près de 12,3 milliards proviennent d’une seule plateforme : la place forte incontestée du secteur.
Pour BNB, la tendance est encore plus marquée. Le token natif affiche 13,7 milliards de dollars de volume mensuel, dont 12,6 milliards rien que sur cette même plateforme dominante. On constate donc que plus de 90 % de l’activité restante se concentre sur un seul acteur.
Solana, souvent présentée comme l’une des blockchains les plus dynamiques, n’échappe pas à la règle. Avec environ 43 milliards de dollars de volume spot, elle signe également son plus bas niveau depuis… 2024. Quant à Cardano, le réseau le plus discret du quatuor, il boucle le mois avec seulement 3,8 milliards de dollars, dont la moitié environ sur la même plateforme centrale.
« Quand les volumes s’effondrent sans chute violente des prix, cela traduit généralement une absence de conviction plus qu’une capitulation. Les investisseurs attendent. »
Cette citation d’un analyste on-chain anonyme résume parfaitement le sentiment dominant en cette fin d’année.
La concentration historique de la liquidité
Ce qui frappe dans ces chiffres, c’est la polarisation extrême de l’activité. Alors que les volumes globaux s’amenuisent, une seule plateforme capte l’essentiel des échanges. Cette concentration n’est pas nouvelle, mais elle atteint des niveaux rarement observés auparavant.
Pour les petits portefeuilles, cela signifie que la liquidité réelle devient de plus en plus difficile à trouver en dehors des grandes places. Pour les institutionnels, c’est au contraire un signe rassurant : ils savent exactement où concentrer leurs flux. Cette dualité explique en partie pourquoi le marché ne s’effondre pas totalement malgré la chute des volumes.
Les stablecoins racontent une autre histoire
Parallèlement à cette baisse d’activité spot, un mouvement massif de stablecoins s’est produit sur le réseau Ethereum vers la fin de l’année. Entre le 24 novembre et le 22 décembre, plus de 2,68 milliards de dollars en USDC ont quitté la principale plateforme d’échange. La semaine du 24 au 30 novembre a été particulièrement intense avec 1,35 milliard retiré en seulement sept jours.
Ce genre de sortie massive de stablecoins n’est généralement pas anodin. Elle indique que les capitaux disponibles pour acheter immédiatement des actifs risqués diminuent fortement. Plusieurs hypothèses coexistent :
- Stockage sécurisé dans des cold wallets par des investisseurs long terme
- Transferts vers des protocoles DeFi offrant de meilleurs rendements
- Prise de bénéfices et conversion en monnaie fiat par certains acteurs
- Attentisme global avant une potentielle régulation plus lourde en 2026
Toutes ces explications ne s’excluent pas mutuellement. Elles convergent même vers un même constat : la communauté perd progressivement son appétit pour le trading à court terme.
Bitcoin, le chef d’orchestre invisible
Impossible d’évoquer la faiblesse des altcoins sans parler du leader incontesté. Le comportement du Bitcoin reste ambivalent en cette fin d’année. D’un côté, le MVRV Z-Score oscille autour de -0,24, ce qui le place historiquement dans une zone d’opportunité relative. De l’autre, les indicateurs de distribution des détenteurs long terme (notamment le Binary CDD) montrent des signaux de prudence récurrents.
Les grands portefeuilles continuent donc de vendre par petites touches, sans jamais provoquer de crash spectaculaire. Cette stratégie patiente maintient le marché dans une sorte de limbo : ni euphorie, ni capitulation franche.
Les altcoins, qui ont toujours été très corrélés au mouvement du Bitcoin, subissent donc mécaniquement cette indécision. Tant que le roi ne choisit pas clairement sa direction, les autres restent en apnée.
Que nous réserve l’année 2026 ?
Plusieurs scénarios se dessinent pour les prochains mois. Le premier, et le plus optimiste, serait une reprise franche du Bitcoin au-dessus de seuils techniques majeurs. Dans ce cas, l’effet de levier sur les altcoins pourrait être très puissant, même avec des volumes de départ faibles.
Le deuxième scénario, plus prudent, anticipe une phase de consolidation prolongée. Les volumes resteraient faibles, les mouvements de prix très contenus, et seuls les projets proposant de réelles innovations ou des rendements DeFi attractifs continueraient à attirer du capital.
Enfin, le scénario le plus redouté par la communauté serait une correction plus marquée du Bitcoin, déclenchée par un événement macroéconomique ou réglementaire. Dans ce cas, les altcoins pourraient connaître des baisses bien plus importantes que le leader, comme cela a souvent été le cas dans le passé.
Quelques pistes pour naviguer dans ce brouillard
Face à cette incertitude, plusieurs attitudes semblent raisonnables :
- Diminuer significativement la taille de ses positions spéculatives
- Privilégier les projets qui génèrent du cash-flow réel (rendements DeFi, staking, etc.)
- Augmenter fortement la part de stablecoins ou de BTC dans son portefeuille
- Se préparer psychologiquement à des semaines, voire des mois, de faible volatilité
- Surveiller très attentivement les flux de stablecoins sur les exchanges
Ces cinq points ne constituent pas des conseils financiers, mais simplement un cadre de réflexion partagé par de nombreux observateurs sérieux en cette période particulière.
La psychologie du marché en fin de cycle ?
Certains analystes commencent à parler d’un possible « bear market silencieux » ou de « capitulation lente ». Contrairement aux krachs violents de 2018 ou 2022, nous assisterions à une érosion progressive de l’intérêt, sans jamais toucher le point de rupture qui déclenche un rebond massif par capitulation achevée.
Ce type de marché est particulièrement difficile à vivre pour les investisseurs actifs. L’absence de volatilité prive les traders de signaux clairs, tandis que la baisse lente use la patience des hodlers.
Conclusion : patience, le maître-mot de fin 2025
Le marché des cryptomonnaies traverse actuellement l’une de ses phases les plus étranges depuis plusieurs années. Les volumes s’effondrent, les prix stagnent ou baissent doucement, les stablecoins fuient les exchanges… et pourtant, personne ne panique vraiment.
Comme si l’ensemble de la communauté avait intégré, consciemment ou non, que le prochain mouvement majeur ne viendrait pas avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Dans cet environnement de calme plat, la vraie compétence ne réside plus dans la rapidité d’exécution, mais dans la capacité à attendre.
2026 sera-t-il l’année du réveil brutal ou celle de la lente maturation ? Pour l’instant, le marché refuse de répondre. Et c’est peut-être là son message le plus clair.
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