Le géant allemand de l’automobile Volkswagen a annoncé mercredi son intention de se retirer de la région chinoise du Xinjiang, au cœur d’une controverse internationale en raison des accusations de violations des droits humains visant la population ouïghoure. Si le groupe justifie officiellement cette décision par des « raisons économiques », elle intervient surtout dans un contexte de pressions croissantes de l’opinion publique et des investisseurs sur les questions d’éthique.
Volkswagen cède à la pression sur les droits humains en Chine
Depuis plusieurs années, Volkswagen était pointé du doigt par les médias, les défenseurs des droits de l’Homme et certains de ses propres actionnaires en raison de sa présence industrielle au Xinjiang, et notamment de son usine à Urumqi. Des allégations de travail forcé au sein de ce site avaient même conduit la banque allemande Deka à retirer en mars dernier les actions Volkswagen de son portefeuille de titres « durables ». Face à cette pression grandissante, le constructeur a finalement décidé de plier bagage.
Selon Ferdinand Dudenhöffer, un expert réputé du secteur automobile en Allemagne, Volkswagen « s’incline d’une certaine manière devant l’opinion publique » avec cette annonce. Un audit externe commandé l’an dernier par le groupe n’avait pourtant pas révélé de preuves directes de travail forcé parmi les 197 employés d’Urumqi, mais plusieurs médias avaient pointé des lacunes méthodologiques dans ce rapport.
La Chine, un marché crucial pour Volkswagen malgré les critiques
Si le groupe allemand met officiellement en avant un « réalignement stratégique » lié à sa transition vers l’électrique pour justifier son départ du Xinjiang, il est indéniable que les considérations éthiques ont pesé dans la balance. La Chine reste néanmoins un marché absolument crucial pour Volkswagen, qui y écoule un tiers de ses véhicules. Un marché sur lequel il connait d’ailleurs des difficultés, avec un recul de 15% de ses ventes au 3ème trimestre et une perte de leadership au profit des concurrents chinois comme BYD sur l’électrique.
Les récentes hausses de droits de douane décidées par l’Union Européenne sur les voitures importées de Chine inquiètent aussi Volkswagen, qui craint des mesures de rétorsion de Pékin. Dans ce contexte délicat, couper les ponts avec le Xinjiang est un moyen de donner des gages sur le plan éthique sans trop fragiliser ses intérêts en Chine. Car entre la crise que traverse actuellement le groupe et la nécessité de ménager ce marché clé, les équilibres sont plus que jamais subtils pour le géant de Wolfsburg.
Le dilemme des multinationales face aux droits de l’Homme en Chine
Au delà du cas Volkswagen, c’est toute la question épineuse des relations entre le monde des affaires et le régime chinois qui se pose une nouvelle fois. Pékin est régulièrement accusé de mener une politique de répression brutale contre les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes du Xinjiang :
- Incarcération de masse dans des « camps de rééducation »
- Travail forcé
- Stérilisations et avortements forcés
- Surveillance généralisée et restrictions des libertés
Un rapport de l’ONU publié en 2022 faisait état de preuves crédibles de torture et de traitements inhumains. Une situation qui place les multinationales présentes dans la région face à un véritable cas de conscience, entre impératifs économiques et responsabilité éthique.
Les entreprises sont prises en tenaille entre la nécessité de rester en Chine et la pression de l’opinion occidentale sur les droits de l’Homme.
Un expert des relations économiques sino-européennes
Après Volkswagen, c’est le géant de la chimie BASF qui a annoncé en février accélérer son retrait du Xinjiang. Mais beaucoup d’autres grands groupes restent engagés dans la région, minimisant les critiques. Un statu quo de plus en plus difficile à tenir au vu de la sensibilisation croissante de l’opinion internationale sur le sujet.
Droits de l’Homme et intérêts économiques, l’impossible équation chinoise
Pour les entreprises, trouver le bon équilibre entre éthique et pragmatisme relève souvent de la quadrature du cercle en Chine. Si des signaux forts comme un retrait du Xinjiang peuvent apaiser temporairement les critiques, la tentation de la realpolitik économique reste forte face aux opportunités offertes par le géant asiatique.
Volkswagen, malgré ses déboires récents, réalise toujours plus de 40% de ses ventes en Chine. Difficile dans ces conditions de claquer la porte du pays, aussi condamnables soient certaines politiques du régime. Pour l’Allemagne tout entière, très dépendante de ses exportations, c’est un équilibre périlleux qui se joue.
L’Allemagne a besoin d’une relation raisonnable avec la Chine. La Chine est une pierre angulaire pour sortir le pays de la crise.
Ferdinand Dudenhöffer, expert du secteur automobile
Une realpolitik assumée donc, mais de plus en plus inconfortable à mesure que l’opinion internationale se focalise sur la question des droits humains. Pour les multinationales, le grand écart chinois pourrait devenir de plus en plus périlleux dans les années à venir. La décision de Volkswagen, aussi partielle soit-elle, illustre les prémices d’un changement d’époque dans la perception des risques liés à la Chine. Mais le chemin sera encore long avant que les considérations éthiques ne prennent réellement le pas sur les intérêts économiques.