C’est un véritable tremblement de terre qui secoue le paysage médiatique français en ce lundi 16 décembre 2024. Le mastodonte Vivendi, connu pour avoir bâti un empire tentaculaire allant de l’audiovisuel à l’édition en passant par la publicité, a finalement décidé de se scinder en quatre entités distinctes. Une manœuvre stratégique d’envergure visant à donner un nouveau souffle à chacune de ses activités phares en les propulsant sur le devant de la scène boursière.
Un premier jour de cotation contrasté
C’est sous les feux des projecteurs que ces nouvelles sociétés issues de l’éclatement du groupe Vivendi ont fait leurs premiers pas sur les marchés financiers. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les débuts sont pour le moins contrastés. La filiale emblématique Canal+, fleuron de l’audiovisuel, a vu son titre dégringoler de plus de 12% une heure seulement après l’ouverture de la Bourse de Londres. Un baptême du feu particulièrement brutal pour le groupe de télévision qui va devoir rapidement rassurer ses nouveaux investisseurs.
À l’inverse, Havas, entité spécialisée dans la communication et la publicité introduite à la Bourse d’Amsterdam, a vu son action s’envoler de plus de 11% dans les premiers échanges. Une entame tonitruante qui témoigne de l’engouement des marchés pour ce groupe en pleine expansion, dirigé d’une main de maître depuis une décennie par Yannick Bolloré.
Louis Hachette Group, la nouvelle structure chapeautant les activités d’édition comme Hachette Livre mais aussi des médias tels qu’Europe 1 ou le Journal du Dimanche, connaît également une première journée faste. Introduit sur le marché Euronext Growth à Paris, le titre bondit de plus de 28% par rapport à son cours d’introduction. Une performance remarquable qui démontre toute la confiance des investisseurs dans le potentiel de croissance de ce poids lourd de l’édition.
Des changements majeurs pour doper les valorisations
Mais pourquoi une telle scission de la part de Vivendi, mastodonte des médias dont le portefeuille d’activités semblait jusqu’ici si complémentaire ? Selon des sources proches du dossier, il s’agirait avant tout d’une manœuvre visant à doper la valorisation de chacune de ces entités en leur donnant une visibilité accrue et une totale autonomie sur les marchés. Une stratégie payante si l’on en croit les premières réactions des investisseurs, séduits par ces pure players aux perspectives alléchantes.
Cette scission marque un tournant décisif pour le groupe Vivendi. En donnant leur indépendance à nos pépites comme Havas ou Editis, nous leur permettons de déployer tout leur potentiel et de se positionner comme des leaders sur leurs marchés respectifs.
Une source interne à Vivendi
Une page se tourne donc pour cet empire aux mille facettes, mastodonte incontournable du paysage médiatique français depuis des décennies. Place désormais à une nouvelle ère, celle de l’agilité et de la spécialisation, avec pour maître-mot la quête permanente de croissance et de rentabilité. Nul doute que ces nouvelles entités, désormais livrées à elles-mêmes, vont devoir redoubler d’efforts et d’audace pour tirer leur épingle du jeu dans un environnement ultra-concurrentiel.
Canal+ dans la tourmente
Si Havas et Louis Hachette Group ont réussi leurs premiers pas en solo, Canal+ semble déjà tanguer dangereusement. Le groupe de télévision payante, qui doit désormais voler de ses propres ailes, va devoir rassurer au plus vite des marchés particulièrement fébriles. Car derrière cette chute brutale du titre se cache une réelle inquiétude sur l’avenir de Canal+, confronté à une concurrence féroce des plateformes de streaming comme Netflix ou Disney+, mais aussi à l’érosion continue de ses abonnés sur son marché historique.
Il va falloir très vite envoyer des signaux forts aux investisseurs. Canal+ jouit certes d’une image de marque exceptionnelle, mais la route est encore longue pour reconquérir les faveurs du public et endiguer la fuite des abonnés.
Un analyste financier spécialisé dans les médias
Des défis de taille attendent donc le groupe dirigé par Maxime Saada. Au programme : des investissements massifs dans les contenus originaux pour tenter de faire la différence face aux géants américains, mais aussi une diversification à marche forcée sur de nouveaux relais de croissance, notamment à l’international. Sans oublier la montée en puissance de sa plateforme myCanal pour tenter de contrer l’hégémonie de Netflix et consorts. Un véritable parcours du combattant qui ne fait que commencer.
Un avenir prometteur pour Havas et Editis
Si l’avenir de Canal+ semble s’inscrire en pointillé, celui d’Havas et d’Editis, désormais réunis sous la bannière du Louis Hachette Group, apparaît nettement plus radieux. Les deux entités, qui jouissent d’une excellente dynamique sur leurs marchés respectifs, vont pouvoir accélérer leur développement sans les contraintes d’un groupe trop tentaculaire. Avec pour objectif de devenir de véritables leaders mondiaux dans leurs domaines de prédilection.
Pour Havas, le défi sera de poursuivre sa politique d’acquisitions ciblées pour se renforcer dans les pays clés et sur les segments les plus porteurs, comme le digital ou la data. Le groupe dirigé par Yannick Bolloré devra aussi miser sur l’innovation et la créativité pour se démarquer dans un univers publicitaire en pleine mutation, bousculé par les GAFA et l’émergence de nouveaux formats.
Quant à Editis, le numéro deux français de l’édition a désormais les coudées franches pour se développer, notamment via des opérations de croissance externe. Le groupe, qui compte déjà des maisons prestigieuses comme Robert Laffont, Plon ou Julliard, pourrait être tenté de se renforcer dans des segments porteurs comme la littérature jeunesse ou le manga. Avec toujours cette obsession : contrer le mastodonte Hachette et son hégémonie sur le marché tricolore.
Les défis de l’indépendance
Si cette scission ouvre indéniablement de nouvelles perspectives pour ces entités désormais autonomes, elle les met aussi face à leurs responsabilités. Car en prenant leur envol, Canal+, Havas et Editis perdent aussi la protection d’une maison-mère puissante, capable d’amortir les chocs et d’apporter son soutien en cas de coup dur.
Pour ces nouveaux pionniers de la Bourse, l’heure est donc à la mobilisation générale. Chacun va devoir prouver sa capacité à tracer sa route en solo, à générer de la croissance et des profits pour séduire des investisseurs devenus subitement plus exigeants. Un sacré défi dans des secteurs ultra-concurrentiels et en pleine mutation, où la moindre erreur se paye désormais cash.
Mais ce grand chambardement est aussi porteur d’espoirs. Celui de bâtir de futurs champions tricolores, agiles et conquérants, capables de rivaliser avec les meilleurs mondiaux. Un pari audacieux pour Vivendi, qui mise sur l’énergie de la jeunesse et l’ivresse de la liberté pour propulser ses pépites vers de nouveaux sommets. Tout en gardant un œil bienveillant et exigeant sur ses protégés, prêt à intervenir en cas de besoin.
Une nouvelle page s’écrit donc pour Canal+, Havas et Editis. Celle de l’émancipation et de la conquête, avec son lot de promesses et de périls. À chacun désormais de prouver sa valeur et de tracer sa voie, pour devenir les prochains géants français de la mondialisation. Le compte à rebours est lancé.