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Vive émotion au Salon du livre d’Alger sans le roman controversé de Kamel Daoud

Controverse au Salon du livre d'Alger ! Le roman primé "Houris" de Kamel Daoud interdit, sa maison d'édition Gallimard bannie. Visiteurs et auteurs déçus. Un débat houleux sur la censure et la liberté d'expression s'ouvre.

Le 27e Salon international du livre d’Alger, événement littéraire phare en Algérie, fait couler beaucoup d’encre cette année. Au cœur de la polémique : l’absence remarquée du roman “Houris” de Kamel Daoud, lauréat franco-algérien du prestigieux Prix Goncourt. Son éditeur Gallimard s’est vu interdire de présenter ses ouvrages, suscitant l’émoi chez les visiteurs et la communauté littéraire.

Le roman de la discorde

“Houris” de Kamel Daoud, plongée romanesque dans les violences ayant ravagé l’Algérie dans les années 90, était pressenti comme un des grands favoris pour le Goncourt. Mais impossible de le trouver sur les étals du Salon. Motif : le livre tombe sous le coup d’une loi interdisant tout ouvrage sur cette sombre période, qui a fait au moins 200 000 morts selon les chiffres officiels.

Je suis contre l’interdiction de quelque livre que ce soit. Je préfère que les gens se fassent leur propre opinion, lisent le livre par eux-mêmes.

Samia Chabane, écrivaine, auteure de “Récits d’Alger et d’ailleurs, l’histoire d’une femme libre”

Si le roman est introuvable en librairie, il circule déjà largement sous le manteau. Pour l’écrivaine Samia Chabane, 64 ans, interdire “Houris” fait “quand même autodafé”.

Elle assure “avoir tout lu de Kamel Daoud, un grand écrivain”, mais se refuse à se plonger dans “Houris”, ne voulant pas “revivre les horreurs de ces années de sang”.

Goncourt et polémique

L’attribution du Goncourt à Kamel Daoud ne fait pas l’unanimité. Pour Makdoud Oulaid, chirurgien de 63 ans ayant lu le roman, la récompense est plus “liée à la situation politique” qu’aux qualités de l’ouvrage. Les relations houleuses entre Paris et Alger depuis l’été dernier, suite au soutien français à un plan d’autonomie du Maroc au Sahara occidental, ne sont pas étrangères à la controverse.

Sofiane Hadjadj, fondateur de la maison d’édition algérienne Barzakh, se montre mesuré. “C’est un Salon international du livre, organisé par le ministère de la Culture. Donc on doit se conformer à un certain nombre de règles.”

Premier Goncourt algérien de l’histoire

Malgré les remous, l’exploit de Kamel Daoud reste historique. “C’est le premier Algérien de l’histoire à recevoir le Goncourt”, souligne Hassina Hadj Sahraoui, directrice de publication. Elle le voit comme un digne successeur d’Assia Djebar, illustre écrivaine algérienne ayant remporté de nombreux prix et siégé à l’Académie française jusqu’à son décès en 2015.

Alors que le débat fait rage, le Salon du livre d’Alger poursuit son cours. Plus de 300 000 livres présentés par un millier d’éditeurs venus de 40 pays. Mais dans tous les esprits, une absence qui en dit long sur les défis auxquels sont confrontés les écrivains algériens, tiraillés entre désir de témoigner et chape de plomb mémorielle.

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