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Visa Américain Refusé aux Fact-Checkeurs : Tollé Mondial

L’administration Trump vient d’interdire les visas aux fact-checkeurs étrangers, les accusant de censurer les Américains. Le réseau mondial qui regroupe 170 organisations crie au scandale et défend : « La vérification des faits, c’est du journalisme ». Mais jusqu’où ira cette guerre contre la modération ?

Imaginez arriver à l’ambassade américaine, dossier impeccable, CV brillant, et vous entendre dire : « Désolé, votre métier est considéré comme une menace à la liberté d’expression des Américains. » C’est exactement ce qui arrive désormais à des centaines de vérificateurs de faits à travers le monde.

Une directive qui fait l’effet d’une bombe

Le Département d’État américain a discrètement transmis à ses agents consulaires une instruction claire : refuser les demandes de visa dès qu’il apparaît que le candidat travaille dans la vérification des faits ou la modération de contenu. Cette mesure vise particulièrement les visas H-1B, ceux-là mêmes qui permettent aux talents étrangers de venir travailler dans la Silicon Valley.

La formulation officielle ne laisse aucune place au doute : si un agent découvre que le demandeur est « responsable ou complice de censure ou de tentative de censure de la liberté d’expression protégée aux États-Unis », il doit conclure à l’inéligibilité.

Le réseau international de fact-checking monte au créneau

Le Réseau international de vérification des faits (IFCN), qui regroupe plus de 170 organisations sur tous les continents, a rapidement réagi. Dans un communiqué publié cette semaine, il exprime sa « profonde préoccupation » et rappelle une évidence souvent oubliée dans le débat public : la vérification des faits n’est pas de la censure, c’est du journalisme.

« La vérification des faits, c’est du journalisme. »

Réseau international de vérification des faits (IFCN)

Cette phrase, simple et percutante, résume le cœur du désaccord. Pour les uns, traquer les fausses informations protège la démocratie. Pour l’administration actuelle, cela revient à museler les voix conservatrices.

Marco Rubio avait ouvert la voie dès mai

Ce n’est pas la première fois que Washington brandit la carte des restrictions de visa. Dès le printemps, le secrétaire d’État Marco Rubio annonçait des mesures contre les étrangers accusés de « censurer les Américains ». À l’époque, beaucoup y voyaient une posture politique. Aujourd’hui, la menace est devenue réalité.

Un haut responsable du Département d’État, interrogé anonymement par la presse conservatrice, a justifié la décision en rappelant l’expérience personnelle du président Trump : banni de plusieurs plateformes après le 6 janvier 2021, il aurait juré que plus aucun Américain ne subirait le même sort.

Premier amendement contre modération : le grand malentendu

Au cœur du débat trône le Premier amendement de la Constitution américaine, ce texte sacré qui protège la liberté d’expression contre l’ingérence de l’État. Mais ici que tout se complique.

Pour l’administration, quand une plateforme privée (même américaine) décide de supprimer un contenu, elle outrepasse ses droits dès qu’un étranger est impliqué dans la décision. Pour les défenseurs de la modération, ces plateformes exercent précisément le droit que leur confère… le même Premier amendement : celui de choisir ce qu’elles publient ou non.

« Les personnes qui étudient la désinformation et travaillent au sein d’équipes de modération de contenu ne pratiquent pas la censure. Elles exercent des activités que le Premier amendement vise à protéger. »

Carrie DeCell, avocate à l’Institut Knight de l’Université Columbia

Cette citation illustre parfaitement le fossé juridique et philosophique qui sépare les deux camps.

Qui est réellement visé par cette mesure ?

Concrètement, la directive touche :

  • Les journalistes spécialisés en vérification des faits travaillant pour des organisations internationales
  • Les employés des grandes plateformes (Meta, Google, TikTok…) chargés de la modération
  • Les chercheurs en désinformation employés par des universités étrangères
  • Les développeurs d’outils d’analyse de contenus (IA de détection de deepfakes, etc.)

En clair, toute personne dont le métier consiste, même partiellement, à identifier ou limiter la diffusion d’informations jugées fausses ou dangereuses.

Les conséquences déjà ressenties sur le terrain

Plusieurs témoignages anonymes circulent déjà. Un ingénieur brésilien spécialisé dans la détection de fausses nouvelles sur WhatsApp a vu sa demande H-1B refusée sans explication claire. Une chercheuse indienne en désinformation politique a été interrogée pendant plus de deux heures sur ses publications avant de se voir opposer un refus.

Ces cas, encore isolés, laissent présager une vague beaucoup plus large dans les prochains mois.

Une mesure qui pourrait se retourner contre les États-Unis

Paradoxalement, cette politique risque de priver les géants technologiques américains de talents indispensables. La lutte contre la désinformation nécessite des profils ultra-qualifiés, souvent formés à l’étranger. En fermant la porte, Washington pourrait affaiblir les mêmes entreprises qu’il prétend défendre.

Certains experts vont plus loin : priver les plateformes de leurs meilleurs modérateurs pourrait augmenter la diffusion de fausses informations… exactement l’inverse de l’objectif affiché.

Vers une guerre froide de l’information ?

Cette décision s’inscrit dans un contexte plus large de tensions autour de la souveraineté numérique. Plusieurs pays (Brésil, Inde, Union européenne) renforcent leurs lois sur la modération. Les États-Unis, eux, choisissent l’arme du visa pour imposer leur vision de la liberté d’expression.

On assiste peut-être à l’émergence d’un nouveau clivage mondial : d’un côté les pays qui considèrent la lutte contre la désinformation comme une priorité de sécurité nationale, de l’autre ceux qui y voient une menace pour la liberté absolue de parole.

Une chose est sûre : cette affaire ne fait que commencer. Les recours juridiques s’annoncent nombreux, et le débat promet d’être passionné.

En résumé : l’administration américaine assimile désormais la vérification des faits à de la censure et refuse les visas en conséquence. Une décision qui choque le monde du journalisme, divise les juristes et pourrait avoir des effets boomerang sur la lutte contre les fake news. À suivre de très près.

Et vous, pensez-vous que traquer les fausses informations relève de la censure ou du devoir journalistique ? Le débat est ouvert.

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