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Violences Sexuelles dans le Sport en Afrique de l’Est

Une étude choc dévoile que 62% des athlètes en Afrique de l'Est subissent des violences sexuelles ou sexistes. Quels sont les obstacles à la justice ? Lisez la suite...

Imaginez-vous sur une piste d’athlétisme, le souffle court, le cœur battant, poursuivant un rêve de gloire. Mais pour beaucoup d’athlètes en Afrique de l’Est, ce rêve est terni par une réalité glaçante : les violences sexuelles et sexistes. Une récente étude menée à Nairobi met en lumière une vérité alarmante : la majorité des sportifs et sportives dans cette région ont été confrontés, de près ou de loin, à des abus. Ce fléau, enraciné dans des dynamiques sociales complexes, soulève des questions urgentes sur la protection des athlètes et l’avenir du sport dans des pays comme le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda.

Une crise systémique dans le sport est-africain

Le sport, souvent perçu comme un espace de liberté et de dépassement de soi, cache une face sombre en Afrique de l’Est. Selon une enquête approfondie réalisée par une université de Nairobi, 62 % des athlètes interrogés ont soit subi des violences, soit connu des collègues victimes de ces actes. Cette étude, menée auprès de 748 sportifs âgés de 18 à 34 ans, dont près d’un tiers évolue à un niveau professionnel ou semi-professionnel, dresse un tableau préoccupant. Les chiffres varient selon les pays : 69 % au Kenya, 62 % en Tanzanie et 48 % en Ouganda. Ces statistiques révèlent une crise profondément enracinée, loin d’être un simple fait divers.

Les violences recensées englobent un spectre large : abus verbaux, physiques et, plus grave encore, sexuels. Ces actes, souvent perpétrés par des figures d’autorité comme les entraîneurs, laissent des cicatrices durables. Nombre d’athlètes abandonnent leur carrière, brisés par les traumatismes et un environnement qu’ils décrivent comme hostile. Mais comment un domaine censé célébrer l’excellence humaine peut-il tolérer de telles pratiques ?

Un écosystème marqué par le patriarcat

Les auteurs de l’étude pointent du doigt un système défaillant, alimenté par des attitudes patriarcales profondément ancrées. Dans de nombreux cas, les agresseurs bénéficient d’une impunité quasi totale, protégés par une culture du silence qui dissuade les victimes de parler. Ce climat toxique est particulièrement marqué dans des disciplines comme l’athlétisme, où les pressions pour performer s’ajoutent à la peur des représailles. Une victime sur trois hésite à signaler les abus, redoutant des conséquences sur sa carrière ou sa réputation.

« La violence sexuelle et sexiste dans le sport en Afrique de l’Est est profondément ancrée dans un écosystème défaillant, alimenté par des attitudes patriarcales, l’impunité des auteurs et la culture du silence. »

Extrait de l’étude

Ce constat met en lumière un cercle vicieux : les victimes, souvent des femmes, sont confrontées à la stigmatisation et à l’incrédulité lorsqu’elles tentent de dénoncer. Les obstacles juridiques, comme l’accès limité à des recours efficaces, aggravent encore leur situation. Sans réformes structurelles, cet écosystème continue de prospérer, au détriment des athlètes.

Kenya : un foyer de drames

Le Kenya, puissance mondiale de l’athlétisme, est particulièrement touché. Les chiffres locaux sont alarmants : 69 % des athlètes interrogés rapportent des violences, un bond significatif par rapport aux 43 % recensés par des données officielles en 2022. Ce pays, qui a produit des champions comme Eliud Kipchoge, est aussi le théâtre de tragédies retentissantes. Au cours des cinq dernières années, six athlètes de haut niveau ont perdu la vie dans des circonstances violentes.

L’un des cas les plus médiatisés est celui de Rebecca Cheptegei, marathonienne d’origine ougandaise, qui a succombé en 2024 après avoir été brûlée vive par son compagnon. Ce drame, loin d’être isolé, reflète une violence systémique qui transcende le sport. Une autre affaire marquante concerne Agnes Tirop, double médaillée mondiale, retrouvée poignardée en 2021. Son mari, suspect principal, demeure introuvable après une libération sous caution. Ces histoires tragiques soulignent l’urgence d’agir.

170 féminicides ont été recensés en 2024 dans seulement 10 des 47 comtés kényans, faisant de cette année la plus meurtrière pour les femmes au Kenya.

Les entraîneurs, principaux agresseurs

L’étude identifie les entraîneurs comme les principaux responsables des violences. Ces figures d’autorité, censées guider et protéger, abusent souvent de leur position. Les témoignages recueillis révèlent des cas où des athlètes ont été contraints de quitter leur sport après avoir subi des abus. Le manque de mécanismes de protection et l’absence de sanctions claires contribuent à perpetuer ce cycle.

Pour beaucoup, l’abandon du sport représente plus qu’une simple retraite : c’est une fuite face à un environnement toxique. Les victimes décrivent un sentiment d’isolement, aggravé par la peur d’être jugées ou ostracisées. Comment peut-on espérer inspirer la prochaine génération d’athlètes dans un tel climat ?

La culture du silence : un frein à la justice

Un obstacle majeur à la lutte contre ces violences est la réticence à signaler les abus. Environ 35 % des victimes évoquent la crainte de représailles comme raison principale de leur silence. Cette peur est renforcée par un système judiciaire souvent inefficace, où les plaintes aboutissent rarement à des condamnations. Les victimes font face à des barrières multiples : stigmatisation sociale, méfiance des autorités et manque de soutien institutionnel.

Dans ce contexte, la parole des victimes reste étouffée. Les initiatives comme le projet Silencing Women, qui documente les féminicides au Kenya, montrent l’ampleur du problème. En 2024, ce projet a recensé 170 cas de féminicides dans seulement 10 comtés, un chiffre qui reflète une crise plus large des droits des femmes dans la région.

Vers des solutions concrètes ?

Face à cette situation, des voix s’élèvent pour réclamer des réformes. Le président de la fédération kényane d’athlétisme a reconnu que ce sport est particulièrement touché. Mais les paroles ne suffisent pas. Voici quelques pistes envisagées pour changer la donne :

  • Renforcer les mécanismes de signalement : Mettre en place des canaux anonymes et sécurisés pour les victimes.
  • Former les entraîneurs et officiels : Sensibiliser aux questions de genre et aux abus de pouvoir.
  • Sanctionner les agresseurs : Instaurer des sanctions claires et rapides pour briser l’impunité.
  • Soutenir les victimes : Offrir un accompagnement psychologique et juridique pour encourager les dénonciations.

Ces mesures, bien que prometteuses, nécessitent une volonté politique et institutionnelle forte. Sans un changement profond des mentalités, le sport est-africain risque de continuer à perdre ses talents.

Un appel à l’action

Le sport devrait être un refuge, un lieu où l’on célèbre le courage et la persévérance. Pourtant, en Afrique de l’Est, il est trop souvent le théâtre de violences qui brisent des vies. Cette étude est un cri d’alarme, un appel à briser la culture du silence et à protéger ceux et celles qui portent les espoirs de nations entières. Pour que les pistes d’athlétisme redeviennent des espaces de rêves, et non de cauchemars, il est temps d’agir.

Le sport peut-il redevenir un espace sûr pour les athlètes est-africains ? La réponse dépend de nous tous.

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