Imaginez une mère qui pleure son fils, abattu lors d’une nuit de tensions dans une petite localité du sud du Maroc. Ce n’est pas une fiction, mais la réalité douloureuse que vivent plusieurs familles depuis octobre dernier. À Lqliaâ, près d’Agadir, trois jeunes hommes ont perdu la vie dans des circonstances qui restent floues et controversées.
Leurs proches, déterminés, ont pris la parole publiquement pour exiger la vérité. Ils ne veulent pas seulement du deuil ; ils réclament justice et transparence. Cette affaire soulève des questions profondes sur la gestion des manifestations et l’usage de la force par les autorités.
Un Appel à la Justice qui Résonne à Rabat
Mercredi dernier, à Rabat, les familles des victimes ont exprimé leur douleur et leur indignation. Khadija Ben El Qadi, mère d’Abdelhakim Derfidi, a déclaré avec fermeté : « Nous demandons que justice soit faite. » Ses mots portent le poids d’un chagrin immense.
À ses côtés, Abdelkabir Oubella et Khalifa Rahali, pères respectifs d’Abdessamad et Mohamed, ont insisté sur la nécessité d’une enquête impartiale. « L’ouverture d’une enquête transparente », ont-ils réclamé, refusant que la mort de leurs enfants reste sans explication claire.
Cette prise de parole s’est déroulée en marge de la présentation d’un rapport détaillé par une association de défense des droits humains. Ce document met en lumière des éléments troublants sur les événements survenus début octobre.
Le recours à des tirs à balles réelles a été massif et parfois aléatoire.
Cette phrase, extraite du rapport, résume les préoccupations majeures. Les forces de l’ordre auraient utilisé des munitions létales dans un contexte où la situation, bien que tendue, pose question sur la proportionnalité de la réponse.
Que S’est-Il Passé à Lqliaâ Cette Nuit-Là ?
Retour sur les faits. Début octobre, dans la localité de Lqliaâ, des violences éclatent en marge d’un mouvement pacifique porté par un collectif de jeunes. Ce groupe, connu sous le nom de GenZ 212, milite pour une amélioration significative des systèmes d’éducation et de santé au Maroc.
Selon les autorités, les trois hommes ont été tués alors qu’un groupe tentait de prendre d’assaut une brigade de gendarmerie. Les familles, elles, affirment que leurs fils n’étaient pas impliqués dans ces actes de violence ou de vandalisme.
Le rapport de l’association précise un détail crucial : les victimes auraient été touchées à plus de 100 mètres du poste de gendarmerie. Cela contredit l’idée d’une menace immédiate et directe contre les forces de l’ordre.
Des images de vidéosurveillance diffusées officiellement montrent des jeunes cagoulés, armés de barres de fer et de pavés, essayant d’arracher une grille. Les gendarmes utilisent d’abord du gaz lacrymogène, puis font face à des incendies de bennes à ordures et de pneus.
Mais la question reste : ces actions justifiaient-elles l’usage d’armes à feu ? Le parquet évoque la légitime défense, affirmant que des individus tentaient de s’emparer d’armes et de munitions après des tirs de sommation.
Le Mouvement GenZ 212 : Des Revendications Légitimes
GenZ 212 n’est pas né de nulle part. Ce collectif rassemble une jeunesse marocaine frustrée par des dysfonctionnements persistants dans des secteurs essentiels. L’éducation et la santé publiques sont au cœur de leurs doléances.
Les manifestations, initialement pacifiques, ont connu une escalade dans certaines localités. Pourtant, le mouvement insiste sur son caractère non violent dans sa majorité. Après des semaines d’accalmie, il a appelé à de nouvelles mobilisations mercredi dans plusieurs villes.
Parmi les demandes actuelles : la libération des personnes incarcérées lors des rassemblements précédents. Ces détentions massives soulèvent des interrogations sur la liberté d’expression et de manifestation.
Les chiffres des poursuites judiciaires :
- Plus de 2 400 personnes concernées
- Dont plus de 1 400 placées en détention
- En lien avec les manifestations ou les violences associées
Ces nombres impressionnants illustrent l’ampleur de la réponse judiciaire. Beaucoup y voient une forme de répression disproportionnée face à des revendications sociales légitimes.
Les Familles Contre la Version Officielle
Pour les proches des victimes, l’histoire racontée par les autorités ne colle pas. Leurs fils, disent-ils, n’avaient rien à voir avec les assaillants cagoulés visibles sur les vidéos. Ils étaient simplement là, au mauvais endroit, au mauvais moment.
Cette divergence entre versions officielles et témoignages familiaux crée un climat de défiance. L’association de droits humains appuie cette demande d’enquête indépendante pour établir les faits de manière incontestable.
Dans un pays où les questions de droits humains sont sensibles, cette affaire pourrait marquer un tournant. Elle met en lumière les tensions entre maintien de l’ordre et respect des libertés fondamentales.
Une Société en Quête de Réponses
Les rassemblements quasi quotidiens entre fin septembre et début octobre ont mobilisé une partie de la jeunesse. Aujourd’hui essoufflés, ils pourraient reprendre avec une vigueur nouvelle face à ces décès non élucidés.
La société marocaine observe, attend. Les familles, elles, ne lâchent rien. Leur combat pour la vérité dépasse le cadre personnel ; il touche à des enjeux plus larges de justice et d’équité.
Chaque appel à manifestation ravive le débat : comment concilier sécurité publique et droit de protester ? Comment éviter que des revendications pacifiques ne dégénèrent en tragédies ?
Ils appellent également à l’ouverture d’une enquête pour faire toute la lumière sur ces événements tragiques.
Ces mots résument l’essence de leur lutte. Une enquête transparente pourrait apaiser les tensions ou, au contraire, révéler des dysfonctionnements profonds.
Perspectives et Enjeux pour l’Avenir
Le mouvement GenZ 212, malgré les obstacles, continue de porter ses revendications. Éducation de qualité, santé accessible : des demandes basiques dans une démocratie moderne.
Les événements de Lqliaâ servent de catalyseur. Ils rappellent que derrière les statistiques de poursuites judiciaires, il y a des vies brisées, des familles en deuil.
La reprise des appels à manifester montre que le sujet reste brûlant. La jeunesse ne semble pas prête à abandonner ses aspirations légitimes.
Dans ce contexte, la réponse des autorités sera scrutée. Une enquête sérieuse pourrait restaurer une partie de la confiance. À l’inverse, un silence prolongé risquerait d’alimenter la frustration.
Cette affaire illustre les défis auxquels fait face le Maroc contemporain : moderniser les services publics tout en gérant les contestations sociales avec mesure.
Les familles des trois victimes incarnent aujourd’hui cette quête de vérité. Leur détermination force le respect et invite à la réflexion collective.
Alors que de nouvelles manifestations sont annoncées, l’issue de cette histoire reste incertaine. Une chose est sûre : le souvenir d’Abdelhakim, Abdessamad et Mohamed continuera d’alimenter le débat sur la justice et les droits au Maroc.
La société civile, les associations, les citoyens ordinaires : tous attendent des réponses. Car au-delà du drame personnel, c’est la crédibilité des institutions qui est en jeu.
Espérons que la lumière sera faite, non seulement pour honorer la mémoire des disparus, mais aussi pour construire un avenir où de tels événements ne se reproduisent plus.
Cette affaire rappelle l’importance d’un dialogue constant entre pouvoirs publics et jeunesse. Les revendications pour une meilleure éducation et santé méritent d’être entendues et traitées avec sérieux.
En attendant, les familles poursuivent leur combat. Un combat pour la vérité, pour la justice, pour que plus jamais des manifestations ne se soldent par des pertes humaines inutiles.
Le Maroc, pays riche de sa jeunesse dynamique, se trouve à un carrefour. Les choix faits aujourd’hui détermineront beaucoup pour demain.









