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Viol à Nantes : L’excuse de minorité en question au procès

En juin, la cour d'assises des mineurs de Nantes jugera deux hommes pour le viol d'une femme en 2022. L'excuse de minorité, sujet sensible, sera examinée pour l'un d'eux. Retour sur une affaire qui avait secoué la ville.

Fin septembre 2022, Nantes était secouée par une série de faits divers, dont le viol d’une femme de 40 ans sur l’île de Nantes. Plus d’un an et demi après, l’heure du procès est arrivée. Du 4 au 7 juin, deux hommes de nationalité soudanaise, âgés de 17 et 27 ans au moment des faits, comparaîtront devant la cour d’assises des mineurs pour répondre de l’accusation de viol en réunion.

Le déroulé des faits

Selon les éléments de l’enquête, le 24 septembre vers 5h du matin, la victime avait demandé du feu aux deux individus pour s’allumer une cigarette. Après un premier refus, ils étaient revenus vers elle pour l’agresser et lui dérober des effets personnels, avant de la dénuder pour la violer. Malgré le fait qu’elle se soit débattue, il aura fallu l’intervention de la police, alertée par une riveraine, pour mettre fin au calvaire.

Le bilan était lourd pour la quadragénaire : 10 jours d’ITT (incapacité totale de travail) et des traces de violences sur tout le corps. Le procureur de la République avait rappelé lors d’un point presse que les coupables présumés risquaient jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle.

Une victime éprouvée

Près de deux ans après les faits, la victime reste très marquée et peine à se reconstruire. Si l’un des suspects avait nié en garde à vue et l’autre affirmé avoir tenté d’empêcher les violences, les images de vidéosurveillance avaient permis de confondre leur version. Placés en détention provisoire, leur position aurait depuis évolué vers une reconnaissance globale, bien qu’encore ambivalente, des faits reprochés.

L’alcoolisation massive rend les souvenirs flous, mais globalement, il y a une reconnaissance des faits.

Maître Aurélien Ferrand, avocat de l’accusé de 27 ans

La question de l’excuse de minorité

Si le procès devrait se tenir normalement pour l’homme de 27 ans, la situation est plus complexe pour son comparse qui avait 17 ans lors des faits. Sa minorité étant établie, la cour d’assises devra se pencher sur l’épineuse question de l’excuse de minorité. Un sujet remis sur la table par le gouvernement mi-avril après l’affaire Shemseddine.

Lorsqu’elle est retenue, généralement dans des cas très rares et précis entre 16 et 18 ans, l’excuse de minorité peut réduire la peine de moitié. L’avocate de l’accusé mineur, qui affirme que son client reconnaît les faits, insiste sur son jeune âge et son parcours chaotique :

Il était très jeune et venait d’arriver en France, avec un parcours migratoire compliqué. Il a vécu toute sa vie dans un pays en guerre avec ce qu’on peut imaginer comme horreurs.

Maître Marianne Vitter, avocate de l’accusé mineur

Des parcours tourmentés

Les avocats des deux accusés mettent en avant leurs vies difficiles, entre guerre, exil et traumatismes. Me Ferrand évoque des passages de son client de 27 ans dans des camps de prisonniers en Syrie, ponctués de tortures et d’agressions sexuelles. Tout en rappelant qu’il était en voie d’intégration en France au moment des faits.

Pour sa consœur Me Vitter, le procès à huis clos permettra de prendre du recul face à un contexte médiatique tendu autour des questions d’insécurité à Nantes, afin que son client mineur ne “paye pas pour toute la délinquance” et que chacun soit jugé à la lumière de son propre parcours.

Une affaire symptomatique

Cette affaire avait déclenché une vive émotion à Nantes, certains y voyant le reflet d’une insécurité grandissante. Une marche contre la délinquance avait rassemblé plus d’un millier de personnes début octobre 2022. Mais pour l’avocate de la victime, Me Bouillon, pas question d’amalgame :

Elle clame son attachement profond et indéfectible aux valeurs humanistes que sont l’accueil de celles et ceux qui cherchent refuge et l’ouverture aux autres. Ce qu’elle a subi et qui l’a perpétré n’y change rien. Elle rejette l’amalgame facile et erroné fait entre immigration et délinquance.

Communiqué de Me Bouillon au nom de la victime

Et de conclure : “Ce qu’elle a subi, comme tant d’autres, n’est rien de plus que de la violence exercée par des hommes sur des femmes”. Un procès qui s’annonce donc suivi, avec en filigrane des questions de société brûlantes : intégration, délinquance, violences faites aux femmes. Mais avant tout, une quête de vérité et de justice pour une victime brisée.

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