Imaginez : vous avez marqué des millions de Français avec un jeu complètement déjanté, des bonshommes en mousse et des « Aouuuh ! » qui résonnent encore dans les mémoires. Vingt-cinq ans après, on ressuscite votre émission et elle cartonne à nouveau. Vous devriez être aux anges, non ? Eh bien Vincent Lagaf’, lui, regarde tout ça avec un mélange de fierté… et de lucidité bien trempée.
Quand Lagaf’ parle, la télé écoute
À 65 ans, l’ancien roi du Bigdil n’a plus rien à prouver. Sept 7 d’Or, des disques de platine, un come-back couronné Meilleur Retour 2025… et pourtant, il a choisi la tranquillité de RMC Story plutôt que la pression des grandes chaînes. Moins de coups de fil à 8 h du matin pour commenter les audiences, plus de liberté, une ambiance « artisanale ». Il le dit lui-même : il respire enfin.
Mais impossible de couper totalement avec la télé. Quand on lui annonce que le Bigdil spécial diffusé l’an dernier a fédéré près de 30 millions de téléspectateurs en cumulé, il tombe des nues. « Je n’avais pas du tout connaissance de ces chiffres », avoue-t-il, avant d’ajouter avec son franc-parler habituel : « Ça fait toujours plaisir à entendre ! »
Les jeux cultes reviennent… mais à quel prix ?
Ces dernières années, la télévision française vit une véritable vague rétro. Le Juste Prix, Le Maillon Faible, Une Famille en Or… les formats que l’on croyait enterrés refont surface. Une bonne nouvelle pour les nostalgiques ? Oui. Mais Vincent Lagaf’ pose une condition sine qua non : il faut les bonnes personnes aux commandes.
« C’est une bonne chose ! Encore faut-il qu’on confie ces programmes à de bons animateurs. »
Et là, ça se corse. Parce que reprendre un jeu qui a été incarné pendant des années par une figure emblématique, c’est un peu comme essayer de remplacer Johnny sur « Allumer le feu ». Techniquement possible. Émotionnellement, presque mission impossible.
« Ils ne sont peut-être juste pas à leur place »
Attention, Lagaf’ ne tire sur personne en particulier. Il n’a cité aucun nom (et il ne le fera probablement jamais). Mais sa phrase claque : certains animateurs, aussi talentueux soient-ils ailleurs, ne collent tout simplement pas au format qu’on leur confie.
Pourquoi ? Parce qu’un jeu télé, ce n’est pas qu’une mécanique. C’est une énergie, une voix, un rythme, une complicité avec le public qui s’est construite pendant des années. Quand vous arrivez après une icône, vous portez le poids du souvenir collectif. Chaque intonation, chaque blague, chaque silence est comparé. Et la comparaison est rarement flatteuse.
Lui-même le sait mieux que quiconque. Quand il a repris le Bigdil sur RMC Story, il n’a pas eu à « succéder » à quelqu’un : il était l’original. Le public est venu pour lui, pas pour une pale copie. Résultat ? Les audiences grimpent, les téléspectateurs retrouvent leurs réflexes des années 2000, et l’émission s’installe durablement le jeudi en prime.
Le piège du casting parfait
Dans les couloirs des chaînes, on cherche souvent la « nouvelle star » polyvalente : jeune, charismatique, bankable sur les réseaux, capable de tout animer. Sauf que tout n’est pas interchangeable. Un animateur qui excelle dans le divertissement familial peut se casser les dents sur un quiz corrosif. Un présentateur de télé-réalité peut sembler hors sujet sur un jeu rétro.
Lagaf’ ne dit pas que ces animateurs sont mauvais. Il dit qu’ils ne sont pas à leur place. Nuance de taille. Un excellent comédien peut être un piètre chanteur, et inversement. Pourquoi exigerait-on d’un animateur qu’il soit parfait partout ?
Et si on arrêtait de tout recycler à la va-vite ?
Le retour des jeux cultes répond à une demande réelle : dans une époque anxiogène, on a besoin de madeleines de Proust télévisuelles. Mais ressusciter un format juste parce qu’il a marché il y a vingt ans, sans réfléchir à l’ADN même de l’émission et à la personnalité qui doit la porter, c’est prendre le risque de décevoir.
On l’a vu par le passé : certaines reprises ont été des succès éclatants (coucou N’oubliez pas les paroles ! avec Nagui). D’autres ont fait pschitt en quelques semaines. La différence ? L’adéquation parfaite entre l’animateur et le concept.
Lagaf’, un exemple à suivre ?
En choisissant RMC Story, Vincent Lagaf’ a fait un pari osé : quitter le confort (et la pression) des grandes chaînes pour une chaîne de la TNT. Résultat ? Il anime son Bigdil comme il l’entend, sans contrainte créative folle, avec une équipe qui le connaît par cœur. Et ça marche.
Preuve que parfois, moins de moyens et plus de liberté valent toutes les superproductions du monde. Et surtout, preuve qu’on peut revenir après des années d’absence en restant soi-même, sans chercher à plaire à tout prix aux 15-34 ans ou aux algorithmes.
Ce qu’on retient de la leçon Lagaf’
- Le public n’est pas dupe : il sait reconnaître l’authenticité.
- Reprendre un jeu culte sans l’animateur « historique » (ou sans quelqu’un qui colle parfaitement au rôle) est un pari risqué.
- Être « bon » ne suffit pas ; il faut être le bon.
- Parfois, il vaut mieux créer du neuf que recycler du vieux à la sauvette.
Vincent Lagaf’ n’a peut-être plus envie de courir après les audiences records de TF1, mais il garde un regard affûté sur le petit écran. Et quand il parle, on aurait tort de ne pas l’écouter. Parce qu’après quarante-cinq ans de métier, il sait de quoi il parle.
Alors la prochaine fois qu’une chaîne annoncera le grand retour d’un jeu mythique avec un casting surprise, posez-vous la question : l’animateur choisi, est-il vraiment à sa place ? Lagaf’, lui, a déjà la réponse.
« Aussi talentueux soient-ils, ce n’est pas facile de reprendre les rênes d’un programme qui a été incarné pendant des années par quelqu’un d’autre. »
– Vincent Lagaf’
Une phrase qui résonne longtemps après la lecture. Et qui, peut-être, fera réfléchir quelques directeurs de programmes avant de signer le prochain contrat XXL.









