Imaginez-vous réveillé par un appel téléphonique qui change votre vie à jamais. C’est ce qui est arrivé à Viktor Kyrylov, un jeune acteur ukrainien, le 24 février 2022. Ce jour-là, sa mère, la voix tremblante, lui annonce que la guerre a éclaté en Ukraine. À seulement 20 ans, Viktor, alors étudiant à Moscou, voit son monde s’effondrer. Comment continuer à jouer La Mouette de Tchekhov quand les bombes tombent sur son pays natal ? Cet article retrace le parcours bouleversant de cet artiste, de son exil forcé à son épanouissement sur les scènes françaises, un témoignage d’espoir et de résilience.
De l’Ukraine à la France : Un Voyage semé d’Embûches
Originaire d’Odessa, Viktor Kyrylov avait tout pour réussir. À 20 ans, il étudiait l’art dramatique dans l’une des écoles les plus prestigieuses de Russie, le Gitis. Mais la guerre a tout bouleversé. Le 24 février 2022, alors qu’il se préparait pour la première de La Mouette, sa mère lui apprend l’invasion de l’Ukraine. Les mots de Tchekhov, qu’il répétait avec passion, prennent soudain une résonance tragique.
Face à ce chaos, Viktor se retrouve déchiré. Doit-il rester à Moscou, où il a construit sa vie d’étudiant ? Doit-il rentrer en Ukraine, au risque de s’enrôler dans un conflit qu’il ne comprend pas pleinement ? Sa mère, avec une sagesse émouvante, tranche pour lui : « Ce n’est pas l’Ukraine qui t’a porté pendant neuf mois, c’est moi… Je ne t’ai pas fait pour que tu ailles à la guerre. » Ces mots, lourds de sens, le poussent à faire un choix radical : quitter la Russie.
Un moment clé : Viktor, accompagné d’un ami, décide de fuir la Russie via l’Estonie. Le 24 mars 2022, à 23h15, il pose le pied à la gare routière de Bercy, à Paris, avec un mélange d’espoir et d’incertitude.
Le Théâtre comme Refuge
Arrivé en France, Viktor n’a qu’un rêve : continuer à jouer. Le théâtre devient son refuge, une façon de donner un sens à son exil. Mais un obstacle de taille se dresse devant lui : la langue française. En 2022, il ne parle pas un mot de français. Pourtant, avec une détermination hors du commun, il se lance dans l’apprentissage de cette nouvelle langue, qu’il maîtrise aujourd’hui avec une aisance impressionnante.
Son talent ne passe pas inaperçu. Le Théâtre de Belleville, un lieu emblématique de la scène parisienne, lui ouvre ses portes. Puis, c’est Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française, qui remarque ce jeune prodige. « Il est lumineux et fort », déclare Ruf, admiratif de la présence scénique de Viktor. Ce soutien marque un tournant : Viktor intègre le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, puis l’Académie du français, un exploit pour quelqu’un arrivé en France il y a à peine trois ans.
« Il est lumineux et fort. »
Éric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française
Un Spectacle Autobiographique : Maintenant je n’écris plus qu’en français
Sur la scène du Théâtre de Belleville, Viktor partage son histoire dans un spectacle poignant intitulé Maintenant je n’écris plus qu’en français. Ce monologue, inspiré par l’écrivain et dramaturge Wajdi Mouawad, retrace son parcours, de l’Ukraine à la France, en passant par la Russie. Sans pathos, il évoque les dilemmes qui l’ont tourmenté : sa passion pour la culture russe, son attachement à ses racines ukrainiennes, et le poids de la culpabilité face à la guerre.
Le spectacle est une thérapie autant qu’une performance. En racontant ses doutes, Viktor transforme sa douleur en art. Il décrit avec émotion son arrivée à Paris, ses premiers pas dans une ville inconnue, et son rêve de jouer sur les grandes scènes françaises. Son récit, porté par une présence scénique captivante, touche le public en plein cœur.
- Une histoire universelle : Le spectacle explore les thèmes de l’exil, de l’identité et de la résilience.
- Un défi linguistique : Viktor a appris le français en un temps record pour écrire et jouer ce spectacle.
- Un soutien prestigieux : Le Théâtre de Belleville et la Comédie-Française ont cru en son talent.
La Guerre et l’Identité : Un Conflit Intérieur
Le parcours de Viktor n’est pas seulement celui d’un exil géographique, mais aussi d’une quête d’identité. Élevé dans la culture ukrainienne, formé dans la culture russe, il se retrouve à cheval entre deux mondes en guerre. « Il y a de quoi devenir schizophrène », confie-t-il sur scène, la tête entre les mains. Ce tiraillement, il le transforme en une réflexion profonde sur ce que signifie appartenir à une nation, une culture, une langue.
Choisir de parler français, pour Viktor, est un acte symbolique. C’est une façon de se réinventer, de se libérer des chaînes du conflit. En abandonnant le russe, il ne renie pas son passé, mais il affirme son désir de construire un avenir nouveau. Ce choix, courageux, est au cœur de son spectacle et de son message.
Étape | Défi | Solution |
---|---|---|
Invasion de l’Ukraine | Conflit d’identité et insécurité | Fuite vers l’Estonie, puis la France |
Arrivée en France | Barrière linguistique | Apprentissage intensif du français |
Intégration artistique | Reconnaissance du talent | Soutien du Théâtre de Belleville et de la Comédie-Française |
Le Rôle de la Comédie-Française
La Comédie-Française, institution emblématique du théâtre français, a joué un rôle clé dans l’ascension de Viktor. Éric Ruf, son administrateur général, et Laurent Muhleisen, conseiller littéraire, ont vu en lui un talent brut, une étoile montante. Leur soutien ne s’est pas limité à des mots : ils l’ont accompagné dans son intégration au Conservatoire et à l’Académie du français, lui offrant une scène pour s’exprimer.
Ce parrainage illustre la capacité du théâtre à transcender les frontières. Pour Viktor, la Comédie-Française représente plus qu’une institution : c’est un symbole d’accueil, un lieu où il a pu poser ses valises, au propre comme au figuré. Grâce à cet appui, il a pu transformer son exil en une opportunité, prouvant que l’art peut être un pont entre les cultures.
Une Inspiration pour Tous
L’histoire de Viktor Kyrylov est celle d’une résilience hors du commun. À 20 ans, il a quitté son pays, appris une nouvelle langue, et conquis les scènes parisiennes. Son spectacle Maintenant je n’écris plus qu’en français est plus qu’une performance : c’est un cri du cœur, une ode à la liberté et à la création. Il montre que, même dans les moments les plus sombres, l’art peut offrir une lueur d’espoir.
En regardant Viktor sur scène, on ne peut s’empêcher d’admirer sa force. Il a transformé la douleur de l’exil en une œuvre universelle, touchant des publics de tous horizons. Son histoire, digne d’un roman, mériterait d’être portée à l’écrit, comme l’a suggéré Éric Ruf. En attendant, elle continue d’inspirer tous ceux qui croisent son chemin.
Pourquoi voir le spectacle ?
- Une histoire vraie, émouvante et universelle.
- Une performance d’acteur captivante.
- Un message d’espoir face à l’adversité.
Un Avenir Prometteur
À seulement 23 ans, Viktor Kyrylov a déjà parcouru un chemin extraordinaire. Son intégration à la scène française, son apprentissage fulgurant du français, et son talent brut en font une figure à suivre. Le Théâtre de Belleville, où il se produit jusqu’au 29 juin, est le théâtre de ses débuts, mais nul doute que d’autres scènes prestigieuses l’attendent.
Son histoire rappelle que l’art peut être un refuge, un moyen de surmonter les épreuves. Elle montre aussi la puissance de la volonté humaine face à l’adversité. Viktor n’est pas seulement un acteur : il est un symbole de résilience, un pont entre les cultures, et une inspiration pour tous ceux qui rêvent de se réinventer.
En conclusion, le parcours de Viktor Kyrylov est une leçon de courage. De l’Ukraine déchirée par la guerre aux planches parisiennes, il a su transformer son exil en une ode à la vie. Son spectacle, Maintenant je n’écris plus qu’en français, est une invitation à découvrir une histoire universelle, celle d’un homme qui a choisi l’art pour renaître.