Le Vietnam frappe un grand coup dans sa lutte implacable contre le trafic de drogue. Dans un procès éclair, un tribunal de Ho Chi Minh-Ville vient de condamner à la peine capitale 27 membres d’un vaste réseau criminel. Leur crime : avoir fait transiter plus de 600 kilos de stupéfiants du Cambodge vers le Vietnam entre 2018 et 2022. Une affaire retentissante qui met en lumière l’extrême sévérité des lois antidrogue vietnamiennes.
Un réseau tentaculaire démantelé
Selon les médias d’État, le réseau démantelé était particulièrement sophistiqué et bien organisé. Opérant depuis le Cambodge voisin, il aurait réussi à introduire clandestinement au Vietnam pas moins de 626 kilos de drogue, dont de l’héroïne, de la kétamine et de la méthamphétamine. Un trafic estimé à plus de 50 millions de dollars.
Pour brouiller les pistes, les trafiquants utilisaient des moyens de communication cryptés comme l’application Signal et des numéros de téléphone étrangers. La drogue était dissimulée dans des véhicules ou à l’intérieur de blocs-moteurs. Au total, 129 de ces « mules mécaniques » auraient ainsi traversé la frontière.
Tolérance zéro contre la drogue
Cette condamnation en masse illustre la ligne dure adoptée par les autorités vietnamiennes dans la répression du trafic de stupéfiants. Le pays dispose en effet de l’une des législations antidrogue les plus sévères au monde, la peine de mort pouvant être requise à partir de certains seuils.
Dans ses attendus, le tribunal a souligné la gravité de l’affaire, qualifiée de trafic transfrontalier « particulièrement grave » et mené sur une longue période. Les 8 prévenus épargnés par la peine capitale ont tout de même écopé de peines de 20 ans de prison à la perpétuité.
Un procès éclair qui soulève des questions
Si la sévérité du verdict ne fait guère de doute, la rapidité de la procédure interpelle. Selon une source proche du dossier, le procès n’aurait en effet duré que 4 jours pour juger pas moins de 35 prévenus. De quoi soulever des interrogations sur le respect des droits de la défense dans ce type d’affaires.
Au Vietnam, les procès dans les affaires de drogue sont souvent expéditifs. Il est difficile pour les avocats de faire valoir les arguments de la défense.
Un juriste vietnamien sous couvert d’anonymat
Cette affaire soulève aussi la question plus large de l’efficacité de la peine de mort dans la lutte contre le trafic de drogue. Si le Vietnam y a recours massivement, avec des dizaines d’exécutions chaque année, le pays reste confronté à un trafic endémique, en particulier à ses frontières.
Le Sud-Est asiatique, plaque tournante de la drogue
Plus largement, c’est toute la région du Sud-Est asiatique qui est confrontée à une explosion du trafic de stupéfiants ces dernières années. Le « Triangle d’Or », zone de non-droit aux confins de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande, est devenu l’un des premiers centres de production mondiale de méthamphétamine.
Face à ce fléau, les pays de la région ont pour la plupart choisi l’option répressive, multipliant les condamnations à mort et les exécutions. Une stratégie dont l’efficacité reste pourtant à démontrer, le trafic et la consommation de drogues ne cessant de croître dans la zone.
La peine de mort n’a jamais empêché les trafiquants de continuer leurs activités. Il faut une approche plus globale, mêlant prévention, réduction des risques et coopération internationale.
Un expert régional des questions de drogue
Le procès fleuve de Ho Chi Minh-Ville risque en tout cas de ne pas être le dernier du genre. Selon des sources policières, plusieurs autres réseaux de grande ampleur seraient actuellement dans le collimateur des autorités. De quoi présager de nouveaux verdicts sanglants dans un futur proche, dans un Vietnam qui ne semble pas prêt à remettre en cause sa doctrine du « tout répressif ». Une ligne dure lourde de conséquences pour des dizaines de condamnés.