C’est un séisme politique qui se profile au Sénégal. Ce jeudi, la commission nationale de recensement des votes doit publier les résultats provisoires des élections législatives de dimanche dernier. Des chiffres très attendus mais qui ne devraient être qu’une formalité tant la victoire du parti au pouvoir, le Pastef, semble écrasante.
Un “plébiscite” pour le Pastef et Ousmane Sonko
Déjà qualifiés de “plébiscite” par le Premier ministre Ousmane Sonko, les résultats départementaux publiés mardi laissaient en effet peu de place au suspense. Avec potentiellement plus des trois quarts des 165 sièges de l’Assemblée nationale, le Pastef s’apprête à décrocher une majorité absolue inédite dans l’histoire du pays. Une victoire qui vient confirmer celle de Bassirou Diomaye Faye, poulain de Sonko, à la présidentielle de mars.
Pour le chef du gouvernement, qui n’avait pu se présenter lui-même en raison de l’invalidation de sa candidature, ce nouveau “plébiscite” est un message clair envoyé par les Sénégalais. Un appel au changement porté par ce mouvement qui se revendique d’un “panafricanisme de gauche”.
Vers une “transformation systémique” du pays?
Fort de cette légitimité renforcée, l’exécutif compte bien mettre en œuvre “une transformation systémique cohérente et pragmatique du Sénégal”, selon les mots du président Faye. Parmi les priorités : les “urgences économiques et sociales” comme la cherté de la vie et le chômage, mais aussi la relance de secteurs clés comme l’agriculture, les mines ou les hydrocarbures.
Un agenda ambitieux dans un contexte particulièrement difficile pour le pays. Entre comptes publics dans le rouge, suspension de l’aide du FMI, dégradation de la note souveraine et projets bloqués, les défis s’accumulent pour le nouveau pouvoir. Sans oublier la lancinante question migratoire, avec ces centaines de jeunes qui continuent chaque mois de fuir le pays en quête d’un avenir meilleur.
Maintenant, on attend de voir des actes concrets. Les gens ont voté pour le changement, il faut que ça se traduise dans leur vie de tous les jours.
Un Sénégalais interrogé par l’AFP
La fin annoncée de la cohabitation
Cette large victoire devrait en tout cas mettre fin à plusieurs mois de cohabitation houleuse entre l’exécutif et le Parlement, issu des législatives de 2022 et encore dominé par l’ancienne majorité. Une situation intenable qui avait poussé le président Faye à dissoudre l’Assemblée en septembre dernier.
Avec le renversement des équilibres, le Pastef aura désormais les coudées franches pour mener sa politique. Mais il devra aussi assumer seul la responsabilité de son bilan. Un pari risqué pour ce jeune mouvement porté au pouvoir par une population en quête de renouveau, dont plus de la moitié a moins de 19 ans.
Des résultats définitifs attendus sous 5 jours
Si aucune contestation n’est formulée, les résultats proclamés par la commission nationale deviendront définitifs sous 5 jours après validation par le Conseil constitutionnel. Un délai qui semble une formalité au vu de l’écart creusé par le parti présidentiel. Le suspense est donc quasiment levé, ne reste plus qu’à mesurer l’ampleur exacte du raz-de-marée rose.
La balle est maintenant dans le camp d’Ousmane Sonko et de son équipe. Après des années d’opposition frontale, l’ancien inspecteur des impôts devenu tribun devra montrer qu’il peut incarner une alternative crédible. Et surtout tenir ses promesses de changement et de justice sociale. Un immense défi dans un pays en crise, miné par les inégalités et la corruption.
Mais le Pastef peut compter sur une jeunesse mobilisée et en attente de résultats concrets. Celle-là même qui a permis son ascension fulgurante, de mouvement marginal à première force politique du pays en quelques années à peine. Une lame de fond sur laquelle le pouvoir en place espère surfer pour transformer en profondeur le visage du Sénégal.