D’après les résultats annoncés par la Commission électorale du Somaliland (NEC), Abdirahman Mohamed Abdullahi, plus connu sous le nom de « Irro », a remporté les élections présidentielles de cette région sécessionniste de la Somalie avec une confortable avance. L’ancien diplomate de 68 ans a obtenu 63,92% des suffrages, devançant largement le président sortant Muse Bihi (34,81%) et le leader du Parti de la justice sociale (UCID) Faysal Ali Warabe (0,74%).
Territoire de 175 000 km2 situé au nord-ouest de la Somalie, le Somaliland a unilatéralement déclaré son indépendance en 1991 mais n’est reconnu par aucun pays. Malgré son isolement politique et économique, il fonctionne de manière autonome avec ses propres monnaie, armée et police. Sa situation stratégique à l’entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, en fait un enjeu géopolitique majeur dans la région.
Le Somaliland au cœur des tensions régionales
Depuis dix mois, le Somaliland est au centre d’une crise diplomatique dans la Corne de l’Afrique suite à la signature d’un protocole d’accord avec l’Éthiopie voisine. Bien que le contenu exact de cet accord n’ait pas été rendu public, des sources proches du dossier indiquent qu’il prévoirait la location de 20 kilomètres de côtes à l’Éthiopie en échange d’une reconnaissance formelle de l’indépendance du Somaliland.
Cette initiative a été vivement dénoncée par le gouvernement somalien qui y voit une atteinte à sa souveraineté. En réaction, Mogadiscio s’est rapproché militairement de l’Égypte, grand rival régional de l’Éthiopie, faisant craindre une escalade des tensions dans une région déjà fragilisée par de multiples conflits.
Les défis du nouveau président
Ancien ambassadeur en URSS et en Finlande, et président de la Chambre des représentants du Somaliland de 2005 à 2017, Abdirahman Mohamed Abdullahi aura fort à faire pour relever les nombreux défis auxquels est confronté le territoire. Outre les difficultés économiques (inflation, chômage, pauvreté), il devra s’atteler à renforcer l’unité et la cohésion d’un Somaliland fragilisé par les divisions claniques.
Un des dossiers brûlants concerne la région disputée de Sool, dans le sud-est du territoire, où les forces somalilandaises se sont retirées en août 2023 après des mois de violents combats contre une milice pro-Mogadiscio. Ces affrontements ont fait au moins 210 morts et près de 200 000 déplacés, illustrant la fragilité de la situation sécuritaire.
Vers une reconnaissance internationale ?
Si le nouveau président ne s’oppose pas sur le principe à l’accord signé avec l’Éthiopie, dont il dit ne pas connaître le contenu exact, il aura la lourde tâche de clarifier les termes de ce partenariat stratégique tout en ménageant les susceptibilités de Mogadiscio et de la communauté internationale. L’enjeu pour le Somaliland est de capitaliser sur sa stabilité et sa position géostratégique pour obtenir une reconnaissance internationale qui lui échappe depuis plus de trois décennies.
Reste à savoir si Abdirahman Mohamed Abdullahi, fort de sa légitimité électorale, saura faire preuve du doigté nécessaire pour avancer sur ce dossier sensible tout en préservant les fragiles équilibres internes et régionaux. Les prochains mois seront décisifs pour l’avenir du Somaliland et la stabilité de la Corne de l’Afrique toute entière.