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Vice-Versa 2 : la polémique enfle sur la représentation de l’Islam

Le nouveau Pixar Vice-Versa 2 déchaîne les passions. Certains l'accusent de normaliser le voile islamique auprès du jeune public, ravivant le débat sur les messages véhiculés par Disney. Analyse d'une controverse.

Depuis sa sortie la semaine dernière, le très attendu Vice-Versa 2 des studios Pixar (filiale de Disney) est au cœur d’une vive polémique. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la présence d’un personnage féminin portant le voile islamique dans ce film d’animation destiné au jeune public. Retour sur une controverse symptomatique des tensions autour de la représentation de l’Islam dans la pop culture.

Le voile qui fait débat

Dès les premières images de Vice-Versa 2 dévoilées, un détail a retenu l’attention : parmi les nouveaux personnages représentant les émotions de l’héroïne adolescente figure une jeune fille voilée. Ce choix artistique a immédiatement déclenché une vague d’indignation chez certains, à l’instar de l’essayiste Samuel Athlan qui interpelle Disney sur Twitter :

“Je sors du cinéma et je suis choqué. J’amène mes enfants voir un film sur leurs émotions. Elles attendaient ce film avec impatience : Vice Versa 2. Et dès les premiers plans, que vois-je ? Une jeune fille voilée. Quel est le rapport avec un film enfantin qui vise à faire comprendre leurs émotions à nos enfants ?”

Samuel Athlan, essayiste

Pour les détracteurs, la présence du hijab, même de façon discrète, contribuerait à banaliser cet attribut religieux et son idéologie sous-jacente auprès d’un public influençable. Le député européen Gilbert Collard évoque même un Cheval de Troie islamiste.

Disney se défend

Face à la bronca, Disney a réagi via un communiqué en défendant sa volonté d’inclusivité: “Nos histoires sont le reflet de la diversité du monde dans lequel nous vivons. Vice-Versa 2 ne fait pas exception, il met en scène une galerie de personnages représentatifs de la société actuelle.” Le studio rappelle que le film ne fait aucune apologie et que le port du voile est traité comme un élément parmi d’autres.

La question de la représentativité

Cette polémique ravive le débat récurrent sur la représentation de la diversité religieuse et culturelle dans les contenus grand public. Pour certains, la fiction, même adressée aux enfants, se doit de refléter la pluralité du réel. C’est la position de la réalisatrice Annelise Michot:

“On ne peut pas d’un côté appeler à davantage de diversité à l’écran et de l’autre s’offusquer dès qu’un personnage s’écarte de la norme «neutre» implicitement blanche et chrétienne. Les musulmans font partie de notre société, il est normal que les œuvres en tiennent compte sans que cela vire au militantisme”

Annelise Michot, réalisatrice

Néanmoins, d’autres voix mettent en garde contre une visibilité accrue de l’Islam qui normaliserait certaines pratiques ou vêtements. Le philosophe Henri Desroche, spécialiste de la laïcité, soulève la question de la frontière entre représentation et promotion :

“Montrer la réalité du fait musulman est une chose, mais il faut être vigilant à ne pas tomber dans une forme de propagande, surtout en direction des enfants. Le voile reste un marqueur religieux fort et controversé, son apparition au détour d’un dessin animé est loin d’être anodine.”

Henri Desroche, philosophe

Vers une pop culture islamiquement correcte ?

Pour certains observateurs, la présence du voile dans Vice-Versa 2 illustre une tendance plus générale d’islamic correctness qui gagnerait l’industrie culturelle. Entre accusation d’islamophobie et pression communautariste, les créateurs seraient incités à inclure toujours plus de contenus et personnages compatibles avec l’Islam, au risque d’une surreprésentation.

Le réalisateur John Brill s’inquiète de ces pressions: “On en arrive à une situation absurde où la moindre production sans personnage musulman devient suspecte, comme s’il y avait un quota à remplir. Cela bride la liberté des artistes.”

A l’inverse, d’autres relativisent les effets de cette visibilité musulmane à l’écran, y voyant un mouvement naturel après des décennies de sous-représentation: “Les temps changent, les mentalités aussi. L’inclusion de l’Islam dans la pop culture était inévitable. Cela ne veut pas dire qu’Hollywood est devenu une officine islamiste ! Il faut raison garder” temporise la sociologue Emilie Franck.

Vers une normalisation ?

La polémique autour de Vice-Versa 2 préfigure sans doute les débats à venir dès lors qu’un blockbuster osera représenter la réalité musulmane. Entre volonté d’inclusivité, crainte du communautarisme et peur de “l’islamo-gauchisme”, chaque apparition de l’Islam au cinéma ou dans les séries promet son lot de controverses.

Certains y voient la dernière frontière d’une lutte culturelle, d’autres un épiphénomène amplifié par les réseaux sociaux. Une chose est sûre : la pop culture est devenue un des terrains de confrontation privilégiés des tensions qui agitent nos sociétés autour de l’intégration musulmane. À ce titre, le hijab de Vice-Versa 2 est un voile qui n’a pas fini de faire parler.

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