Face à la pénurie de logements sociaux et à l’allongement des délais d’attente pour les demandeurs, la question d’une réforme des règles d’attribution des HLM revient sur le devant de la scène. Partout en France, les élus locaux tirent la sonnette d’alarme et appellent à revoir en profondeur le système actuel. Leur principal cheval de bataille : mettre fin aux locations à vie pour permettre une meilleure rotation des logements.
Un parc HLM saturé, des demandeurs en attente
Aujourd’hui, plus de 10 millions de personnes vivent dans un logement social en France. Mais dans le même temps, 2,3 millions de ménages sont toujours en attente d’une attribution, un chiffre en constante augmentation ces dernières années. Les délais peuvent parfois atteindre plusieurs années, voire plus d’une décennie dans certaines zones tendues comme l’Île-de-France.
Cette situation s’explique en partie par l’insuffisance de l’offre face à la demande. Mais pour de nombreux élus locaux, c’est aussi et surtout le résultat d’un système d’attribution jugé obsolète et inéquitable, qui favorise les locations à vie au détriment de la rotation des occupants.
Des locataires qui restent, des demandeurs qui attendent
Concrètement, une fois entrés dans un logement social, les locataires peuvent y rester sans limitation de durée, même si leur situation personnelle ou professionnelle évolue. Résultat : 15% des locataires HLM vivraient dans un logement devenu surdimensionné par rapport à leurs besoins réels, privant ainsi d’autres demandeurs d’un accès au parc social.
Si les personnes restent en place alors qu’en fait, ils ont de l’espace, des pièces en plus, qu’ils avaient à une époque pour les enfants, des familles qui, eux, sont en attente parce qu’ils ont des enfants, ne peuvent pas occuper ces logements-là puisqu’ils sont déjà occupés.
Philippe Parnet, directeur général au sein des Résidences de l’Orléanais
Cette situation engendre un véritable sentiment d’injustice chez les demandeurs, à l’image de Pauline, mère célibataire de quatre enfants vivant dans un appartement trop exigu à Orléans. Malgré ses recherches actives, elle n’obtient aucune proposition de logement social adapté depuis cinq ans.
J’ai quatre enfants, deux chambres. On est très serrés. Je suis très surprise parce qu’on est en province quand même. Je ne pensais pas que l’attente serait si longue. Je ne dois pas être prioritaire avec quatre enfants.
Pauline, demandeuse de logement social
Réviser les règles d’attribution des HLM : une “petite révolution”
Pour remédier à cette situation, l’Association des Maires de France (AMF) plaide pour une révision en profondeur des règles d’attribution des logements sociaux. L’objectif : remettre du mouvement dans le parc HLM en favorisant les attributions aux ménages qui en ont le plus besoin, tout en accompagnant les locataires dont la situation a évolué vers d’autres solutions de logement.
On doit sortir de la logique du logement à vie, qui est une petite révolution. Évidemment, on ne va pas mettre dehors les gens du jour au lendemain et évidemment qu’on ne va pas sortir la dame âgée de son taquet du jour au lendemain. Mais il y a des moments où dans le parcours de vie, on doit se réinterroger sur l’adéquation entre la population des logements et puis leur adéquation réelle.
Charlotte Libert, maire (UDI) de Vincennes et coprésidente du groupe travail logement au sein de l’AMF
Concrètement, les élus proposent de réexaminer régulièrement la situation des locataires pour s’assurer que leur logement correspond toujours à leurs besoins. En cas d’évolution significative (départ des enfants, augmentation des revenus…), un accompagnement serait mis en place pour faciliter leur mobilité vers un logement plus adapté, dans le parc social ou privé.
Ils demandent également à avoir plus de pouvoir dans l’attribution des HLM sur leur territoire, aujourd’hui gérée de manière centralisée par les commissions d’attribution des bailleurs sociaux. L’idée : permettre une meilleure prise en compte des situations locales et des besoins des habitants.
Relancer la construction de logements sociaux
Mais pour les maires, la révision des critères d’attribution ne suffira pas à elle seule à résoudre la crise du logement social. Ils insistent également sur la nécessité de relancer massivement la construction de nouveaux HLM pour augmenter l’offre disponible.
Un véritable défi alors que les coûts de construction n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, fragilisant l’équilibre financier des opérations. Les élus demandent donc à l’État de renforcer les aides à la pierre pour soutenir les bailleurs sociaux et les collectivités dans leurs projets.
La réforme des attributions de logements sociaux s’annonce comme l’un des grands chantiers des prochains mois. Si le principe fait consensus, les modalités précises restent à définir. Comment évaluer objectivement les besoins des ménages ? Quels critères retenir pour prioriser les attributions ? Quel accompagnement proposer aux locataires dont la situation a évolué ? Autant de questions auxquelles le gouvernement et les acteurs du logement social vont devoir répondre. Avec un objectif partagé : rendre le logement abordable et accessible au plus grand nombre.