ActualitésPolitique

Vers une nouvelle ère politique au Sénégal après les législatives 2024 ?

Les élections législatives sénégalaises marquent un tournant. La nouvelle majorité promet rupture et justice sociale, mais le défi s'annonce de taille pour transformer en profondeur le pays...

Les élections législatives du 18 juin 2024 au Sénégal ont abouti à une victoire retentissante du parti au pouvoir, le PASTEF. Avec une majorité potentielle de trois quarts des sièges à l’Assemblée nationale, le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko se retrouvent avec les coudées franches pour mettre en œuvre leur programme de rupture et de justice sociale. Mais transformer le pays en profondeur s’annonce semé d’embûches, dans un contexte de fortes attentes de la population face aux défis socio-économiques.

Un budget 2025 sous contraintes

Première étape cruciale : le vote du budget 2025, qui a pris du retard. Si des parlementaires du PASTEF évoquent de premières mesures de rupture, ils tempèrent en rappelant la marge de manœuvre étroite liée à la dette héritée et aux engagements pris avec le FMI. L’objectif affiché est avant tout de rendre crédible la signature du Sénégal, en corrigeant des chiffres jugés manipulés par le passé.

La population pourrait donc devoir s’armer de patience avant de voir les promesses électorales se matérialiser dans son quotidien. D’autant que le gouvernement compte élargir l’assiette fiscale, ce qui pourrait peser sur le pouvoir d’achat à court terme.

Une Haute Cour de justice en suspens

Autre dossier brûlant : la mise en place de la Haute Cour de justice, seule habilitée à juger d’anciens dirigeants, avec la perspective de demander des comptes sur la gestion passée. Les députés ont un mois pour en élire les juges, mais des sources au sein du parti majoritaire relativisent l’urgence du sujet, assurant que ce n’est pas la priorité immédiate.

Abroger la loi d’amnistie, un pari risqué ?

La volonté affichée d’abroger la loi d’amnistie adoptée en mars 2024, perçue par beaucoup comme consacrant l’impunité, soulève aussi des interrogations. Faut-il prendre le risque de raviver les tensions dans un pays qui peine à tourner la page de trois années de confrontation ayant fait des dizaines de morts ? Le dilemme s’annonce cornélien pour le pouvoir.

Abroger l’élément de dénouement de la crise politique est-ce que ce n’est pas retourner à une situation de crise ?

Maurice Soudieck Dione, professeur de science politique

Réformer en profondeur les institutions

Sur le plan des réformes structurelles promises (révision constitutionnelle, refonte des codes du travail, du foncier, de la fiscalité…), les attentes sont immenses mais le calendrier reste flou. D’après des proches du pouvoir, les priorités seront définies prochainement par le chef de l’État et le Premier ministre. L’Assemblée nouvellement élue devra ensuite arrêter un agenda en conséquence.

Des « actions fortes » sont néanmoins espérées rapidement par certains observateurs pour marquer une première rupture. La revue en cours des contrats et accords noués par l’État avec des partenaires étrangers pourrait en donner le ton, à l’image de la non-reconduction de l’accord de pêche avec l’UE.

Après une séquence électorale qui a vu l’opposition laminée, le Sénégal entre donc dans une nouvelle ère. Au pouvoir, le défi est immense : répondre à une demande de changement profond sans décevoir une jeunesse impatiente, le tout avec des marges de manœuvre limitées. Les prochains mois seront déterminants pour jauger de la capacité de la nouvelle équipe à relever ce challenge d’un renouveau tant espéré que redouté.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.