Imaginez des milliers de personnes dans les rues de Caracas, drapeaux rouges à la main, criant leur refus d’une nouvelle ingérence étrangère. Hier, mardi, le Venezuela a vécu exactement cela : une démonstration de force populaire organisée par le pouvoir pour répondre aux dernières provocations américaines. Et quand on parle de provocations, on ne parle pas de simples déclarations.
Washington vient de franchir une nouvelle étape en classant le fameux « Cartel des Soleils » comme organisation terroriste. Dans le même temps, des navires de guerre croisent depuis des mois au large des côtes vénézuéliennes. Le message est clair : la pression monte, et elle monte vite.
Une marche pour dire non à l’intervention
La journée a commencé par une grande marche dans la capitale. Des militants du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), des membres des conseils communaux, des policiers et même des militaires en civil ont convergé vers le centre de Caracas. Objectif affiché : rejeter ce qu’ils appellent les « menaces impérialistes » des États-Unis.
Le rassemblement s’est terminé sur l’esplanade de Fuerte Tiuna, le plus grand complexe militaire du pays. Là, sous un soleil écrasant, plusieurs centaines de personnes ont célébré un double symbole : le rejet de l’ingérence et l’anniversaire de la remise de « l’épée du Pérou » à Simon Bolivar, il y a exactement deux siècles.
Ce n’est pas un hasard si le pouvoir a choisi cette date et ce lieu. L’épée offerte par le Pérou à Bolivar représente la lutte pour l’indépendance face aux empires coloniaux. Le parallèle avec la situation actuelle est évident pour les partisans de Nicolas Maduro.
Le Cartel des Soleils : réalité ou prétexte ?
Le point de départ de cette nouvelle crise ? La décision américaine de désigner le « Cartel de los Soles » comme organisation terroriste étrangère. Pour le gouvernement vénézuélien, il s’agit d’un « ridicule mensonge » destiné à justifier une intervention militaire.
De nombreux analystes indépendants partagent en partie ce doute. Selon eux, l’existence d’un cartel structuré portant ce nom n’a jamais été prouvée de façon irréfutable. On parle plutôt de réseaux de corruption au sein de certaines franges des forces armées et du pouvoir, qui fermeraient les yeux – voire participeraient – à des trafics en tous genres.
« Ils inventent toujours un scénario, comme ils l’ont fait avec Saddam Hussein ou Kadhafi, pour détruire des pays entiers »
Candido Miquilarena, dirigeant communautaire de 63 ans
Cette comparaison avec l’Irak et la Libye revient souvent dans la bouche des partisans du gouvernement. Pour eux, le Cartel des Soleils n’est qu’un nouveau « armes de destruction massive » version 2025.
Navires de guerre et opérations clandestines
Depuis août, la présence militaire américaine dans les Caraïbes s’est considérablement renforcée. Officiellement, il s’agit d’opérations anti-drogue. Mais pour Caracas, ces navires sont là pour une tout autre raison : préparer le terrain à une action plus directe.
Et les déclarations venues de Washington n’ont rien pour calmer les esprits. Le président américain alterne les signaux contradictoires : un jour il n’exclut pas une intervention militaire, le lendemain il annonce vouloir parler directement avec Nicolas Maduro. Entre-temps, des autorisations d’actions clandestines de la CIA sur le sol vénézuélien auraient été données.
Cette stratégie du chaud et du froid laisse tout le monde dans l’expectative. Y aura-t-il dialogue ou confrontation ? Pour l’instant, la seconde option semble l’emporter dans les esprits à Caracas.
Les voix de la rue
Sur le terrain, les témoignages sont unanimes chez les participants à la marche. América Romero, 63 ans, chef communautaire, affirme sans détour : « Nous sommes prêts à faire face à tout ce qui viendra et à rester fidèles au président Nicolas Maduro ».
Nuris Monagreda, 48 ans, militante du PSUV, ajoute : « Notre président a toujours privilégié la diplomatie, mais voir des navires de guerre américains devant nos côtes, c’est une agression pure et simple ».
Ces paroles reflètent le sentiment dominant parmi les bases chavistes : l’idée que le pays fait face à une menace existentielle et que l’unité nationale est la seule réponse possible.
Un contexte régional explosif
Il ne faut pas oublier que le Venezuela reste au cœur de plusieurs crises régionales. Le contrôle des immenses réserves pétrolières, les flux migratoires massifs, les sanctions économiques qui asphyxient le pays : tout concourt à maintenir une tension permanente.
La désignation du Cartel des Soleils comme organisation terroriste ouvre aussi la porte à de nouvelles sanctions individuelles contre des hauts responsables vénézuéliens. Des généraux, des ministres, voire des proches du président pourraient se retrouver sur des listes noires dans les prochaines semaines.
Dans ce contexte, la manifestation de mardi apparaît comme un message clair envoyé à la fois à Washington et à l’opposition interne : le pouvoir est toujours capable de mobiliser ses troupes, et il est prêt à durcir le ton si nécessaire.
Et maintenant ?
La grande question reste entière : jusqu’où ira cette escalade ? Les navires américains vont-ils rester au large indéfiniment ? Une rencontre Trump-Maduro est-elle réellement envisageable ? Ou assistons-nous au prélude d’un nouveau chapitre dramatique dans les relations entre les deux pays ?
Ce qui est certain, c’est que le Venezuela vit aujourd’hui sous une pression extérieure jamais vue depuis la tentative de coup d’État de 2019. Et à chaque nouvelle mesure américaine, la réponse du pouvoir semble être la même : mobilisation populaire et rhétorique anti-impérialiste.
Dans les rues de Caracas, on scande « No pasarán ». Reste à savoir si ce cri de résistance restera symbolique… ou s’il deviendra réalité dans les mois à venir.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – 3127 mots)









