Le gouvernement du Venezuela a annoncé jeudi un geste d’apaisement inattendu en libérant plus de 300 manifestants arrêtés dans le sillage de la réélection très contestée du président Nicolas Maduro en juillet dernier. Cette décision intervient alors que le pays traverse une grave crise politique et que l’opposition continue de dénoncer un scrutin entaché de fraudes massives.
Des milliers de manifestants toujours en détention
Selon le ministère de l’Intérieur vénézuélien, 103 personnes ont été remises en liberté ces dernières 72 heures, s’ajoutant à environ 200 autres libérations ayant eu lieu précédemment. Mais cette mesure ne concerne qu’une petite partie des quelque 2400 manifestants jetés en prison après l’annonce des résultats donnant Nicolas Maduro vainqueur avec 52% des voix.
Parmi les détenus figurent une centaine d’adolescents, accusés pour certains de « terrorisme ». Beaucoup ont été incarcérés sans mandat, sur simple dénonciation via un système de délation mis en place par le gouvernement. Les conditions de détention sont dénoncées par les défenseurs des droits de l’homme, certains prisonniers étant enfermés dans des centres de haute sécurité.
Un scrutin très controversé
La réélection de Nicolas Maduro pour un troisième mandat de 6 ans a déclenché de vives protestations de l’opposition. Celle-ci estime que son candidat, Edmundo González Urrutia, l’a en réalité emporté avec plus de 67% des suffrages. Mais le Conseil National Electoral (CNE), accusé d’être inféodé au pouvoir en place, a donné le président sortant vainqueur.
De façon très inhabituelle, le CNE n’a toujours pas publié les résultats bureau de vote par bureau de vote comme l’exige la loi. Il invoque un piratage informatique pour justifier ce manquement, une explication jugée peu crédible par de nombreux observateurs. Tout semble indiquer une manipulation des chiffres pour assurer la victoire du camp Maduro.
L’opposition prépare son retour
Malgré la répression, Edmundo González Urrutia ne renonce pas. Exilé en Espagne depuis l’élection, il a annoncé son intention de rentrer au Venezuela le 10 janvier prochain, date prévue pour l’investiture de Nicolas Maduro. « Mon objectif est de prendre les fonctions pour lesquelles j’ai été élu », a-t-il déclaré au quotidien El Pais.
Le chef de l’opposition entend bien nommer son propre gouvernement et prendre les décisions qui s’imposent pour sortir le pays de l’ornière. Il rejette l’idée d’un contre-gouvernement en exil. De son côté, le président Maduro a déjà appelé ses partisans à « descendre par millions dans les rues » le 10 janvier pour lui prêter allégeance.
Vers une nouvelle aggravation de la crise ?
Le Venezuela semble donc s’enfoncer chaque jour un peu plus dans une crise politique et institutionnelle majeure dont l’issue est plus qu’incertaine. Le bras de fer entre pouvoir et opposition pourrait déboucher sur de nouveaux affrontements violents si chaque camp campe sur ses positions.
La communauté internationale, qui a largement dénoncé le scrutin de juillet, appelle au dialogue et à des élections libres. Mais jusqu’à présent, Nicolas Maduro se montre inflexible, fort du soutien de l’armée et d’alliés comme la Russie ou la Chine. La rue, elle, gronde de plus en plus, exaspérée par les pénuries, l’hyperinflation et un pouvoir jugé illégitime.
La libération de quelques centaines de manifestants apparaît donc comme une mesure très insuffisante pour apaiser les esprits. D’autant que des milliers d’opposants croupissent toujours dans les geôles du régime. Le Venezuela est assis sur un volcan dont l’éruption pourrait être dévastatrice. Seul un sursaut démocratique et la recherche d’un vrai compromis politique semblent en mesure d’éviter le pire. Mais le temps presse.