Le Venezuela a été secoué par de violentes manifestations suite à la réélection contestée du président Nicolas Maduro le 28 juillet dernier. Face aux accusations de fraude lancées par l’opposition, le pouvoir a répondu par une répression sanglante qui a fait, selon le procureur général Tarek William Saab, 28 morts et 200 blessés. Dans un entretien exclusif accordé à l’AFP, M. Saab défend cette réponse musclée, affirmant avoir ainsi évité une “guerre civile”.
Une “tentative de déclencher une guerre civile” déjouée ?
Tarek William Saab n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, les troubles postélectoraux étaient “prémédités” dans le but de “générer une action terroriste”. Il assure qu’en agissant comme il l’a fait, le pouvoir a empêché le pays de sombrer dans un conflit interne majeur :
Si nous n’avions pas agi comme nous l’avons fait à ce moment-là, le Venezuela aurait été en proie à une guerre civile.
Tarek William Saab, procureur général du Venezuela
Un discours qui vise à légitimer l’usage de la force face à ce que le régime qualifie de tentative de déstabilisation. Mais l’opposition, elle, dénonce une répression brutale et anticonstitutionnelle.
Des “prisonniers politiques” ou des “terroristes” ?
Parmi les 2 400 personnes arrêtées pendant les troubles, beaucoup sont considérées comme des “prisonniers politiques” par l’opposition. Une qualification que M. Saab rejette en bloc, affirmant qu’un prisonnier politique est détenu pour ses idées pacifiques, ce qui n’est pas le cas selon lui :
Ces personnes ont pris les armes pour renverser un gouvernement légitimement constitué.
Tarek William Saab
Il balaie également les accusations selon lesquelles des mineurs seraient emprisonnés, rappelant que la loi vénézuélienne permet de détenir des adolescents entre 14 et 17 ans. Des propos qui ne convainquent pas les défenseurs des droits humains, qui dénoncent de nombreuses arrestations arbitraires.
Des leaders de l’opposition dans le collimateur
Le procureur général confirme qu’un mandat d’arrêt a été émis contre Edmundo Gonzalez Urrutia, candidat de l’opposition à la présidentielle réfugié en Espagne. Il est accusé entre autres de “falsification de documents publics” et “d’incitation à désobéir à la loi”. Une procédure a également été ouverte contre Maria Corina Machado, autre figure de l’opposition entrée dans la clandestinité.
Pour M. Saab, il est clair que “les principaux ennemis d’un peuple sont ceux qui pratiquent le terrorisme et la conspiration”. Une rhétorique qui vise à criminaliser toute forme d’opposition au régime de Nicolas Maduro.
La corruption, l’autre cheval de bataille du procureur
Tarek William Saab met également en avant sa lutte contre la corruption, affirmant avoir démantelé pas moins de 34 “systèmes de corruption” au sein de la compagnie pétrolière nationale PDVSA. Cinq anciens ministres auraient ainsi été contraints à la fuite ou emprisonnés.
Un bilan dont il se félicite, mais qui peine à convaincre une population confrontée à une crise économique et sociale sans précédent. Pour beaucoup de Vénézuéliens, la priorité est ailleurs.
Une situation loin d’être apaisée
Malgré les affirmations du procureur général, la situation est loin d’être revenue à la normale au Venezuela. Les tensions politiques restent vives et la contestation, bien que muselée, n’a pas dit son dernier mot. Dans ce contexte, difficile de croire que le pays ait réellement évité le spectre d’une guerre civile.
Les prochains mois seront décisifs pour l’avenir du Venezuela. Nicolas Maduro, renforcé par sa réélection controversée, semble déterminé à s’accrocher au pouvoir coûte que coûte. Mais l’opposition, malgré la répression, ne compte pas baisser les bras. Un bras de fer qui risque de perdurer, laissant le pays dans une situation de plus en plus précaire.