Imaginez un instant : des civils, jeunes et moins jeunes, apprenant à manier des armes dans les rues animées d’un quartier populaire, sous le regard vigilant de militaires. Cette scène, digne d’un film de guerre, se déroule aujourd’hui au Venezuela, où la tension avec les États-Unis atteint des sommets. Face aux déclarations fracassantes de Donald Trump, le pays se prépare à une éventuelle confrontation. Mais que se passe-t-il réellement dans ce pays sud-américain, où la peur d’une intervention étrangère se mêle à une mobilisation populaire ? Plongez dans une crise géopolitique où pétrole, pouvoir et patriotisme s’entremêlent.
Une Nation sur le Qui-Vive
Le Venezuela vit des heures tendues. Depuis plusieurs semaines, les relations avec les États-Unis se sont durcies, alimentées par des accusations mutuelles et des démonstrations de force. D’un côté, Washington déploie des navires de guerre dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le trafic de drogue. De l’autre, Caracas y voit une menace directe, un complot impérialiste visant à s’emparer des richesses naturelles du pays, notamment son pétrole. Cette escalade a conduit le gouvernement vénézuélien à prendre des mesures radicales : former les civils à la résistance armée.
Samedi dernier, des instructeurs militaires ont investi plusieurs villes du pays, dont Petaré, un quartier emblématique de Caracas. Là, des habitants, de la fonctionnaire de 38 ans à l’adolescent engagé, ont participé à des ateliers pour apprendre les bases du maniement d’armes et les principes d’une résistance révolutionnaire. Ces initiatives, orchestrées par l’armée bolivarienne, visent à préparer la population à une hypothétique agression étrangère. Mais derrière cette mobilisation, quelles sont les véritables intentions du pouvoir en place ?
La Mobilisation des Civils : Une Réponse à la Menace
Dans les rues de Petaré, un immense quartier populaire autrefois surnommé le plus grand bidonville d’Amérique latine, l’ambiance est à la fois tendue et déterminée. Des groupes de volontaires, parfois une trentaine par atelier, se réunissent pour apprendre les rudiments de la Méthode Tactique de Résistance Révolutionnaire (MTRR). Cette doctrine, composée de 13 points, inclut des notions comme le camouflage, l’utilisation d’armes, la survie en zone de conflit et même une pensée idéologique visant à renforcer l’adhésion au projet révolutionnaire.
“Je viens apprendre ce que je dois apprendre pour défendre ce qui m’importe vraiment : ma patrie,”
Luzbi Monterola, 38 ans, fonctionnaire à Petaré
Pour beaucoup, cette formation est perçue comme un acte de souveraineté face à une menace extérieure. John Noriega, un adolescent de 16 ans, exprime un sentiment partagé par plusieurs participants : “Tout ça, c’est à cause du pétrole, de l’or, des diamants. Ils veulent tout prendre, mais nous allons nous battre pour ce qui nous appartient.” Ces propos reflètent une rhétorique largement diffusée par le gouvernement, qui accuse les États-Unis de convoiter les ressources naturelles du pays.
Un Contexte Géopolitique Explosif
La crise actuelle trouve ses racines dans une série d’événements récents. En juillet 2024, la réélection controversée de Nicolas Maduro, dénoncée comme frauduleuse par l’opposition, a ravivé les tensions internes. Petaré, épicentre de nombreuses manifestations contre le régime, est aujourd’hui le théâtre d’une mobilisation d’un autre genre. Parallèlement, les déclarations de Donald Trump, qui exige le rapatriement immédiat de migrants vénézuéliens, ont jeté de l’huile sur le feu.
Trump a récemment menacé le Venezuela de conséquences incalculables si le pays refusait de reprendre ses migrants, y compris ceux qu’il qualifie de “prisonniers” ou de “personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques”. Ces propos, publiés sur son réseau social, s’accompagnent d’une présence militaire accrue dans les Caraïbes, où des navires américains patrouillent sous prétexte d’opérations antidrogue. Caracas, de son côté, rejette ces accusations et accuse Washington de chercher un prétexte pour intervenir militairement.
Chiffres clés de la crise
- Plus de 13 000 Vénézuéliens rapatriés depuis le début de l’année.
- 25 blindés déployés dans Caracas pour une démonstration de force.
- Navires de guerre américains dans les Caraïbes depuis près d’un mois.
Une Mobilisation Populaire en Demi-Teinte
Si le gouvernement vénézuélien cherche à galvaniser sa population, la participation à ces formations semble inégale. Lors d’une première mobilisation le 13 septembre, des milliers de personnes s’étaient rendues dans les casernes. Samedi dernier, en revanche, l’affluence était moindre, avec des ateliers épars et une mobilisation moins massive. À Petaré, les sessions ont attiré des groupes restreints, composés majoritairement de sympathisants du régime ou de curieux motivés par un sentiment patriotique.
Sur la côte, des pêcheurs ont également pris part à des exercices conjoints avec la marine, effectuant des sorties groupées pour montrer leur unité face à une potentielle menace. Ces initiatives, relayées par la télévision publique, s’inscrivent dans une stratégie de communication visant à projeter une image de cohésion entre le peuple et les forces armées.
“Le peuple et les forces armées unis ! C’est une véritable révolution militaire. Ils veulent nous ramener à l’esclavage, mais nous résistons !”
Vladimir Padrino Lopez, ministre de la Défense
Ressources Naturelles : Le Cœur du Conflit
Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole au monde, une richesse qui attire les convoitises internationales depuis des décennies. Pour le gouvernement de Maduro, les manœuvres américaines dans les Caraïbes ne sont qu’une façade pour justifier une intervention visant à s’emparer de ces ressources. Cette rhétorique, bien que critiquée comme propagandiste par certains, trouve un écho auprès d’une partie de la population, qui voit dans ces formations une manière de protéger leur souveraineté.
Dans d’autres villes, comme San Cristobal ou Barinas, des ateliers similaires ont été organisés, avec des messages centrés sur la défense des ressources nationales. À La Orchila, une île située à 65 kilomètres du continent, des exercices militaires ont été menés pour envoyer un signal clair : le Venezuela est prêt à se défendre.
Une Censure Numérique Inattendue
En parallèle de cette mobilisation, un événement a surpris les observateurs : la disparition de la chaîne YouTube officielle de Nicolas Maduro. Avec 233 000 abonnés, cette plateforme était un canal majeur pour diffuser les discours du président. Depuis vendredi, un message laconique indique que “cette page n’est pas disponible”. Si aucune explication officielle n’a été fournie, certains pointent du doigt une possible censure dans le cadre d’une guerre hybride menée par les États-Unis.
Cette fermeture intervient dans un contexte où les canaux de communication du régime sont essentiels pour maintenir la cohésion de ses partisans. Les discours de Maduro, habituellement relayés sur YouTube, Telegram et la télévision publique, servent à galvaniser la population et à contrer les accusations internationales. La perte de ce canal pourrait compliquer la stratégie de communication du gouvernement.
Un Dialogue Fragile sur les Migrations
Malgré les tensions, un domaine de coopération subsiste entre Washington et Caracas : le rapatriement de migrants. Vendredi, un avion américain a ramené 185 Vénézuéliens à Caracas, portant à plus de 13 000 le nombre de personnes rapatriées depuis le début de l’année. Ce canal de discussion, bien que limité, montre que les deux pays maintiennent un minimum de dialogue, même dans un climat de méfiance.
Ces rapatriements, souvent médiatisés, sont un enjeu politique pour les deux parties. Pour Trump, ils permettent de répondre aux préoccupations de son électorat sur l’immigration. Pour Maduro, ils renforcent l’image d’un gouvernement souverain, capable de négocier avec une puissance mondiale tout en dénonçant ses intentions.
Que Peut-on Attendre de Cette Crise ?
La situation au Venezuela reste volatile. Entre la mobilisation civile, les exercices militaires et les déclarations belliqueuses, le pays semble se préparer à un scénario de conflit. Pourtant, la faible participation à certaines formations et la censure de canaux de communication comme YouTube soulèvent des questions sur la solidité de cette stratégie.
Pour l’heure, la crise repose sur un équilibre précaire. Les accusations mutuelles entre Washington et Caracas, combinées à la mobilisation populaire et militaire, pourraient soit déboucher sur une escalade, soit s’apaiser grâce à des négociations discrètes, comme celles sur le rapatriement des migrants. Une chose est sûre : le Venezuela, avec ses ressources et sa position stratégique, reste un point chaud de la géopolitique mondiale.
Les enjeux en bref
- Mobilisation civile : Formation des habitants à la résistance armée.
- Tensions géopolitiques : Menaces américaines et déploiement naval.
- Ressources naturelles : Pétrole et minerais au cœur du conflit.
- Censure numérique : Disparition de la chaîne YouTube de Maduro.
Le Venezuela se trouve à un carrefour. Entre patriotisme, peur de l’ingérence étrangère et défis internes, le pays navigue dans des eaux troubles. La mobilisation civile, bien que spectaculaire, suffira-t-elle à contrer une menace extérieure, réelle ou supposée ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est certaine : cette crise ne laisse personne indifférent.