Un vaste réseau de travail dissimulé vient d’être mis au jour dans le milieu de la sécurité privée marseillaise. Pas moins de douze personnes physiques et morales ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel de Marseille, soupçonnées de s’être adonnées à une fraude sociale d’ampleur via plusieurs sociétés. Retour sur les dessous de ce dossier qui met en lumière les dérives du secteur.
8 millions d’euros de contrats non déclarés
L’enquête, diligentée par le Groupe Interministériel de Recherche (GIR) de Marseille et l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, a révélé l’ampleur de la fraude. Plusieurs sociétés de sécurité privée de la région marseillaise auraient bénéficié de plus de 8 millions d’euros de contrats en l’espace de trois ans, et ce de la part d’un unique donneur d’ordre. Un chiffre astronomique au regard du nombre officiel de salariés déclarés par ces entreprises.
Les investigations ont en effet permis d’établir que la grande majorité des personnes bénéficiaires des sommes provenant de ces sociétés n’avaient fait l’objet d’aucune déclaration préalable à l’embauche ni de déclaration sociale nominative (DSN) auprès des autorités. Un procédé visant à dissimuler l’emploi de ces travailleurs “fantômes”.
4,3 millions d’euros de cotisations éludées
Ces manquements ont causé un lourd préjudice à l’Urssaf. Le montant des cotisations sociales éludées avoisinerait les 4,3 millions d’euros selon les premières estimations du parquet de Marseille. Un manque à gagner conséquent pour les caisses de l’État, déjà mises à mal par la crise économique et sanitaire.
La fraude sociale et le travail dissimulé représentent un fléau pour notre économie et notre système de protection sociale. C’est tout un pan de l’activité qui échappe aux règles et prive la collectivité de ressources précieuses.
Un inspecteur de l’Urssaf
1,9 million d’euros d’avoirs criminels saisis
Lors des perquisitions menées par les enquêteurs du GIR dans les locaux des sociétés et au domicile des suspects, de nombreux avoirs ont été saisis :
- Documents compromettants
- Voiture de luxe
- Centaines de milliers d’euros sur des comptes bancaires
- Sommes conséquentes sur des plans épargne logement et assurances-vie
Au total, près d’1,9 million d’euros d’avoirs criminels ont ainsi été confisqués par les autorités judiciaires. Une somme qui témoigne de l’ampleur du système frauduleux et des profits illégaux amassés par les mis en cause.
Un mystérieux donneur d’ordre
Mais qui se cache derrière cette fraude massive ? L’enquête a mis en évidence le rôle central d’un donneur d’ordre, sorte de cerveau de l’opération. Cet homme aurait lui-même créé un réseau de quatre sociétés écrans, supervisant au quotidien les opérations de travail dissimulé.
Identifié comme le principal bénéficiaire du système, il aurait perçu des flux financiers occultes conséquents grâce à la complicité de ses acolytes. Déféré devant la justice, il a été placé sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès.
12 personnes renvoyées devant la justice
Au total, ce sont douze personnes physiques et morales qui devront répondre de ces faits devant le tribunal correctionnel de Marseille :
- Le donneur d’ordre, cerveau présumé du système
- 5 complices ayant facilité les opérations
- Les sociétés écrans utilisées pour dissimuler les flux financiers
Les chefs de prévention sont lourds : travail dissimulé en bande organisée, recours au travail dissimulé, blanchiment en bande organisée… Les peines encourues vont jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende. Le procès devrait permettre de faire toute la lumière sur les ramifications de cette fraude tentaculaire.
Le travail dissimulé, plaie du secteur de la sécurité
Cette affaire met une nouvelle fois en lumière les dérives du secteur de la sécurité privée, gangrené par le travail illégal. Selon une étude de l’INSEE, près d’un agent de sécurité sur cinq travaillerait sans être déclaré en France. Une situation préoccupante, qui expose les salariés à une grande précarité et prive l’État de précieuses recettes fiscales et sociales.
Pour endiguer le phénomène, les autorités misent sur un renforcement des contrôles et une plus grande coopération entre les services de l’État (police, gendarmerie, Urssaf, inspection du travail…). Des campagnes de sensibilisation sont également menées auprès des donneurs d’ordre et des entreprises pour les responsabiliser face à ces pratiques illégales.
L’issue de ce procès sera donc suivie avec attention. Au-delà du jugement des prévenus, il enverra un signal fort à l’ensemble de la profession. Car pour assainir durablement le secteur, c’est un véritable changement de culture qui doit s’opérer.