Une opération d’envergure internationale vient de porter un coup majeur à deux vastes réseaux de blanchiment d’argent opérant pour le compte d’intérêts russes. Selon les informations communiquées par l’Agence britannique de lutte contre la criminalité (NCA), ces réseaux sophistiqués, baptisés TGR et Smart, étendaient leurs ramifications dans plus de 30 pays à travers le monde.
Le mode opératoire mis au jour par l’enquête révèle un système complexe d’échange de cryptomonnaies contre de l’argent liquide, permettant de transférer discrètement des fonds d’un pays à l’autre. Ce stratagème a notamment été utilisé pour blanchir les revenus de groupes criminels, comme le cartel irlandais Kinahan, mais aussi pour aider des oligarques et élites russes à contourner les sanctions internationales qui les visent.
Un système tentaculaire au service d’intérêts russes
L’enquête, menée conjointement par la NCA, le FBI américain, la police judiciaire française et la police irlandaise, a mis en lumière l’ampleur et la portée de ces réseaux criminels. Smart, dirigé par une ressortissante russe déjà sanctionnée aux États-Unis, aurait notamment été mis à contribution pour financer des opérations d’espionnage menées par la Russie.
De son côté, TGR s’est illustré en 2023 en orchestrant un transfert de fonds en provenance de Russia Today (RT), le groupe de télévision russe visé par les sanctions occidentales, dans le but de financer les activités d’un média russophone au Royaume-Uni. Un exemple parmi d’autres de l’implication de ces réseaux dans le contournement des mesures restrictives visant la Russie.
Blanchiment de rançons du cybercrime
Au-delà du soutien aux intérêts stratégiques russes, les deux réseaux démantelés ont également prêté main-forte à des groupes cybercriminels. C’est notamment le cas de Ryuk, un collectif spécialisé dans les attaques au rançongiciel, accusé de s’en être pris à plus de 149 institutions britanniques, dont des écoles et des hôpitaux.
Grâce à TGR et Smart, Ryuk a pu blanchir plus de 2,3 millions de dollars provenant vraisemblablement des rançons extorquées à ses victimes et payées en cryptomonnaies. Un mécanisme bien rodé permettant à ces cybercriminels d’échapper aux traçabilité de leurs méfaits.
Un coup de filet international
L’opération, qui a mobilisé les forces de l’ordre de plusieurs pays, a débouché sur l’arrestation de 84 personnes, dont certaines ont déjà été condamnées à des peines de prison. Les autorités ont également procédé à la saisie de 24 millions d’euros en liquide et en cryptomonnaies.
Pour Rob Jones, directeur général des opérations à la NCA, cette affaire « a révélé des réseaux de blanchiment de plusieurs milliards de dollars, opérant d’une manière encore jamais vue » par les autorités au niveau mondial. Une réussite qui témoigne de l’importance de la coopération internationale dans la lutte contre la criminalité financière.
De nouvelles sanctions américaines
Dans la foulée de ce démantèlement, le Trésor américain a annoncé des sanctions contre cinq individus et quatre entités liés au réseau TGR. Ils sont accusés d’avoir facilité le contournement des sanctions visant certaines personnalités russes en exploitant la plateforme de blanchiment d’argent.
Ces développements illustrent la détermination des pays occidentaux à resserrer l’étau sur les réseaux criminels qui profitent des failles du système financier international. Reste à savoir si ce coup d’arrêt porté à TGR et Smart suffira à endiguer durablement ces activités illicites, ou si d’autres acteurs ne tarderont pas à prendre le relais.
Un signal fort dans la lutte contre le blanchiment
Quoi qu’il en soit, cette opération d’envergure marque une victoire significative pour les autorités engagées dans la traque des circuits financiers occultes. Elle met en lumière la complexité et l’inventivité des mécanismes employés par les organisations criminelles pour dissimuler l’origine de leurs fonds.
Face à ces défis, la réponse des États passe par un renforcement de l’arsenal juridique et réglementaire, mais aussi et surtout par une intensification de la coopération internationale. Car dans un monde globalisé, où l’argent sale circule sans connaître de frontières, seule une action concertée et coordonnée peut espérer endiguer ces flux toxiques.
Le démantèlement de TGR et Smart constitue à cet égard un signal fort, qui témoigne de la volonté des pays occidentaux de ne pas laisser le champ libre aux réseaux criminels, quels que soient leurs soutiens et leurs ramifications. Reste à transformer l’essai et à maintenir la pression pour empêcher la reconstitution de ces écosystèmes délétères.