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Valence : Sauver les Souvenirs des Inondations

À Valence, des étudiants sauvent des milliers de photos des inondations de 2024. Leur travail minutieux redonne vie aux souvenirs. Que deviennent ces images ?

Imaginez un instant : une photo jaunie, à peine lisible, engluée dans la boue, resurgit soudain comme un fragment de vie retrouvé. À Valence, après les inondations dévastatrices de 2024, des étudiants se battent pour sauver ces précieux souvenirs. Leur initiative, aussi émouvante que méticuleuse, redonne espoir à des familles marquées par la tragédie. Comment une simple image peut-elle porter autant d’émotion ?

Une course contre le temps pour sauver la mémoire

Les inondations qui ont frappé la province de Valence le 29 octobre 2024 ont laissé derrière elles un paysage de désolation. Avec 237 vies perdues et des milliers de foyers détruits, la catastrophe a aussi emporté des trésors intimes : des albums photo, des portraits de famille, des instantanés de moments heureux. Face à ce désastre, une initiative universitaire a vu le jour pour préserver ces fragments de mémoire, menacés par la boue et l’humidité.

Dans un laboratoire de la Faculté des Beaux-Arts de l’Université Polytechnique de Valence, des étudiants, armés de patience et de pinceaux, travaillent sans relâche. Leur mission ? Restaurer des images abîmées pour les rendre à leurs propriétaires. Ce projet, baptisé Salvem les fotos (Sauvons les photos), incarne un élan de solidarité face à la perte.

Un laboratoire au cœur de la solidarité

Entrer dans ce laboratoire, c’est pénétrer dans un espace où le temps semble suspendu. Des cordes à linge traversent la pièce, où des milliers de photos sèchent, accrochées par des pinces. À l’entrée, une pancarte prévient : Matériel contaminé, ne pas toucher. Les clichés, souvent recouverts de boue, portent les stigmates des inondations. Pourtant, dans cet environnement clinique, une lueur d’espoir persiste.

« Nous avons commencé à recevoir des appels d’étudiants qui voyaient des albums entiers jetés dans les débris. Ils ont agi spontanément, ramassant les photos dans leurs sacs à dos. »

Esther Nebot, professeure à l’Université Polytechnique de Valence

Ce sont ces jeunes volontaires, souvent eux-mêmes touchés par la catastrophe, qui ont donné vie au projet. Sous la direction de professeurs comme Esther Nebot, ils ont transformé un local universitaire en un atelier de restauration. Depuis le début, environ 340 000 images ont été collectées, dont 75 % ont retrouvé une nouvelle vie grâce à ce travail collectif.

Un travail minutieux pour redonner vie aux images

Chaque photo sauvée raconte une histoire. Une étudiante, Ruth Acuña, 25 ans, passe des heures à nettoyer délicatement une image en noir et blanc. Avec un pinceau et un bac d’eau trouble, elle efface les traces de boue, révélant peu à peu le visage d’une femme. Ce processus, lent et précis, demande une concentration extrême. Les photos les plus fragiles, souvent en noir et blanc, sont posées sur des plaques de carton pour éviter qu’elles ne se déforment.

Le travail ne s’arrête pas là. Une fois nettoyées, les images sont désinfectées pour éliminer les moisissures, puis suspendues pour sécher. Certaines, trop abîmées, restent floues, mais d’autres retrouvent une clarté surprenante. « Voir une photo qu’on pensait perdue redevenir nette, c’est une immense satisfaction », confie Ruth.

Les étapes clés du processus de restauration :

  • Collecte : Les photos sont récupérées parmi les débris par des volontaires.
  • Nettoyage : Chaque image est soigneusement débarrassée de la boue à l’aide de pinceaux et d’eau.
  • Désinfection : Les photos sont traitées pour éliminer les risques de moisissures.
  • Séchage : Les images sont suspendues ou posées sur des supports pour sécher sans se déformer.
  • Numérisation : Les photos restaurées sont scannées pour créer une archive numérique.
  • Restitution : Les images sont rendues aux familles lors de rendez-vous dédiés.

Une charge émotionnelle au cœur du projet

Chaque photo porte une charge émotionnelle unique. Un anniversaire, une naissance, un voyage en famille : ces instants, figés sur papier, sont souvent tout ce qu’il reste à des familles ayant perdu leur maison. Esther Nebot le souligne : « Ces objets n’ont pas de valeur économique ou historique, mais ils incarnent l’histoire intime d’une société. »

Pour les étudiants, manipuler ces souvenirs est une responsabilité lourde. Andrea Baldwin, une autre volontaire, raconte la joie de voir un visage émerger d’une photo abîmée. « Savoir que les familles pourront revoir ces moments, c’est ce qui nous motive », explique-t-elle, tout en nettoyant une image avec un morceau de coton.

« C’est très beau de nettoyer et de réussir à voir un visage. Cela vous remplit de joie de savoir que les familles pourront les regarder ensemble. »

Andrea Baldwin, étudiante bénévole

La restitution : un moment de vérité

Une fois restaurées, les photos sont numérisées et classées dans une base de données. L’étape finale, celle de la restitution, est souvent la plus émouvante. Les familles sont conviées à des rendez-vous où les étudiants leur présentent leurs souvenirs sauvés. Ces rencontres, parfois marquées par des larmes, sont l’occasion de tisser un lien entre les bénévoles et les sinistrés.

« Nous prenons le temps de leur montrer comment nous avons traité leurs photos. C’est aussi une manière de les remercier pour leur confiance », explique Esther Nebot. Pour beaucoup, ces images sont un pont vers un passé désormais lointain, un moyen de renouer avec une vie bouleversée par la catastrophe.

Un élan collectif face à la tragédie

Le projet Salvem les fotos ne repose pas seulement sur les étudiants. Des donateurs, des professeurs et des volontaires extérieurs ont contribué à son succès. Ce travail collectif illustre la force de la solidarité communautaire dans les moments de crise. Face à une catastrophe qui a généré 800 000 tonnes de débris, cette initiative montre qu’il est possible de reconstruire, même à petite échelle.

Les étudiants, eux, continuent leur mission avec détermination. Chaque photo restaurée est une victoire, un pas vers la préservation d’une mémoire collective. Mais le chemin est encore long : des milliers d’images attendent encore d’être sauvées.

Chiffres clés Détails
340 000 Nombre de photos collectées
75 % Pourcentage de photos restaurées
237 Nombre de victimes des inondations

Un patrimoine au-delà du matériel

Pourquoi accorder autant d’importance à ces photos ? Parce qu’elles représentent bien plus que du papier. Elles sont le reflet d’une société, d’histoires personnelles et collectives. Ce projet ne se contente pas de restaurer des images : il redonne aux sinistrés une part de leur identité, de leur passé.

Les inondations de Valence ont rappelé la fragilité des choses face à la nature. Mais elles ont aussi révélé la résilience humaine. À travers Salvem les fotos, les étudiants prouvent que même dans les pires moments, l’espoir peut renaître, une photo à la fois.

Ce travail, bien que modeste face à l’ampleur de la tragédie, est une leçon d’humanité. Il montre que la solidarité et l’engagement peuvent redonner du sens à ce qui semblait perdu. Combien d’autres souvenirs attendent encore d’être sauvés ?

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