Imaginez un livre qui ne commence pas une fois, mais deux. Un livre qui se lit dans un sens, puis dans l’autre, comme si vous traversiez un miroir pour découvrir une autre facette de la même histoire. C’est l’expérience que propose Va et Viens, le dernier roman de Leah Hager Cohen, une œuvre audacieuse qui invite à explorer les méandres de l’identité et de la quête de sens à travers deux récits entrelacés. Ce roman, à la structure aussi intrigante qu’un ruban de Moebius, captive dès les premières lignes et promet une aventure littéraire hors du commun.
Un Concept Littéraire Audacieux
Le roman Va et Viens se distingue par sa forme singulière : deux récits, deux couvertures, deux titres. Vous pouvez commencer par Va, l’histoire d’Ani, ou par Viens, celle d’Annamae. Chaque partie est imprimée tête-bêche, obligeant le lecteur à retourner physiquement le livre pour passer d’un récit à l’autre. Cette mise en page n’est pas un simple gimmick : elle reflète la structure narrative, où chaque histoire est le miroir de l’autre, créant une symétrie fascinante.
Ce choix formel rappelle des expérimentations littéraires comme celles de Michel Butor, mais ici, il s’ancre dans une démarche romanesque. L’auteur ne cherche pas à déconstruire le récit, mais à enrichir l’expérience de lecture. Chaque partie, bien que distincte, dialogue avec l’autre, révélant des échos et des parallèles qui ne se dévoilent qu’à la fin.
Va : Une Quête Onirique à la Lewis Carroll
Dans Va, nous suivons Ani, une fillette accompagnée d’un chaton nommé Compagnie, qu’elle a arraché à sa mère chatte. Son périple commence après la perte de sa propre mère, un drame qui la pousse à chercher le mystérieux Capitaine, une figure énigmatique qui l’a recueillie. Ce voyage, ponctué de rencontres étranges, évoque l’univers d’Alice au pays des merveilles ou de De l’autre côté du miroir. Les paysages qu’Ani traverse, les personnages qu’elle croise, tout semble flotter dans une atmosphère onirique.
« Ani avance, son chaton blotti contre elle, à la recherche d’un sens qu’elle ne comprend pas encore. »
Le récit glisse progressivement vers une dimension presque fantastique. À la fin de Va, Ani rencontre un passeur, le Ferry Man, qui l’emmène de l’autre côté d’un fleuve, marquant une transition symbolique. Ce passage, à la fois littéral et métaphorique, prépare le lecteur à basculer dans l’autre récit, celui de Viens.
Viens : Une Exploration de l’Identité
De l’autre côté du miroir, Viens nous présente Annamae, une adolescente vivant à New York avec sa mère linguiste, son frère Danny et sa grand-mère Nana. Leur foyer est marqué par leur identité juive, un thème central du récit. Annamae, à l’image d’Ani, est en quête de réponses. Elle consigne ses pensées dans un carnet qu’elle appelle Coco, diminutif de Compagnie, un écho direct au chaton d’Ani.
Les questionnements d’Annamae tournent autour de sa judéité : que signifie être juif dans un monde moderne ? Comment concilier tradition et quête personnelle ? À travers ses réflexions, Leah Hager Cohen explore des thèmes universels comme l’appartenance, la famille et la recherche de soi.
« Le carnet d’Annamae, Coco, est plus qu’un journal : c’est un miroir de son âme, où elle confronte ses doutes et ses espoirs. »
Une Symétrie Narrative Captivante
Ce qui rend Va et Viens si unique, c’est la manière dont les deux récits se répondent. Les parallèles entre Ani et Annamae sont nombreux : toutes deux sont des adolescentes en quête de réponses, toutes deux possèdent un « Compagnie » (chaton pour l’une, carnet pour l’autre), et toutes deux naviguent dans des mondes qui, bien que différents, partagent une même essence. Cette symétrie narrative invite le lecteur à reconsidérer chaque histoire à la lumière de l’autre.
Pour mieux saisir les liens entre les deux récits, voici quelques éléments clés :
- Les protagonistes : Ani et Annamae, deux adolescentes en quête de sens.
- Les compagnons : Le chaton Compagnie pour Ani, le carnet Coco pour Annamae.
- Les quêtes : Une recherche d’identité, qu’elle soit personnelle ou culturelle.
- Les mondes : Un univers onirique pour Ani, un New York réaliste pour Annamae.
Cette structure en miroir n’est pas sans rappeler l’anneau de Moebius, une boucle infinie où chaque face mène à l’autre. Le lecteur peut choisir de relire le roman dans un sens différent, découvrant de nouveaux détails à chaque lecture.
Une Réflexion sur la Forme et le Fond
La question centrale que pose Va et Viens est la suivante : la forme expérimentale sert-elle réellement le récit ? À première vue, la structure tête-bêche peut sembler déroutante. La conclusion de Va laisse le lecteur perplexe, et l’introduction de Viens ne s’éclaire qu’une fois le second récit achevé. Pourtant, cette complexité est précisément ce qui fait la richesse du roman.
Leah Hager Cohen ne se contente pas de raconter une histoire : elle invite le lecteur à participer activement à la construction du sens. Chaque lecture révèle de nouveaux indices, des parallèles subtils qui enrichissent l’expérience. Par exemple, les références à De l’autre côté du miroir dans Va trouvent un écho dans les questionnements philosophiques d’Annamae, qui cherche à comprendre sa place dans le monde.
« Comme Alice, Ani et Annamae traversent des mondes où les règles habituelles ne s’appliquent plus. »
Comparaison avec d’Autres Œuvres
Si Va et Viens se distingue par sa structure, il s’inscrit dans une lignée de romans explorant la quête de sens. On pense bien sûr à Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, dont l’influence est évidente dans Va. Mais le roman évoque aussi des œuvres contemporaines comme Point d’autre livre que le monde, le précédent ouvrage de l’auteur, qui abordait déjà des thèmes comme l’appartenance et la perte.
Comparé à ce dernier, Va et Viens apparaît plus complexe, mais peut-être moins dense. Là où Point d’autre livre que le monde frappait par sa profondeur émotionnelle, Va et Viens mise sur l’innovation formelle. Cette audace, bien que fascinante, peut laisser certains lecteurs sur leur faim, notamment ceux qui préfèrent une narration plus linéaire.
Aspect | Va et Viens | Point d’autre livre que le monde |
---|---|---|
Structure | Double entrée, tête-bêche | Linéaire |
Thèmes | Identité, quête, symétrie | Appartenance, perte |
Ton | Onirique et introspectif | Émotionnel et introspectif |
Pourquoi Lire Va et Viens ?
Ce roman n’est pas seulement une prouesse formelle : c’est une invitation à réfléchir sur soi. À travers Ani et Annamae, Leah Hager Cohen explore des questions universelles : qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Comment nos racines façonnent-elles notre avenir ? Ces interrogations, bien que portées par des adolescentes, résonnent chez les lecteurs de tous âges.
Pour ceux qui aiment les récits qui défient les conventions, Va et Viens est une pépite. Il demande un effort, certes, mais il récompense par une expérience de lecture riche et immersive. Voici quelques raisons de se plonger dans ce roman :
- Une structure innovante : La lecture tête-bêche est une expérience unique.
- Des personnages attachants : Ani et Annamae, malgré leurs différences, captivent par leur authenticité.
- Une réflexion profonde : Les thèmes de l’identité et de la quête de sens touchent au cœur.
- Un hommage à Lewis Carroll : Les amateurs d’Alice y trouveront des clins d’œil savoureux.
Une Œuvre à Relire
Le véritable génie de Va et Viens réside dans sa relecture. Une fois les deux récits achevés, on ressent l’envie de reprendre le livre pour en saisir les subtilités. Chaque détail, chaque écho entre les histoires prend un nouveau sens. C’est un roman qui se mérite, mais qui offre en retour une expérience littéraire rare.
Leah Hager Cohen prouve une fois de plus qu’elle est une romancière talentueuse, capable de mêler innovation et émotion. Si Va et Viens peut sembler moins dense que ses œuvres précédentes, il compense par une créativité débordante et une invitation à voir le monde autrement.
« Un livre qui se lit comme un miroir : chaque reflet révèle une nouvelle vérité. »
En somme, Va et Viens est une œuvre qui défie les attentes et invite à une exploration sans fin. Que vous soyez attiré par les récits oniriques, les questionnements existentiels ou les expérimentations littéraires, ce roman saura vous captiver. Prêt à traverser le miroir ?