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Uvira sous Contrôle M23 : La Vie Reprend timidement

Dans les rues d’Uvira, grande ville congolaise au bord du lac Tanganyika, les motos recommencent à circuler. Mais derrière ce calme apparent, les combattants du M23 imposent leurs règles : ratissage, salongo obligatoire, bière interdite avant 16 h… Que se passe-t-il vraiment sous l’occupation ?

Imaginez-vous réveiller un matin et découvrir que votre ville, hier encore sous contrôle gouvernemental, est désormais dirigée par un groupe armé accusé de graves exactions. C’est exactement ce qu’ont vécu les habitants d’Uvira, grande cité commerciale de l’est de la République démocratique du Congo, depuis mercredi dernier.

Uvira, nouvelle pièce du puzzle M23 dans le Kivu

Après avoir pris Goma en janvier et Bukavu en février, le mouvement du 23-Mars, soutenu selon de nombreuses sources par le Rwanda, poursuit son avancée fulgurante. Début décembre, une nouvelle offensive a été lancée le long de la frontière burundaise. Objectif clair : s’emparer d’Uvira et couper ainsi la route terrestre entre la RDC et le Burundi, privant Kinshasa d’un soutien militaire précieux.

Mercredi, la ville est tombée. Trois jours plus tard, vendredi, la vie tente de reprendre ses droits, timidement, très timidement.

Des rues presque vides, mais déjà quelques motos

Ce vendredi matin, quelques habitants osent enfin sortir. Des piétons, des motos, mais en très petit nombre. Les grandes artères restent désertes. Les boutiques principales sont fermées, volets baissés. Seuls certains petits marchés de quartier fonctionnent, discrètement.

Un habitant du quartier Mulongwe confie : « Ça va mieux qu’hier et avant-hier. On commence à voir du mouvement, mais on reste prudents. »

« Les nouvelles autorités ont dit à la population de ne pas quitter les maisons en attendant qu’elles finissent le ratissage. Il y aurait encore quelques wazalendo à certains endroits. »

Patient, habitant joint par téléphone

Ratissage et tirs sporadiques

Depuis jeudi, le M23 mène des opérations de « nettoyage » pour débusquer les miliciens pro-gouvernementaux, surnommés wazalendo (« patriotes » en swahili). Des tirs résonnent encore dans certains quartiers. La population retient son souffle.

Dans le quartier Kalombe, un résident témoigne : « La situation est relativement calme, nous observons les éléments du M23 qui font des allers-retours, ils ne nous dérangent pas jusqu’à présent. »

Le « salongo », travail communautaire obligatoire

Dès leur arrivée, les nouvelles autorités ont réinstauré une pratique bien connue dans les zones qu’ils contrôlent : le salongo. Chaque samedi, la population doit participer à des travaux d’intérêt général, principalement le balayage des rues et le nettoyage autour des habitations.

« Les gens eux-mêmes s’adonnent aux travaux communautaires », raconte un habitant. Pas le choix : refuser expose à des sanctions.

Règles strictes et anecdotes surréalistes

Un employé d’une station-service raconte une scène presque irréelle. Jeudi soir, trois jeunes combattants du M23 frappent à son portail.

« En ouvrant, j’ai eu peur, mais ils m’ont dit : “Pourquoi tu as peur ? Il faut sortir pour aller te promener.” »

Mais la consigne est claire : pas d’alcool avant 16 heures. « Il ne faut pas prendre de bière avant 16H00, et le samedi, il faut participer au salongo », lui ont-ils lancé avant de repartir.

Cette interdiction matinale de bière, devenue une règle récurrente dans les territoires M23, illustre le mélange étrange d’autorité militaire et de paternalisme que le mouvement tente d’imposer.

Une population sous tension, mais qui respire un peu

Tous les habitants contactés parlent sous couvert d’anonymat. La peur des représailles est palpable. Le M23 est accusé par l’ONU et plusieurs ONG de crimes de guerre et de violations graves des droits humains dans les zones sous son contrôle.

Pourtant, ce vendredi, un léger souffle d’espoir flotte dans l’air. Les motos circulent de nouveau. Quelques marchés rouvrent. Les enfants regardent par les fenêtres. La vie, même entravée, cherche à reprendre son cours.

Mais pour combien de temps ? Et à quel prix ?

Dans l’est de la RDC, chaque jour apporte son lot d’incertitudes. Uvira n’échappe pas à la règle. Entre contrôle militaire strict et tentatives de normalisation, la population marche sur un fil, espérant que le calme apparent ne soit pas le prélude à une nouvelle tempête.

À suivre, de très près.

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