La banque italienne UniCredit ne cache plus ses ambitions de conquête. Après avoir jeté son dévolu sur Commerzbank, la seconde banque d’Allemagne, le groupe transalpin vient de franchir un nouveau cap en portant sa participation au capital à 28%. Un coup d’éclat qui n’est pas du goût de Berlin, qui fustige une manœuvre « inappropriée » et « inamicale » en pleine période d’incertitude politique outre-Rhin.
Mené d’une main de fer par son bouillant PDG Andrea Orcel, UniCredit multiplie les offensives tous azimuts. Outre Commerzbank, la banque italienne vient de lancer une OPE sur un autre établissement de la Botte, Banco BPM. Visiblement, l’appétit vient en mangeant pour l’ancien banquier d’affaires, qui rêve de bâtir un champion bancaire paneuropéen.
Berlin voit rouge
Mais c’est bien le dossier Commerzbank qui cristallise toutes les tensions. En montant à 28% du capital, UniCredit s’approche dangereusement du seuil des 30%, au-delà duquel le groupe serait contraint de lancer une offre publique d’achat. Un scénario qui hérisse le poil de la chancellerie allemande, laquelle ne mâche pas ses mots face à cette « attaque hostile » :
UniCredit avait affirmé publiquement qu’elle ne souhaitait plus agir avant les élections fédérales.
Un porte-parole de la chancellerie
Le gouvernement d’Olaf Scholz, qui détient encore 12% de Commerzbank suite à son sauvetage lors de la crise de 2008, n’entend pas se laisser faire. S’il ne peut bloquer directement une OPA, Berlin dispose de plusieurs leviers réglementaires pour freiner les ardeurs d’UniCredit.
Inquiétudes sociales
Au-delà des enjeux de souveraineté, c’est la question de l’emploi qui préoccupe l’exécutif allemand. Une fusion entre les deux mastodontes bancaires pourrait en effet entraîner d’importantes restructurations et suppressions de postes, un sujet hautement inflammable en période préélectorale.
L’Etat allemand voit d’un œil critique les projets d’UniCredit, car l’intégration de deux grandes banques d’importance systémique s’accompagne toujours de risques considérables, entre autres pour les salariés.
Un porte-parole de la chancellerie
Le ballet diplomatique et les passes d’armes par média interposés ne font sans doute que commencer. Andrea Orcel, lui, se veut confiant et affirme être prêt à prendre son temps pour convaincre Berlin du bien-fondé de son projet. Reste à savoir si sa force de persuasion sera à la hauteur de son audace.
Bouleversements en vue
Si elle venait à se concrétiser, la fusion entre UniCredit et Commerzbank donnerait naissance à un géant bancaire pesant plus de 1000 milliards d’euros d’actifs, au coude-à-coude avec les plus grands noms de la finance européenne comme BNP Paribas ou Santander.
Un tel rapprochement rebattrait assurément les cartes du secteur bancaire à l’échelle du continent, ouvrant potentiellement la voie à une vague de consolidation parmi les établissements de second rang, à l’heure où les taux bas pèsent sur les marges.
Mais les obstacles sont nombreux sur la route de ce mariage entre un prétendant italien entreprenant et une belle allemande réticente à perdre son indépendance. Outre la dimension sociale et les divergences de culture d’entreprise, les aspects réglementaires et politiques s’annoncent particulièrement épineux.
Une chose est sûre : le feuilleton UniCredit-Commerzbank est loin d’avoir livré son dernier rebondissement. Dans les mois à venir, il faudra suivre de près les échanges entre Rome, Milan, Francfort et Berlin, sur fond de campagne électorale allemande à hauts risques. Avec à la clé, un possible chamboulement du paysage bancaire européen.