Dans la quête d’une rentabilité durable, le secteur des énergies renouvelables se heurte souvent à un défi de taille : que faire des surplus d’électricité produits lors des pics de vent ou de soleil ? Loin d’être anecdotique, cette électricité “coincée” plombe régulièrement les comptes des énergéticiens verts, parfois contraints de payer pour s’en débarrasser. Mais pour Spencer Marr, président de la startup Sangha Renewables, la solution pourrait bien venir d’un acteur inattendu : les mineurs de bitcoins.
Quand deux secteurs a priori opposés deviennent alliés
L’idée a de quoi surprendre. Le minage de cryptomonnaies, gourmand en énergie, s’accorderait mal avec la production d’électricité verte, par nature variable et localisée. C’est pourtant le pari audacieux de Sangha Renewables. La jeune pousse propose ni plus ni moins que d’installer des fermes de minage directement sur les sites de production d’énergies renouvelables.
« Nous disons aux énergéticiens : donnez-nous votre surplus d’électricité, on le transforme en bitcoins, et on partage les revenus », résume Spencer Marr. Un modèle « gagnant-gagnant » qui séduit de plus en plus les grands du secteur, d’après le dirigeant.
20 MW pour commencer, 110 MW en ligne de mire
Sangha est sur le point de signer un premier contrat de 19,9 MW avec une « major » du renouvelable dans l’ouest du Texas, un deal qui devrait générer près de 900 bitcoins sur 10 ans. Suffisant pour alimenter 4000 foyers, mais l’appétit de la startup ne s’arrête pas là. « On vise jusqu’à 110 MW sur ce site d’ici juillet 2026, sous réserve des autorisations », précise Spencer Marr.
Un déploiement qui ne se fera pas sans obstacles réglementaires, le fondateur en est conscient. Mais l’enjeu en vaut la chandelle. Selon ses projections, le site pourrait engranger 42 millions de dollars de revenus sur les 12 premiers mois, avec un coût d’électricité défiant toute concurrence, entre 2,8 et 3,2 centimes par kWh.
Vers un indice mondial de l’électricité ?
Au-delà de l’aubaine financière pour les énergéticiens, Spencer Marr voit plus loin. Pour lui, la généralisation du modèle Sangha bouleverserait en profondeur le marché de l’électricité, faisant du bitcoin une sorte d’étalon universel.
Comme le baril de Brent donne un prix mondial du pétrole, le minage de bitcoins pourrait créer un indice global du prix de l’électricité.
Spencer Marr, président de Sangha Renewables
Un changement de paradigme qui verrait l’électron, denrée jusqu’ici ultra-locale, se muer en une commodité échangeable mondialement via le réseau Bitcoin. Une perspective qui n’a pas échappé à certains géants des hydrocarbures, déjà en train d’expérimenter le minage de bitcoins pour valoriser leur gaz torché.
Des obstacles à surmonter
Le chemin est encore long avant de voir les parcs éoliens et solaires se couvrir de fermes de minage. Outre les réticences des régulateurs, le modèle Sangha devra convaincre un secteur de l’énergie notoirement frileux face à l’innovation. Mais le vent est en train de tourner, assure Spencer Marr :
Quand des poids lourds comme BlackRock se mettent au bitcoin, ça change la donne. Les énergéticiens commencent à y voir une opportunité plutôt qu’un ovni.
Si le pari de Sangha se concrétise, c’est toute la chaîne de valeur de l’électricité qui pourrait s’en trouver transformée. Avec à la clé, l’espoir d’une accélération des investissements dans les renouvelables, dopés par les revenus du minage. Une perspective aussi improbable qu’enthousiasmante.