Depuis plusieurs mois, la Guyane est confrontée à une sécheresse d’une ampleur exceptionnelle. Les fleuves qui sillonnent ce territoire d’outre-mer, habituellement si vivants et animés, sont méconnaissables. Le Maroni, frontière naturelle avec le Suriname, est devenu un paysage minéral parsemé de quelques flaques d’eau. Cette situation inédite perturbe fortement la vie quotidienne des populations locales.
Des transports fluviaux paralysés
Sur les rives du Maroni, le silence a remplacé le vrombissement des moteurs. Les pirogues, principal moyen de transport dans la région, sont à quai. Naviguer est devenu un véritable défi. Il faut slalomer entre les rochers, tout en luttant contre les courants qui menacent de faire chavirer les embarcations. Seuls les piroguiers les plus aguerris osent encore prendre la route fluviale.
Madeleine Akatia, gérante d’une entreprise de transport, témoigne : “J’ai dû mettre mes piroguiers les plus expérimentés aux commandes. Même avec leur savoir-faire, on ne peut plus transporter les élèves des écoles primaires, c’est trop risqué.” Les enfants doivent désormais descendre des pirogues et franchir certains passages à pied, rallongeant considérablement les temps de trajet.
Une telle sécheresse, ça faisait des années qu’on n’avait pas vu ça. Je me souviens d’une année où on pouvait traverser le Maroni à pied.
Madeleine Akatia, gérante d’une entreprise de transport fluvial
L’accès à l’éducation menacé
Dans les kampoe, ces habitations isolées en amont d’Apatou, les enfants dépendent des pirogues pour se rendre à l’école. Face à la situation, les établissements tentent de s’adapter. Alice Joseph, principale du collège Ma Aiyé explique : “On a dû aménager les horaires pour que les élèves ne rentrent pas à la nuit. S’il y a trop de risques, on prendra les dispositions nécessaires. La sécurité prime avant tout.”
Du côté des écoles primaires, le constat est alarmant. Emmanuelle Saroul, directrice de l’école Lambert Amayota déplore l’absence d’une quinzaine d’élèves juste avant les vacances. Les familles n’ont d’autre choix que de déménager ou confier leurs enfants à des proches en ville. Une cinquantaine d’écoliers seraient concernés sur la commune selon le maire Moïse Edwin.
L’approvisionnement des communes isolées en péril
Au-delà des transports scolaires, c’est tout l’approvisionnement des communes en amont d’Apatou qui est impacté. Des milliers d’habitants dépendent du fleuve pour recevoir nourriture et eau potable. Avec la baisse du niveau d’eau, il faut alléger au maximum les chargements, quitte à multiplier les rotations.
Si la situation empire, le maire d’Apatou envisage de se tourner vers l’État pour mettre en place un pont aérien. Sur l’ensemble de la Guyane, huit lignes fluviales sont d’ores et déjà interrompues. Le préfet assure que les moyens aériens, civils et militaires, seront mobilisés si nécessaire pour ravitailler les communes isolées.
Un phénomène inédit et inquiétant
D’après Météo France, cet épisode de sécheresse touche toute la Guyane et le bassin amazonien. Le territoire accumule un déficit de précipitations depuis un an et demi. Un phénomène d’une telle ampleur est inédit pour la plupart des habitants.
Au-delà des perturbations sur la vie quotidienne, cette situation soulève de vives inquiétudes quant aux effets du changement climatique sur la région. La faune aquatique est directement menacée par l’assèchement des cours d’eau. Les forêts, poumons de la planète, souffrent également de ce manque d’eau récurrent.
Face à cette crise, les autorités locales et les habitants tentent de s’adapter du mieux possible. Mais si les pluies continuent à se faire désirer, c’est tout l’équilibre de ce territoire unique au monde qui pourrait être remis en question. Un signal alarmant qui rappelle l’urgence d’agir face au dérèglement climatique.