Un incident survenu le 7 octobre dernier dans un train reliant Malines à Bruxelles a relancé avec force le débat sur la querelle linguistique en Belgique. Selon des informations rapportées par le contrôleur lui-même sur les réseaux sociaux, ce dernier, d’origine francophone, aurait été interpellé vivement par un voyageur néerlandophone mécontent de l’entendre saluer les passagers avec un « bonjour » alors que le train circulait en Flandre.
Cette altercation verbale, à première vue anodine, a pris une tournure politique lorsque le voyageur en question a décidé de déposer une plainte auprès de la Commission permanente de contrôle linguistique (CPCL). Cette instance, chargée de veiller au respect des règles d’emploi des langues dans l’administration belge, a confirmé avoir été saisie de l’affaire.
Une polémique qui ravive les tensions communautaires
Dans un pays profondément divisé entre une Flandre néerlandophone au Nord et une Wallonie francophone au Sud, avec Bruxelles comme seule région officiellement bilingue, cet incident a fait resurgir les vieilles querelles linguistiques. Le débat s’est rapidement enflammé sur la scène politique, les députés interpellant le ministre de la Mobilité Georges Gilkinet à la Chambre.
Le ministre écologiste francophone a pris la défense du contrôleur mis en cause, Ilyass Alba, appelant à faire preuve de souplesse et à « dépoussiérer une législation du siècle dernier ». Il a souligné le professionnalisme des accompagnateurs de train, au service de tous les voyageurs quelle que soit leur langue ou leur origine.
Utiliser plusieurs langues pour dire bonjour ne me choque pas
a déclaré Georges Gilkinet devant les députés
Des réactions contrastées dans la classe politique
Côté flamand, Sammy Mahdi, président du parti chrétien-démocrate (CD&V), a fermement défendu le respect de la législation linguistique, estimant qu’en tant que service public, la SNCB ne pouvait pas « jeter par-dessus bord » les règles établies. Une position jugée prioritaire par le ministre Gilkinet, qui a ironisé sur l’agenda du dirigeant flamand, par ailleurs engagé dans de difficiles négociations pour former un nouveau gouvernement fédéral.
La SNCB, de son côté, a plaidé pour davantage de flexibilité dans l’application des règles, mettant en avant « l’intérêt du voyageur ». Un porte-parole de l’entreprise ferroviaire a salué l’attitude « sympathique » des contrôleurs saluant les usagers en plusieurs langues.
Une législation complexe source de tensions
Au cœur de la polémique, les règles régissant l’emploi du français et du néerlandais dans les trains belges apparaissent particulièrement complexes. En théorie, le bilinguisme n’est requis des contrôleurs que sur le territoire bruxellois et dans les quelques communes dites « à facilités ». Partout ailleurs, ils sont tenus de s’exprimer dans la langue de la région traversée.
Mais dans un pays aussi petit que la Belgique, où les frontières linguistiques sont constamment franchies, cette législation semble de plus en plus difficile à appliquer au quotidien. D’autant que de nombreux trains effectuent des liaisons interrégionales, à l’image de celui reliant Malines à Bruxelles.
Vers un assouplissement des règles ?
Si la plainte déposée contre le contrôleur Ilyass Alba suit actuellement son cours, avec un avis attendu de la CPCL d’ici plusieurs mois, l’incident aura eu le mérite de relancer le débat sur la nécessité d’adapter la législation linguistique aux réalités de terrain. Nombreux sont ceux, à l’image du ministre Gilkinet, qui plaident pour davantage de souplesse et de pragmatisme.
Reste à savoir si cet énième épisode de la guerre des langues en Belgique saura faire bouger les lignes et inciter les responsables politiques à dépoussiérer des règles datant d’une autre époque. En attendant, gageons que les contrôleurs continueront d’user de diplomatie et de créativité linguistique pour assurer leur mission de service au mieux.